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dimanche, 31 juillet 2022

LA GUEULE DE L'EMPLOI

Le Canard enchaîné est le dernier bastion où le dessin de presse ait encore vraiment droit de cité. Certes, tout le monde n'est pas Cabu, tout le monde n'a pas le coup de crayon de Cabu, mais faute de grives ...

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ADELINA

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DIEGO ARANEGA

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AUREL

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CHAPPATTE

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LAMA

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LEFRED-THOURON

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LINDINGRE

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Ça pourrait tout aussi bien être Darmanin.

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MOUGEY

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URBS

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Dans le tas, je dois bien dire qu'il y a des dessins que je trouve franchement mauvais.

mercredi, 27 juillet 2022

ÉLISABETH BORNE DANS LE CANARD

Le seul refuge du dessin de presse en France s'appelle Le Canard enchaîné. Je ne parlerai pas du regretté Charlie Hebdo. Nul ne saura jamais comment Cabu, le Grand, l'Unique aurait traité le visage d'Élisabeth Borne. Tout ce que je peux faire, c'est d'additionner les portraits tirés pour le Canard par les dessinateurs qui fournissent le Palmipède, alias "Hebdomadaire Satirique paraissant le mercredi". A tort ou à raison, l'addition de ces dessins dégage tout l'esprit de ce qu'est, de ce que doit être le dessin de presse, du plus fouillé au plus elliptique et stylisé. 

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ADELINA

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DIEGO ARANEGA

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AUREL

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BOUZARD

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CHAPPATTE

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DELAMBRE

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DUTREIX
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KERLEROUX

(Le vieux de la vieille.)

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LINDINGRE

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MOUGEY

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POTUS

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SOPH'

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URBS

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lundi, 18 juillet 2022

CASTELLUCCI ET LES LIMITES HUMAINES

LIMITES HUMAINES ? CONNAIS PAS !!!

« A cerveau surchauffé, rien d'impossible ! », telle est la fière devise qui orne le front de Monsieur Romeo Castellucci, metteur en scène qui n'a peur de rien, à commencer par s'attaquer à des chefs d'œuvre qui nous dépassent, nous autres les humains ordinaires. Castellucci est un surhomme, il peut donc tout se permettre. Il peut se permettre, lui qui n'est pas comme nous autres, d'avoir des idées surhumaines — étant entendu qu'il ne saurait exister d'idées inhumaines.

En l'occurrence, la victime de monsieur le metteur en scène n'appartient même pas au monde du théâtre ou de l'opéra : de la musique pure. Et pardon ! Mais quelle musique ! Rien d'autre que la Deuxième Symphonie de Gustav Mahler ! Celle qui, pour son infortune, a été baptisée (peut-être par le compositeur lui-même, allez savoir - mais moi je ne veux pas le savoir) "Résurrection".

Remarquez que Castelluci n'en est pas à son premier méfait : il avait déjà exercé de sérieux sévices dans la morgue où il avait entreposé le Requiem de Mozart pour lui faire subir dissection et défiguration post-mortem. Peur de rien, je vous dis !!! Cette fois, le géant génial a osé poser ses bottes de sept lieues pleines de terre et d'audace en plein milieu d'une œuvre que j'affectionne particulièrement, pour de multiples raisons.

La première de ces raisons réside dans le deuxième mouvement, le magique "andante moderato", dont j'ai appris par cœur la longue mélodie artistement développée, qui vient me tenir compagnie la nuit en cas d'insomnie, et qui me donne le frisson quand elle me vient à l'esprit. Un Monument !


Zubin Mehta à la baguette.

La deuxième raison, c'est évidemment tout le reste de la symphonie avec, au premier chef, l'intervention des voix (Schwarzkopf et Rössl-Majdan dans la version Klemperer, Maria Stader et Maureen Forrester dans la version insurpassable de Bruno Walter), puis du chœur, qui dotent les deux derniers mouvements d'une puissance capable d'élever l'auditeur à des hauteurs vertigineuses.

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Il y a, pour moi, dans la musique de la deuxième symphonie de Gustav Mahler, quelque chose qui touche au sacré. C'est déjà dire qu'imaginer d'imposer un spectacle visuel à cet événement grandiose qu'est son exécution, et avec, par-dessus le marché, une mise en scène tout ce qu'il y a de "spectaculaire", ça tient de la profanation. Il y a des choses qui ne se font pas. Un peu de "common decency", monsieur Castellucci.

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Photo de Monika Rittershaus.

Je n'ai pas honte de le dire : je n'ai pas vu le spectacle, et je dois bien avouer que je n'aurais pas été effleuré par l'envie d'en dire quoi que ce soit si je n'avais pas lu la prose séveuse et charnue qu'une Marie-Aude Roux visiblement inspirée a consacrée à la prestation dans le journal Le Monde du jeudi 7 juillet dernier. 

