vendredi, 31 mai 2013
TOUT EST NORMAL
LE 1er FEVRIER 1968, EDDIE ADAMS (PRIX PULITZER ET WORLD PRESS POUR CETTE IMAGE) PHOTOGRAPHIE NGUYEN NGOC LOAN, CHEF DE LA POLICE DU SUD VIETNAM, TIRANT UNE BALLE DANS LA TÊTE DE NGUYEN VAN LEM, MEMBRE DU VIETCONG. IL SE REPROCHERA CETTE PHOTO EN APPRENANT PLUS TARD QUE LA "VICTIME" DU POLICIER AVAIT ASSASSINÉ LE MEILLEUR AMI DE CELUI-CI, ET MASSACRÉ SA FAMILLE.
DE QUEL CÔTÉ, LE BIEN ? DE QUEL CÔTÉ, LE MAL ?
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Suite du billet d'hier.
Reste que je n’ai toujours pas compris ce qu’il y avait « de gauche » dans la revendication du mariage homosexuel. On me dira que je suis bouché, ou qu’il n’y a pire sourd que celui qui ne veut pas entendre, ou que je suis "de droite". Certes, c’est une possibilité. Mais je vais sans doute aggraver mon cas, car je ne comprends pas davantage l’argument de l’ « égalité ».
Je croyais bêtement que le 2ème terme de la devise nationale s’appliquait aux individus, point barre. Je croyais qu’il y avait une institution qui s’appelait « mariage », point barre. Et puis voilà-t-il pas qu’il faut maintenant des qualificatifs, des compléments du nom, des propositions subordonnées : individu « quelle que soit son orientation sexuelle » ; mariage « pour tous ». Et les phrases, du coup, prennent un aspect proliférant, puisqu’on est obligé de préciser.
Je ne comprends pas non plus ce qui peut, dans l’instauration du mariage homosexuel, ressembler à un quelconque « progrès ». Sauf, évidemment, à considérer que la progression de l’homosexualité dans la société (et dans le monde) est en elle-même un « progrès ». Cela commence à en faire beaucoup, des choses que je ne comprends pas. Eh bien tant pis.
Je n’ai pas manifesté dans les rues contre le mariage homosexuel. Pour une raison précise : je n’avais aucune envie de me retrouver en compagnie de gens adossés à des doctrines ou des croyances qui ne sont pas les miennes : Eglise catholique, mouvement Civitas, UMP ou autre parti politique, encore moins groupes « identitaires ». Les ennemis de mes ennemis ne sont pas forcément mes amis.
Il n’empêche que je me retrouve du même côté que tous ces gens, qui sont opposés pour des raisons variées au mariage de deux hommes ou de deux femmes. Combien de citoyens ont réagi comme moi ? Mystère. Les médias se sont précipités sur Monseigneur Vingt-Trois, sur Frigide Barjot et sur Jean-François Copé. Oui, combien sommes-nous à ne nous reconnaître ni dans les cathos, ni dans les ultras, ni dans l'UMP, et à rester heurtés, dans leur conscience, par la loi votée et par la façon dont elle l'a été ?
Ce qui me turlupine dans cette affaire, c’est qu’il me semble, à tort ou à raison, apercevoir derrière cette « conquête » de nouveaux « droits », une des nombreuses forces qui, dans le monde actuel, ne supportant pas qu’il subsiste des « valeurs » - « universelles » qui plus est -, s’en prennent délibérément aux « points de repère » et à tout ce qui sert de cadre stable aux représentations collectives. Au premier plan de ces points de repère, bien sûr, la différence des sexes.
Pour dire les choses plus directement et plus crûment, je pense que ce qu’il y a, derrière cette « conquête » de « droits », c'est la dernière tentative en date de briser une fois pour toutes l’idée même de « norme ». Voilà, le gros mot est lâché. Je ne sais pas ce qui s’est passé au cours du 20ème siècle, pour que, progressivement, le mot « norme » soit devenu imprononçable, un mot grossier, quasiment une injure.
Et cela au moment même où la France n'a jamais croulé sous un tel poids de normes. Certains parlent de 400.000 normes en vigueur sur le territoire national. Etonnant, non ? Et ça va de la taille des préservatifs à la courbure des concombres, les premiers n'étant pas, selon toute vraisemblance, prévus pour les seconds. Mais en matière de vie collective, le mot a été purement et simplement rayé du vocabulaire admis. Au nom de l'appel à la tolérance et du droit à la différence, il est devenu normal de ne plus supporter les normes. Allez comprendre.
Le problème du mot « norme », c’est qu’on a formé, à partir de lui, l’adjectif « normal ». Et le problème du mot « normal », c’est que c’est lui qui est devenu un gros mot. Dans les dîners en ville, quand un convive audacieux veut le prononcer, il commence par baisser la voix, comme s’il avait honte de ce qu’il allait oser, puis il dresse l’index et le majeur des deux mains, dont il plie les extrémités d’un geste rapide, et articule dans un souffle : « Les gens, entre guillemets, normaux ». Il est gêné d’avoir osé proférer une obscénité. J’attends qu’on me dise, preuves à l’appui, que ce geste ne s’est pas généralisé.
