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dimanche, 06 décembre 2015

LE VINGTIÈME SIÈCLE ET LES ARTS 1/9

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ESSAI DE RECONSTITUTION D’UN ITINÉRAIRE PERSONNEL

(récapitulation songeuse et un peu raisonnée)

Introduction 

Je commence aujourd’hui un petit feuilleton, où j’ai voulu rassembler des idées exprimées ici même, au cours du temps, mais en ordre dispersé. Evidemment, ça vaut ce que ça vaut, et le titre indique assez qu’il s’agit d’un « itinéraire personnel ». J’ai juste essayé de comprendre les raisons d’un revirement brusque qui s’est opéré en moi, à un moment difficile à situer dans le temps. 

J’ai un jour cessé de m’intéresser à quelque chose qui m’avait très longtemps tenu en haleine : les « arts contemporains » en général, mais plus particulièrement à tout ce qu’il y avait d’expérimental dans la démarche de presque tous les artistes, qu’ils fussent « plasticiens » ou « acousticiens ». Soit dit en passant, si l’on ne parle guère d’ « artistes acousticiens », l’expression « artiste plasticien » semble avoir supplanté définitivement l’humble terme de « peintre ». Je me dis que Rembrandt et Delacroix auraient sûrement été flattés d’être élevés à la dignité d’ « artistes plasticiens ». 

J’ai donc un jour cessé de m’intéresser à la peinture expérimentale et à la musique expérimentale, dans lesquelles la part de bluff a fini par prendre à mes yeux et à mes oreilles l’aspect et la dimension d’une invasion par une armée de foutaises. J’ai révisé à mon usage quelques paroles de la Marseillaise : entendez-vous dans nos campagnes mugir ces horribles sornettes ? 

Voilà, je présente ici le résultat de ces modestes cogitations. 

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J’ai ici même cassé assez de sucre, en de multiples occasions, sur le dos des squelettes de Marcel Duchamp (pour les arts visuels) et d’Arnold Schönberg (pour les arts sonores), et ce fut tellement en pure perte, que je vais m’abstenir d’une énième diatribe contre ce qu’il faut bien appeler la destruction des formes artistiques au 20ème siècle, dans laquelle certains voient au contraire un « Progrès » décisif, ouvrant sur le prodigieux renouvellement de celles-ci. Les ai-je assez accusés d’être des fauteurs de guerre, d’avoir démoli toute la haute culture occidentale, la véritable création artistique, en reniant la recherche de la beauté ! Mais l’accusation, à la réflexion, manque de nuances et d’un minimum de subtilité. C’est le moins que je puisse reconnaître. 

Je préfère aujourd’hui me demander pourquoi ces grandes « innovations » que sont la musique atonale d’une part, avec toutes ses variantes, ramifications et subdivisions, et d’autre part le « ready made » et le dadaïsme, avec tous les épigones épidémiques et tous les épiclones épileptiques ou conceptuels qui s’en inspirent, ça ne passe décidément pas. Oui : pourquoi certaines attitudes de créateurs de musique et d’arts plastiques (puisqu’on ne peut plus parler de « peinture », appellation beaucoup trop réductrice, apparemment) me restent-elles (et pas seulement à moi), comme des arêtes violentes, en travers du gosier ? 

Pourquoi certaines « propositions » de gens qui s’intitulent « artistes » suscitent-elles à ce point mon aversion, provoquant à la surface de mon épiderme et jusque dans les couches profondes une horripilation tellurique, si je peux me permettre cet oxymore ? 

Ce qui me rassure un peu, c’est que je suis loin d’être le seul, et j'ai tendance à me dire que si, au concert, des gens applaudissent les bruits d’aspirateur de Brice Pauset, le « Ça tourne ça bloque » d’Ondřej Adamek (2007-2008),  ou les « Sequenze » (comment peut-on admirer, comme si c’était de la « musique », la performance sportive de Cathy Berberian dans Sequenza III ?) de Luciano Berio, ce n’est pas par enthousiasme pour ces musiques proprement dites, mais parce qu’on leur a dit que tout ça était très bien, que c’était le comble de la modernité, à côté de laquelle il était hors de question qu’ils passassent (efficacité de la propagande). 

Plus trivialement, on pourrait se dire aussi que, s’ils applaudissent frénétiquement art,20ème siècle,marcel duchamp,arnold schönberg,musique atonale,ready made,dadaïsme,brice pauset,Ondřej Adamek,cathy berberian,sequenza III,luciano berio,anton webern,beauvois et joule petit traité de manipulation,françois bayle,auditorium maurice ravel,lyon,percussions-claviers de lyon,jean-luc rimey-meille,acousmonium,les Cinq mouvements pour quatuor à cordes op. 5 (ou pire : les Six bagatelles pour quatuor à cordes op.9, cette merveille de synthèse d’idées musicales, paraît-il !) d’Anton Webern (qu’ils ne comprennent sans doute pas mieux que moi), c’est non seulement parce que c’est vite passé (respectivement 11’ et 3’51" par le quatuor Debussy), mais parce qu’ils ont payé leur place et qu’ils veulent repartir persuadés que leur temps et leur argent furent bien employés et qu’ils ont participé à une soirée formidable (voir théorie de l’engagement de Beauvois et Joule : l’individu répugne à se déjuger quand il a pris une décision). 

Je connais ce rôle absolument par cœur, pour l’avoir (trop) longtemps joué moi-même, parfois en toute sincérité, souvent avec le pincement à la mauvaise conscience de celui qui ne veut pas s’avouer qu’il se demande ce qu’il fait là. Pour être honnête, je suis obligé de reconnaître qu’il m’est arrivé d’éprouver des enthousiasmes pour des expériences musicales totalement inédites (l’acousmonium sur la scène de l’Auditorium Maurice Ravel avec François Bayle en personne à la table de mixage, un ensemble vocal spatialisé au Théâtre de la Croix-Rousse, tel concert des Percussions-Claviers de Lyon à l'époque de Jean-Luc Rimey-Meille…), mais finalement bien peu, en regard des perplexités, pour ne pas dire plus, qui furent les miennes en maintes occasions (un tromboniste de jazz connu jouant en solo pour une danseuse évoluant devant des « capteurs » reliés à un ordinateur censé modifier les sons et transposer en musique les mouvements et contorsions de la dame, c’était aussi à l’Auditorium, mais les programmes informatiques bégayaient peut-être encore dans leur langes). 

De la perplexité à la vacillation, il n’y avait qu’un pas. Puis un autre, de la vacillation à l’effondrement. 

Voilà ce que je dis, moi.