Voici comment la journaliste raconte le passage par Castellucci du Requiem de Mozart à la Deuxième de Mahler : « Le finale mozartien, dans une verticalisation spectaculaire du plateau, telle celle d'une benne à ordures, livrait les hommes à l'engloutissement, dont ne restaient que vêtements épars et terre foulée. Cette fois, c'est un immense bourbier ponctué de tumulus et de remblais — 550 tonnes charroyées, terre ocre de la Durance, tourba noire de Lettonie — qui a envahi le vaste plateau du Stadium ». On dira que c'est logique : après l'hiver glacé de la messe des morts, le printemps palingénésique de la symphonie. 

Ha ! le mec ! trop fort ! Il a fait venir cinq cent cinquante tonnes de terre ! Sans doute afin que les figurants dûment enterrés puissent se dresser au moment décisif pour le plus grand effroi des spectateurs qui ont payé d'avance les sensations fortes annoncées ! Le raisonnement de Castellucci semble être : "Ils en veulent ! Qu'est-ce que je vais leur mettre !" Sans hésiter, il convoque l'ONU, ce qui devient, sous la plume de Marie-Aude Roux : « Sur le plateau, les équipes du Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés ont déployé hommes et femmes en combinaison blanche et gants de latex bleu. Le premier mort exhumé, d'un réalisme étudié a des allures christiques. Il sera allongé sur une housse blanche. Au ballet des scientifiques, médecins, photographe médico-légal, débarqués de gros camions au fil de différentes sections musicales, répond la danse immobile des morts sortis de la gangue noire de l'anonymat ». Quand je disais que la journaliste s'est sentie inspirée !! 

Difficile de se faire une idée de ce que pense Marie-Aude Roux de la musique produite par Esa-Pekka Salonen « à la tête d'un orchestre de Paris des grands soirs », sinon que c'est la musique qui finit par emporter la "victoire", après une lutte qu'on imagine acharnée avec le spectacle castelluccien. On est bien content, parce que, dans son texte, c'est quand même Castellucci qui s'offre la part du lion, au point qu'on se demande où est passé Mahler. La journaliste s'est apparemment laissé fasciner par les trouvailles époustouflantes du spectacle visuel.

La peste soit de ces metteurs en scène qui, en présence des chefs d'œuvre de la musique, se croient littéralement tout permis. Il faut aussi en vouloir à Salonen, le chef, de s'être prêté à ce massacre. Complicité de meurtre, ça devrait s'appeler !

Vivement la Déclaration Universelle des Limites Humaines !!!

Voilà ce que je dis, moi.

09:00 Publié dans MUSIQUE | Lien permanent | Commentaires (0)

dimanche, 17 juillet 2022

CHEZ LES COUPEURS DE TÊTES

… Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'pense pas, Monsieur
On n'pense pas
On prie

Gérald Darmanin a bénéficié d'un non-lieu. Tant mieux pour lui. Ce n'est pas le cas d'Eric Coquerel, dont une meute de louves en chasse réclame la tête, à cause de son attitude générale envers les femmes et, paraît-il, sa sale manie de pratiquer une "drague lourdingue". Pour lui, ce n'est pas encore gagné : une "enquête préliminaire" a été ouverte à son encontre.

Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'vit pas, Monsieur
On n'vit pas
On triche

C'est encore pire pour Caroline Cayeux, ministre dans le gouvernement Macron. Mais elle, son cas est hors-limite, elle a dépassé les bornes : elle a attaqué de front la "communauté" homosexuelle en affirmant que le mariage offert par François Hollande aux homosexuels allait contre la nature, puis en aggravant sa situation en parlant des homosexuels en disant "ces gens-là". L'expression a heurté un autre ministre qui, lui, avait fait son "coming out" sans que Caroline Cayeux ait été mise au courant. La grosse gaffe, quoi !

… Faut vous dire, Monsieur
Que chez ces gens-là
On n'cause pas, Monsieur
On n'cause pas
On compte

Il fut un temps où l'on faisait tomber les têtes pour moins que ça. Bien entendu, il n'en fallait pas plus pour que la "communauté" tout entière, avec le renfort de Jack Lang, se lève et réclame celle de la ministre. Son crime ? Homophobie. Tout ça parce qu'elle pense, cette attardée, qu'il existe une sexualité humaine normale, et qu'en dehors, il n'y a que des sexualités déviantes, contre-nature, à commencer par celle qui consiste à pratiquer avec des êtres de même sexe.

Parce que chez ces gens-là, Monsieur
On n's'en va pas
On s'en va pas, Monsieur
On s'en va pas

Notez qu'elle n'exige pas que l'on revienne au temps où l'on enfermait les invertis, ni qu'on s'inspire de certains pays musulmans où ceux-ci sont mis à mort. Mais le pire n'est peut-être pas qu'elle le pense, mais que, étant à un poste de responsabilité, elle ait osé le dire. Alors ça, ça ne se fait pas, Monsieur. 