La loi non écrite, que tout un chacun a intériorisée au point d’en faire un réflexe, un automatisme, peut se formuler ainsi : « Article 1er : tout le monde est normal. Article 2ème : toute infraction à l’article 1er s’appelle une stigmatisation, et est en conséquence punissable ». Ainsi en a décidé Michel Foucault (avec d’autres) dans les années 1970, quand il menait les « recherches » qui l’ont conduit au Collège de France.
Puisque les homosexuels ne veulent plus être « stigmatisés » comme « anormaux », c'est le diktat du « normal » qu'il va falloir jeter à bas. Ben oui, au nom de quoi, de quelles valeurs, de quelle autorité surplombante se permet-on de faire le départ entre le Bien et le Mal ? Dans la nouvelle Bible, tout ce qui se déclare normal est d'office suspect d'intolérance. Le verset principal est contenu dans la formule : « De quel droit ? ». Si possible accompagnée d'une mine courroucée. C'est peut-être l'autopsie et l'enterrement de la notion tout entière de norme qui doit être considérée comme un progrès ?
QUAND ON ABANDONNE LE POUVOIR A L'IDEOLOGIE, VOILÀ CE QUE ÇA DONNE
Cette façon de réécrire l’histoire consiste à « déconstruire » l'existant, en se débrouillant pour le faire apparaître comme arbitraire, donc abusif. Tout le monde, et en particulier les « victimes » de « discrimination » et de « stigmatisation », est pleinement fondé à le remettre en question, et même à inverser la charge des responsabilités (de responsable à coupable, il n'y a qu'un pas à franchir). Le tout est d'arriver à faire apparaître l'ordre (établi, traditionnel, etc.) comme injuste par principe. Pour, accessoirement, faire jouer les rapports de forces sous l'action de groupes de pression bien organisés et très militants pour changer tout ça.
C'est ainsi qu'un énorme et long travail idéologique a été fourni dans toutes les instances où s'élabore le savoir (université française, universités américaines, ce qui n'est pas la même chose, comme le montrent ici le singulier de l'une et le pluriel des autres) pour refaçonner les représentations collectives, et cette fois au bénéfice de tous ceux qui, précédemment, étaient catalogués (« stigmatisés ») comme anormaux.
C'est ainsi que cette nouvelle histoire à la sauce Michel Foucault (Histoire de la folie à l'âge classique, Surveiller et punir, ..., mais vous pouvez ajouter quelques pincées de Pierre Bourdieu en fin de cuisson, avec La Reproduction, Les Héritiers, La Domination masculine, ...) s’est désormais établie comme une vérité d’évangile, inculquée dès l’âge le plus tendre, et interdite de toute remise en question, sous peine pour le profanateur d’être catalogué « intolérant », « facho » et, comme tel, d’être désigné à l'universel opprobre (« du ruisseau », ajoute Boby Lapointe dans Le Papa du papa), et englouti dans le silence médiatique qui attend tous ceux qui portent atteinte aux nouvelles tables de la loi. Mis hors d'état de nuire, en tant qu'ennemi public n°1.
Il n’y a plus, qu’on se le dise, d’ « anormaux », qu’ils soient physiques, mentaux, sociaux ou sexuels. Ah si, pourtant, sur ce dernier point, ceux qui désirent copuler avec des enfants. Sans doute au motif que « les enfants, c’est sacré » (les bonnes âmes vertueuses, défenseuses des enfants, devraient aller voir dans les livres de Tony Duvert, Quand mourut Jonathan, L'Île atlantique, etc., aux éditions de Minuit). Quelqu’un a posé ici une limite infranchissable, au-delà de laquelle se situe ce que tout le monde s'accorde à désigner comme une « perversion».
AU BÛCHER, LES OUVRAGES NON CONFORMES !
En dehors de ce cas très précis touchant les enfants, le mot perversion a été rayé du vocabulaire. Pour le reste, TOUT EST NORMAL, on vous dit. Sous-entendu : tout est permis. C’est ainsi que la séquence de lettres LGBT est entrée dans le langage courant, comme n’importe quel mot ordinaire. Encore que quatre pauvres lettres pour résumer toutes les "particularités" humaines en matière de sexualité (on en a fait des dictionnaires pour les recenser toutes), cela ressemble à un abus injustement réducteur.
Ah non, pas tout à fait ordinaire cependant : le mot LGBT est devenu une NORME. Etonnant, non ? Non, ce n'est pas étonnant : c'est le progrès, qu'on vous dit. Bon Dieu, mais c'est bien sûr : c'était donc ça ! Un progrès dont le refrain est : pas touche à mon particularisme, sinon gare à toi !
Sale temps pour les gens normaux. Et sans guillemets.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, eddie adams, guerre du vietnam, saïgon, homosexualité, mariage gay, mariage, françois hollande, sexualité, église catholique, ump, jean-françois copé, monseigneur vingt-trois, frigide barjot, catholiques, michel foucault, collège de france, les anormaux, histoire de la folie à l'âge classique, surveiller et punir, pierre bourdieu, tony duvert, l'île atlantique, quand mourut jonathan, éditions de minuit, perversions, lgbt
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