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dimanche, 08 décembre 2013

UNE MUSIQUE POUR SPECIALISTES

UNE MUSIQUE INTERDITE AU PUBLIC

 

J’ai évoqué récemment le compositeur Arnold Schönberg. L’actualité  France Musicienne m’amène à y revenir. C’est dit : la plupart des mélomanes d’aujourd’hui sont des imbéciles et/ou des réactionnaires. Ce n’est pas moi qui le dis, c’est le délicat, ironique et précieux Jean-Pierre Derrien, lors de son émission musicale du vendredi matin. 

SCHOENBERG 2.jpg

Pour être tout à fait juste, j’ajoute qu’il n’a pas dit ça. L'homme est trop poli et courtois pour ça. Mais c’est ce que j’ai déduit de la façon dont il a présenté la figure d’Arnold Schönberg : à quelques minutes de distance, après avoir insisté sur le caractère « révolutionnaire » de l’homme, il a dit successivement : « La figure aimée d’Arnold Schönberg », puis : « Arnold Schönberg le mal-aimé ». Petite contradiction en apparence.

 

En fait, on voit bien que dans un premier temps il déclare sa flamme au compositeur, puis qu’ensuite, il regrette que le public ne se précipite pas en masse aux auditions du Pierrot lunaire et aux représentations de Moses und Aron. On apprend que son invité Florent Boffard, pianiste tout à fait estimable, a publié un CD regroupant les œuvres pour piano, auquel est adjoint un DVD où il se met en tête de dévoiler à l’éventuel auditeur les tenants et les aboutissants de la musique du Viennois, disant que lorsqu’il prend soin d’expliquer les ressorts de cette musique, elle est bien mieux accueillie par les auditeurs.

 

Et c’est précisément ce point qui retient mon attention. Car je me dis que, quand même, Arnold Schönberg est né en 1874, qu’il est mort en 1951, et qu’il a inventé son système (je dis bien « système ») dodécaphonique au tournant des 19ème et 20ème siècles. Je veux dire que ça fait plus d’un siècle que ce système a été mis au point, et que ça a quelque chose d’extraordinaire. Oui, j’ai bien dit « extraordinaire ».

 

Ben oui quoi, n’est-ce pas authentiquement extraordinaire que cent ans après son invention, la musique ainsi produite ait encore besoin d’être expliquée au bon peuple, assez benêt pour s’obstiner à ne pas saisir les beautés qu’elle recèle ? Qu’il faille faire œuvre de pédagogie pour le faire changer son hostilité en amour ?

 

Que les programmateurs de concerts obligent le public à en avaler une dose judicieusement placée entre deux œuvres plus conventionnelles, en espérant qu’il s’habituera ? Que le dit public persiste dans sa répugnance à reconnaître son caractère révolutionnaire ? Cent ans d’une inébranlable résistance de masse aux inventions des compositeurs adeptes du sérialisme, cela devrait leur poser question, à Jean-Pierre Derrien et Florent Boffard, non ? Normalement.

 

Non, Derrien et Boffard ne se posent pas la question. Il ne leur vient pas à l’esprit de se demander pourquoi la « musique contemporaine » a tant de mal à se faire admettre dans l’univers culturel à égalité avec des programmes plus « conventionnels ». Parce que c’est aussi bizarre, je trouve, que l’on soit encore conduit à apposer l’étiquette « musique contemporaine » sur les productions des compositeurs vivants. A croire que c’est fait pour servir d’appât pour les uns et de repoussoir pour les autres.

 

Toujours est-il que cent ans après, la musique sérielle n’est toujours pas entrée dans les mœurs, malgré les efforts de damnés produits par ses thuriféraires (Berg, Webern : franchement, vous avez déjà écouté avec un vrai plaisir sensoriel la musique de ce dernier ?) et ses disciples intégristes (Boulez, Stockhausen) pour contraindre les oreilles humaines à se soumettre à leurs diktats. 

SCHÖNBERG 1.jpg

VOILÀ, C'EST ÇA, LA MUSIQUE SERIELLE (ECOUTEZ).

(désolé, après vérification, la vidéo s'annonce non disponible)

VOUS POUVEZ VERIFIER : IL Y A BIEN LES DOUZE NOTES DE LA GAMME.

Un siècle de résistance passive de la population normale, ça devrait vous inciter à réfléchir, messieurs Derrien et Boffard. Et je n’ai pas parlé de la « musique concrète » de Pierre Schaeffer, de Désert ou d’Amérique d’Edgar Varèse et autres fantaisies électro-acoustiques (François Bayle, Bernard Parmegiani – qui vient de casser sa pipe –, Guy Reibel, Denis Dufour, …).

 

Aussi longtemps que nul n’aura plaisir à fredonner Stimmung sous sa douche ou dans sa voiture (c’est de Stockhausen), il faudra se résoudre à admettre l’évidence : les oreilles normales n’en veulent pas, un point c’est tout.

 

Voilà ce que je dis, moi.