Ce que je retiens de ces affaires, c'est que ça va devenir de plus en plus difficile de former des gouvernements. Il faudra des gens irréprochables, qui cochent toutes les cases de l'irréprochabilité dans tous les domaines de l'existence. Rien que ça, c'est entièrement nouveau. De véritables petits saints dûment estampillés, des ascètes de haut niveau, des athlètes de la morale, des champions de la nouvelle normalité régnante, des cracks impitoyables en matière de propreté. Des gens qui n'ont jamais commis aucune sortie de route politique, aucune infraction médiatique, aucun délit d'opinion (si, si, ça existe), aucun crime de mauvaise pensée qui risque de déplaire à toutes les sortes de chiens de garde et de fauteurs de haine qui rôdent autour de nous, à l'affût du moindre dérapage à l'égard des — prenez votre élan — L.G.B.T.Q.I.A.+ (non, ne me demandez pas). 

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Lu dans Le Progrès du 16 juillet 2022 : l'expression vise trois membres du gouvernement. Nous vivons quand même une époque formidable.

Moi, je trouve qu'il n'y a pas que la chaleur et la pollution qui rendent l'air irrespirable.

samedi, 16 juillet 2022

CABU : LA RAFLE DU VEL D'HIV

16 juillet 1942 - 16 juillet 2022

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En 1967, Cabu a vingt-neuf ans. La revue Le nouveau Candide lui commande une série de dessins pour accompagner la publication de "bonnes feuilles" du livre-choc de Claude Lévy et Paul Tillard, La Grande rafle du Vel d'Hiv (Robert Laffont, 1967).

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Cabu lit le livre. Cette lecture le bouleverse. Il en tire une quinzaine de dessins très forts, à commencer par l'autobus chargé du transport des personnes arrêtées.

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Désolé, le format du dessin rend celui-ci difficile à caser en entier : on n'aperçoit plus qu'une partie d'un des deux miliciens surveillant les prisonniers. Ci-dessous, le même dessin tel que paru dans Le Progrès du 16 juillet 2022, d'après une photo de Véronique Cabut.

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A l'occasion du quatre-vingtième anniversaire de la rafle, l'historien du régime de Vichy et de la Shoah Laurent Joly vient de publier les dessins de Cabu (augmentés d'un inédit), qu'il met en contexte et commente de façon claire et concise (Tallandier, juin 2022, avec le Mémorial de la Shoah).

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Je ne veux pas redire (mal) ce que raconte et explique très bien Laurent Joly sur  le statut des juifs sous le régime de Vichy, la collaboration active de celui-ci à la politique antisémite des nazis et la déportation de 12.884 juifs à partir de la grande rafle du 16 juillet 1942.

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Une arrestation manquée : qu'est devenue cette famille en fuite ?

C'est d'avoir entendu Laurent Joly parler de son travail, de l'époque, de Cabu qui m'a fait acheter le livre où se trouvent les dessins de Cabu.

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Pour moi, ces dessins, c'est Cabu avant Cabu. J'ignorais totalement ce travail de commande. J'imagine que le dessinateur n'en était pas à son coup d'essai : il faut bien vivre. Il dessine pour beaucoup de revues, parmi lesquelles, évidemment, Hara Kiri. Ici, ce n'est pas le grand méchant Cabu qu'il a pu être en compagnie de Cavanna, Choron et consort. La seule chose qui me chiffonne, dans la publication de Cabu-Laurent Joly, c'est celle-ci :

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Cabu !!!! Une marque déposée !!!! Non, l'époque est trop cruelle avec le sens des choses, le sens de la vie. Certes, j'imagine les diverses contraintes juridiques qui pèsent sur les publications, sur les épaules des ayants-droits, etc. Mais Cabu, une marque déposée, ça non, vraiment, ça ne passe pas !

***

Note : La grande rafle du Vel d'Hiv, je ne veux pas réviser l'Histoire de France : c'est un crime, un point c'est tout. Un crime français ! Je ne reviens pas là-dessus. Je relèverai quand même que les Allemands, qui avaient réclamé 40.000 juifs à Pétain, René Bousquet et leurs affidés, en obtinrent finalement 13.000, ce qui est déjà énorme. Impossible d'avoir une vue d'ensemble sur les grains de sable qui ont fait obstacle.

Parmi ces grains de sable, je salue les membres des forces de l'ordre qui, chargés de la sale besogne, sont passés la veille du jour J au domicile de certaines personnes visées pour les inciter à partir. Qui, lorsque tel ou tel se défilait par l'issue de secours, ont ostensiblement tourné la tête de l'autre côté. Qui, sans empêcher la globalité du crime de se commettre, en ont en quelque sorte atténué l'énormité. Qui, sans prétendre au titre de "Héros", ont quelque droit, fût-il parcellaire, à celui de "Juste", fût-il anonyme.

Voilà ce que je dis, moi.

mercredi, 13 juillet 2022

À CAUSE DES RATS

RUE CUVIER 129 PETITE ANNONCE 1969.png

Le texte : « A. cause des Rats ne. mettez pas de manger dans les poubelles. pendant La. journée S.V.P. ». Texto !

129, rue Cuvier, en 1969, photo ©D.R.).

mardi, 12 juillet 2022

FRANCE : L'ART DU CONSENSUS

ENCOURAGÉ DE LA VOIX ET DU GESTE PAR BRIGITTE MACRON EN PERSONNE, LE PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE EMMANUEL MACRON PART À LA RECHERCHE D'UN CONSENSUS POLITIQUE QUI PERMETTE DE GOUVERNER LA FRANCE AVEC LE SÉRIEUX ET LA GRAVITÉ REQUIS.

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samedi, 09 juillet 2022

FRANCE : L'ART DU COMPROMIS EN POLITIQUE

MINISTRES DU GOUVERNEMENT D'ÉLISABETH BORNE CHERCHANT UN TERRAIN D'ENTENTE AVEC LES PARTIS D'OPPOSITION.

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jeudi, 07 juillet 2022

ON DIRA PAS QU'ON SAVAIT PAS ...

... ON CONTINUERA À FAIRE COMME SI ON SAVAIT RIEN.

Autour de la série de cinq articles publiés par le journal Le Monde du 31 mai au 4 juin 2022.

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Voilà, le journal Le Monde donne l'impression que le grand mot est lâché : SOBRIÉTÉ (relayé dans l'éditorial annoncé par le mot "frugalité"). Il faudra encore bien des efforts et bien du courage à tous les politiciens et à tous les journalistes pour annoncer clairement, explicitement aux vastes populations ordinaires qu'au fil du temps, il y aura de plus en plus de choses dont elles devront purement et simplement SE PASSER.

Et ça, ça risque de leur rester en travers. Elles risquent de très mal le prendre. Vous vous rendez compte ? Quand les politiciens, pour se faire élire ou réélire, feront la promesse aux électeurs que demain, ils vivront moins bien, moins confortablement, moins agréablement, mais en revanche avec de plus en plus de tâches rebutantes ? Vers quels triomphes électoraux n'iront-ils pas quand ils se verront, par obligation de sincérité, en train de débeurrer la tartine ! De dédorer la pilule ! D'ouvrir l'horizon vers des lendemains qui déchantent ! Et comme ils les écouteront avec intérêt, les électeurs !

I

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Nous ne savons pas nous contenter de peu.

Eh oui ! Il est bien là, le problème : notre MODE DE VIE. Rappelez-vous ce que déclarait George W. Bush au lendemain des attentats du 11 septembre 2001 : « Ce n'est pas une poignée de terroristes qui fera que nous, Américains, accepterons de changer notre mode de vie ! ». Difficile de nous convaincre que nous vivons comme des nababs, hein. Pour nous, notre mode de vie, c'est la VIE NORMALE. Et pourtant, c'est la vérité : chaque fois que nous consommons (et peu importe quoi, "consommer" veut dire "faire disparaître"), nous croquons dans la planète, comme si nous en étions "maîtres et possesseurs". Comme si la nature faisait partie des "objets inanimés" sans âme.

Chaque fois que nous achetons un bien, utile ou non, durable ou non, nous nourrissons la bête insatiable qui n'est aucun de nous en particulier, mais qui est la somme de nous tous les humains, de ce que nous sommes, de ce que nous désirons, de ce que nous faisons. Nous ? C'est chacun de nous, c'est l'ensemble des machines que nous utilisons au quotidien dans nos maisons et au dehors, c'est les commerces où nous nous fournissons, mais c'est aussi les grosses entreprises qui extraient, transforment, transportent, produisent les matières et objets qui composent nos décors, nos paysages, nos conditions de vie. 

En résumé, nous, c'est le système entier dans lequel, bon gré mal gré, nous nous mouvons. Et dont chacun de nous est, qu'il le veuille ou non, complice. Et plus nous luttons, par souci démocratique, contre les inégalités planétaires de richesse, plus nous désirons, sincèrement ou hypocritement, hisser le niveau et la qualité de vie dans les pays pauvres pour qu'ils ressemblent un peu aux nôtres, plus vite et plus fort promettent de s'agiter les mandibules voraces de la bête insatiable qu'est l'humanité installée dans le ventre de la planète.

II

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Nous ne savons pas rester en place.

Ah ! La liberté d'aller et venir en tout sens, au gré de nos fantaisies ou de nos nécessités ! Ah ! La possibilité, en sortant de chez soi, de faire le tour du pâté de maison pour promener Rien (c'est le nom de mon Toutou, hé hé !), de se rendre chaque matin en ville pour bosser ou faire les soldes, de prendre l'autoroute pour aller voir tantine à Labastide d'Armagnac, voire l'avion pour filer en vacances à Bichkek, à Lilongwe, à Tromsø, à Brisbane, quand ce n'est pas Antofagasta. Comment s'appelle-t-il, ce smart-poète qui a publié un jour un recueil où chaque poème chic portait le cachet d'un hôtel chic, comme autant de lettres chics envoyées des quatre coins du monde chic ?

Quel est ce gouvernement péruvien qui envisage sérieusement de transformer le site entier du Machu Picchu en complexe touristique, avec un magnifique aéroport international où débarqueront les hordes, les meutes et les troupeaux de consommateurs de sites remarquables, qui n'auront rien de plus pressé que de faire des millions de selfies avec en arrière-plan une forêt d'autres Smartphones dressés, avant de s'engouffrer vite fait dans l'avion du retour parce qu'il n'ont qu'une semaine de vacances ? Quelle mouche vient de piquer la Chine pour qu'elle passe commande, si je suis bien informé, de plus de deux cents Airbus A320 ? Où en est la lutte au couteau entre Airbus et Boeing pour fabriquer et vendre par milliers des appareils chargés de remplir les carnets de commandes, de diminuer le taux de chômage et d'empuantir la haute atmosphère ? 

III

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Nous ne savons pas manger.

Que dire de l'alimentation des humains ? Que nous mangeons trop ou pas assez ? Que nous mangeons trop mal ou trop bien ? Que nous avons des façons pathologiques de grossir ou de maigrir ? Que trop de nourriture est jetée dans les pays riches et qu'on crève la dalle dans les pays pauvres ? Que la bouffe que nous vend l'industrie agro-alimentaire est bourrée d'ingrédients chimiques de la plus haute importance pour elle, pour ses actionnaires et pour le développement des maladies chroniques ? Que la même industrie agro-alimentaire saccage les sols où elle est implantée jusqu'à les rendre impropres à la production de quoi que ce soit ? C'est-il pas l'OMS qui déplore qu'il y ait davantage de morts du fait d'obésité que de malnutrition ?

 

IV

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Nous ne savons pas contrer les pulsions de notre striatum.

C'est dans le livre de Jean-Marc Jancovici et Christophe Blain que j'ai appris l'existence de cette ressource bien cachée de notre cerveau : le striatum, mis en évidence par Sébastien Bohler, polytechnicien, essayiste, docteur en biologie moléculaire, journaliste, spécialiste en neuroscience et auteur, entres autres, de Bug humain et Où est le sens ? Alors que le cortex « produit de la création, de l'abstraction, de la planification », le striatum, lui, « ne produit pas d'intelligence, mais du désir brut, de la motivation ». C'est ce dernier qui nous procure le plaisir quand nous obéissons à ses injonctions, grâce à la dopamine du circuit de la récompense (comme disent les neuro-machins).

Ce que je retiens de tout ça, à la page 188 du bouquin, c'est que
« le striatum nous pousse à toujours vouloir plus ».


C'est exactement la logique des Jeux Olympiques — "citius, altius, fortius" — que le monde a en vénération. Mais on peut dire que toute compétition sportive, et même toute compétition tout court (économique, scolaire ou autre), est bâtie sur le même modèle. Et vous pouvez remplacer "compétition" indifféremment par "concurrence", "challenge", "rivalité", "concours", "défi", "joute", "conflit", etc. Vous constatez que la logique de l'affrontement, que celui-ci soit pacifique ou guerrier, imprègne à tel point notre vocabulaire, notre esprit et notre imaginaire qu'on serait tenté d'en faire le moteur de la ... "Nature Humaine". 

Je retiens par conséquent que ce n'est pas demain la veille du jour où l'humain sera en mesure d'envisager la décroissance pour lui-même. Tout juste tolère-t-il l'absence de croissance chez les autres, tous les autres, à commencer par ceux qui sont depuis toujours habitués à ne rien avoir. Comme s'il était pré-programmé pour se soumettre corps et âme au commandement que le journaliste François de Closets faisait déjà semblant de dénoncer dans Toujours plus (Grasset, 1982). En face de ce soi-disant "brûlot", combien de lecteurs pour Vers la Sobriété heureuse (Pierre Rabhi, Actes Sud, 2010, voir le titre de la présente série du Monde) ? Rien qu'à voir la folle addiction généralisée de l'humanité au smartphone, à la 4G, au paiement soi-disant "sans contact", à la numérisation progressive et joyeuse de l'existence, on a le droit de ne pas trop espérer.

Dans la masse des humains, combien d'aspirants ermites ? Combien d'ascètes volontaires ? Combien de candidats stylites ? Combien de prétendants anachorètes ? Combien d'impétrants cénobites ? Combien parmi nous sont prêts à se tourner volontairement vers le renoncement à tout le superflu que nous offre le monde actuel ? Prêts à supporter la privation, la frustration, le manque de tous nos brimborions, bibelots et babioles ? Prêts à se contenter du strict nécessaire ? Prêts à remplacer par du travail tous les outils techniques qui nous facilitent l'existence ? Ne répondons pas tous à la fois. 

V

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Nous ne savons pas bâtir nos maisons.

On sait : le béton, ça peut être joli, mais en fait c'est pas bien, pas bien du tout. D'abord l'empreinte carbone, je te dis pas. Et puis toutes les "sky-lines" du monde barrées par des murailles de tours géantes, sky-scrapers et autres World Trade Centers, vous vous rendez compte de tout le sable qu'il a fallu extraire de tous les rivages pour faciliter le grignotage des côtes par les eaux salées et pour rendre toujours plus difficile la vie des gens qui vivent là ? Qu'est-ce qu'on attend pour construire "à l'ancienne", avec du bois, de la paille, de la terre et, tiens, pourquoi pas ? de la bouse de vache, puisqu'on ne saura bientôt plus quoi faire des troupeaux pléthoriques de bovins, quand les "vegans" auront pris le pouvoir et imposé leur loi par la force ? Qu'est-ce qu'on attend ? Eh bien qu'est-ce que vous attendez pour poser la question à l'industrie du BTP ? 

mercredi, 06 juillet 2022

LA REVUE DE DEUX MONDES ...

... PAS FAITS POUR SE RENCONTRER.

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Photo prise le 4 juillet par Jean-Claude Coutausse : "Emmanuel Macron, entouré par les membres du nouveau gouvernement d'Elisabeth Borne, dans le parc du palais de l'Elysée". L'article de Claire Gatinois expose dans une analyse subtile tous les recoins des calculs et raisonnements du président pour préserver son équilibre mental (je plaisante, évidemment).

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Photo prise le 22 juin par Bruno Amsellem, de l'agence "Divergence" : "Des membres de Solidarité Paysans s'entretiennent avec Annick et Didier (de dos), agriculteurs, dans la Loire, le 22 juin". L'article de Camille Bordenet nous fait toucher du doigt la dure et vraie réalité du métier de paysan (là, il est clair que je ne plaisante pas). 

Deux articles parus dans le journal Le Monde daté "mercredi 6 juillet 2022".

Notez que c'est à la résidence du président de la République que la chorale gouvernementale vient poser pour la photo, et non à l'hôtel Matignon, résidence du Premier ministre, comme le voudrait la division du travail prévue par la Constitution de la Vème République. En toute logique, Elisabeth Borne devrait figurer au centre du groupe. Cela montre bien où Emmanuel Macron entend placer le vrai ressort du pouvoir. Je pose la question : "Qu'est-ce que ça change par rapport au premier quinquennat ?"

Rien. Cela veut dire que les agriculteurs continueront à se suicider doucement ; que les médecins des hôpitaux, en particulier psychiatriques, continueront à se taper la tête contre les murs à remplir des tableaux excel de centaines de codes cabalistiques inventés par des cabinets de conseils payés avec de l'argent public pour améliorer la rentabilité des services hospitaliers ; que l'école, le collège, le lycée et l'université français continueront leur irrésistible dérive vers un chaos de connaissances distribuées par un corps professoral de plus en plus déboussolé, médiocre et mal payé ; que la police continuera à éborgner à coups de LBD les ahuris qui auront la mauvaise idée de défiler dans la rue pour protester, avec ou sans gilet jaune sur le dos ; ... et puis toutes sortes d'autres choses aussi distrayantes que les Français sont sûrement avides de découvrir. 

lundi, 04 juillet 2022

L'INTELLO ET LA B.D.

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Belle couverture, massacrée par le hideux barbouillage d'un nommé Lewis Trondheim, auteur à la mode, paraît-il. Cela en dit long sur ce qu'est devenue la bande dessinée.

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LISTE EXHAUSTIVE DES COLLABORATEURS

Thierry Groensteen, Jean-Charles Andrieu de Levis, Raphaël Baroni, Camille Baurin, Evariste Blanchet, Alain Boillat, Elsa Caboche, Sébastien Charbonnier, Gilles Ciment, Benoît Crucifix, Pierre-Laurent Daurès, Erwin Dejasse, Philippe Delisle, Isabelle Delorme, Julie Demange, Agnès Deyzieux, Jacques Dürrenmatt, Henri Garric, Laurent Gerbier, Xavier Guilbert, Manuel Hirtz, Anne-Hélène Hoog, Nicolas Idier, Jean-Paul Jennequin, Bernard Joubert, Guillaume Laborie, Marion Lejeune, Clément Lemoine, Fabrice Leroy, Sylvain Lesage, Samuel Lévêque, Pierre Lungheretti, Vincent Marie, Jean-Philippe Martin, Jean-Pierre Mercier, Anne Miller, Benoît Mitaine, Harry Morgan,, Philippe Morin, Frédéric Paques, François Poudevigne, Gwendal Rannou, Maël Rannou, Camille Roelens, Nicolas Rouvière, Johanna Schipper, Bounthavy Suvilay, Nicolas Tellop, Philippe Videlier, Luc Vigier, Pascal Vimenet. Ouf !

Voilà, je ne vous ai rien épargné, je pense n'avoir oublié personne. Qui cela peut-il intéresser, franchement ? Cinquante et un noms, sauf erreur. Cinquante et un lampistes (notez que je n'ai pas dit "lumières") qui ont quelque chose à voir avec l'Université, de près ou de loin et du bas au haut échelon, chacun étant doté d'un palmarès éditorial plus ou moins fourni. Attention les yeux, on est prié de saluer bien bas. Je relève, en piochant au hasard, un maître de conférence auteur d'une thèse sur Aragon ; une doctorante qui étudie la circulation transnationale de récits transmédiatiques [là, je pouffe !!!] ; un titulaire d'un master de stylistique appliquée à la bande dessinée ; un agrégé d'histoire et normalien ; un maître de conférence en littérature à l'université Grenoble-Alpes ; un bibliothécaire à la Ville de Paris ; un professeur associé à l'université de Lausanne ; un spécialiste de didactique de la philosophie ; un professeur à Sorbonne université ; un diplômé d'une grande école d'ingénieur ; un directeur d'un ancien ministre de la Culture et de la Communication ; un historien de l'art ; une doctorante en histoire culturelle ; une chercheuse associée au Centre d'histoire de Sciences Po ... Pitié, n'en jetez plus. Rien que du beau monde ! Un Temple du Savoir. Ma parole, ce "Bouquin" « est un temple, où de vivants piliers laissent parfois sortir de confuses paroles ». Je confirme l'oracle de Baudelaire : souvent confuses, les paroles, et plus souvent qu'à leur tour. Paroles d'intellos, j'espère qu'on a compris. De quoi vous dégoûter de la bande dessinée !

Il fut un temps où Le Lombard, Dargaud, Casterman, Dupuis et de très rares autres éditeurs se contentaient de publier chaque année cent cinquante albums de bande dessinée, des livres destinés à la jeunesse, et qui trouvaient place dans un recoin vaguement honteux des bibliothèques de famille, où Papa allait jeter un œil quand les enfants étaient couchés. Aujourd'hui, il pleut des auteurs aussi dru que grenouilles en plaies d'Egypte, les éditeurs pullulent, les librairies spécialisées prospèrent et les albums de B.D. prolifèrent plus vite que la vermine au rythme de cinq mille (5.000 !) par an. 

Mais ce n'est pas pour autant que le prix de chaque album s'est effondré, au contraire : le plus grand soin est apporté à l'impression, le coût de fabrication s'en est ressenti. Sans parler des TT (tirages de tête, mais souvent à plus de 1.000 exemplaires !). Résultat : plus de Jerry Spring aux couleurs bavouillantes, plus de Gil Jourdan sur papier hygiénique, plus de Marc Dacier aux pages qui volent à la première lecture. Mais en contrepartie, plus question de se procurer toute la production. 

Plus de cinq mille B.D. dans une seule année, quand même, et sans parler de la qualité des scénarios et des dessins, il ne faut pas s'étonner si la plupart des auteurs n'arrivent pas à vivre de leur "art" et en sont réduits à toucher le R.S.A. ou à occuper des petits jobs un peu rémunérateurs : trop de marchandises sur un marché saturé, ça fait forcément baisser la valeur symbolique. La demande n'a pas suivi la croissance exponentielle de l'offre. Pour faire un peu mon cuistre, je dirai qu'en un demi-siècle, on est passé d'un marché très nettement oligopole à un marché outrageusement oligopsone. Et je ne compte pas ici les importations de quelques espèces invasives que sont les super-héros Marvel ou les mangas japonais (pardon pour le pléonasme !), dont les blockbusters trônent en tête de gondole. Il ne reste à la piétaille et aux troupiers ordinaires de la B.D. que les miettes d'un festin plantureux.

Aujourd'hui, donc, la Bande Dessinée s'est hissée au rang de genre presque noble. Comme le dit Nicolas Rouvière dans son article "Enseignement (1)" : « ... l'hostilité farouche a cédé la place à une intégration résignée, puis la récupération intéressée s'est transformée en légitimation affichée ». C'est assez correctement décrire les phases du processus qui a vu la B.D. se rapprocher de l'avant-scène pour finir par escalader le piédestal. C'est aussi montrer qu'on ne sait plus trop quoi étudier, puisqu'avec ce qui dort sur les dizaines de kilomètres de rayons des Archives, Bibliothèques publiques et autres réceptacles du "dépôt légal", on a l'impression que tout est dit, et qu'il est impossible et vain d'essayer de dénicher de nouveaux filons de recherche. C'est ainsi que le patron de thèse en est réduit à réorienter les futurs chercheurs : « Eh coco, si tu allais voir du côté de la B.D. ? ».

La conséquence de tout ça, c'est que les intellos et universitaires de tout poil, à commencer par les spécialistes de "sciences" humaines, ne croient plus déshonorant d'élever à la dignité d'objet de savoir classique ce soi-disant "neuvième art", qui aurait dû se contenter du statut d'art mineur réservé au passe-temps des petits et des grands enfants. Du coup, des savantasses se sont mis à gamberger, à baver du savoir et à produire des concepts forgés "ad hoc" par les boyaux de leurs têtes, faisant fleurir de grands jardins de prises de tête carabinées et d'abstractions incolores, inodores et sans saveur.

Tandis que Sylvain Lesage s'interroge douloureusement sur l'expression « éminemment problématique » d' "imagerie populaire", et que Nicolas Tellop découvre que, dans une bande dessinée où l'auteur adapte une œuvre littéraire, « l'économie narrative se déplace en grande partie du langage écrit vers celui du dessin » (mâtin ! quelle perspicacité !), Thierry Groensteen — le maître d'œuvre de toute l'entreprise — juge que « le propre du héros est d'aller s'empêtrer dans des histoires, pour mieux s'en dépêtrer au terme d'une intrigue fertile en rebondissements ». On ne saurait mieux dire le fond des choses, dirait Vialatte. Je signale juste à l'éminent "scientifique spécialisé dans la B.D." — je me marre ! — que Zantafio, le cousin malfaisant de Fantasio, se fait appeler le général Zantas, et non Zantos, dans Le Dictateur et le champignon, avouez que ça la fiche mal.

Bon, je pourrais passer un bon moment à brocarder les trouvailles lexicales, à me gausser des inventions sémantiques et à tourner en dérision les innovations intellectuelles dont la cinquantaine de balourds diplômés alourdit la barque de ce simple divertissement que doit rester la bande dessinée, mais on a mieux à faire, n'est-ce pas. Il reste que ce Bouquin de la bande dessinée est un livre fondamentalement inutile, et que j'ai dépensé 30€ en pure perte. J'aurais dû un peu regarder dedans avant. Cela me renforce dans ma conviction que l'obsession des sciences-humanistes, sorbonards, sorbonagres et sorbonicoles (merci maître François Rabelais) de transformer le moindre fait humain en objet de savoir digne d'attention est une duperie, et probablement une imposture. 

Accessoirement et au surplus, moi qui me considère simplement comme un vieil amateur, je me permets de regretter que l'édition de B.D. soit devenue cette forêt inextricable, cette jungle découpée en ghettos culturels délimités par de redoutables frontières de genre. D'éminents intellos auront beau me dire que les temps ont changé, que x, que y et que z, je n'en démords pas : un art mineur n'a aucun droit à être traité à l'égal d'un art majeur. Je me rappelle une dispute mémorable qui avait opposé Guy Béart et Serge Gainsbourg sur un plateau de télévision : le premier soutenait que la chanson est un art aussi noble que ceux appartenant au trivium et au quadrivium, ce dont le second se moquait ouvertement et avec force sarcasmes : imagine-t-on Charles Trenet ou Georges Brassens à l'Académie française ? C'est évidemment Gainsbourg qui avait raison. La B.D., après tout, ne se trouve-t-elle pas très à l'aise sur le second rayon ? Vous dites ? De quel droit je me permets de hiérarchiser ? Mais, cher monsieur, du même droit que vous vous permettez de m'affirmer le contraire ! 

Je conclurai cette petite diatribe par une modeste considération sur l'évolution du présent monde : on sait que les excellents pianistes surabondent, que les violonistes impeccables foisonnent, que les dessinateurs doués fourmillent et que la littérature souffre d'un surpeuplement de gens qui savent écrire correctement. Au point que, chacun dans sa spécialité, tout ce petit monde se trouve en butte à la saturation du marché de l'emploi. Trop de gens veulent jouer du piano, du violon, du pinceau (de la "tablette graphique" pour les plus "modernes") ou du stylo (pardon : du traitement de texte). Le nombre de clients intéressés n'est pas extensible à l'infini. Dans ces conditions, difficile de percer et de vivre convenablement de son art.

Il en est de même à l'Université : trop de gens ont l'ambition de devenir sociologues, historiens, philosophes, économistes, que sais-je. On ne sait plus où les fourrer. On ne sait plus quoi en faire ni quoi leur faire faire. On ne sait plus où donner de la "recherche" ou de la "spécialité". Comment occuper (et payer) tant de cerveaux ? L'Université déborde, étouffe, s'effondre sous son propre poids d'intelligence, obligée de développer une infinité de micro-domaines, de micro-spécialités et de micro-filières, autant de "champs" plus pointus que la voix de ma concierge et plus étroits que le jardin de mon oncle Symphorien.

Il y a tellement d'intelligences en exercice qu'elles se contredisent, s'annulent, et qu'il n'est plus possible de comprendre quoi que ce soit au monde tel qu'il vient. Face à ce Niagara de verbe et de savoirs qui voudrait m'expliquer ce que je dois penser de ce que j'aime ou déteste et pourquoi il faudrait que je pense autrement, je m'efforce de cultiver le tout petit bout de jardin respirable que la vie a ouvert autour de moi.

Voilà ce que je dis, moi.

Note 1 : Je m'abstiendrai de dire quoi que ce soit des articles "Colonialisme", "Femme (1)", "Femme (2)", "Homosexualité", où s'expriment en liberté, méticuleusement épouillés pour apparaître dans leur splendeur arrogante, les stéréotypes culturels à la mode, je veux dire ceux qui détiennent aujourd'hui l'autorité, je veux dire ceux qui font la police dans les avenues des opinions.

dimanche, 03 juillet 2022

POURQUOI ?

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Y a-t-il d'autres questions ? Je suis sérieux.