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jeudi, 16 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (3)

Pensée du jour : « L'estomac d'un Espagnol ne dure pas à notre forme de manger, ni le nôtre à boire à celle des Suisses ». Michel de Montaigne, Essais, III, 13 

 

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Résumé : les autorités catholiques de Rome ont passé beaucoup de temps et d'énergie à lutter contre les formes incorrectes de la foi, pour empêcher les populations de croire en Dieu d'une manière hétérodoxe, voire incontrôlable. C'est ce que déclare en 1847 l'abbé GUYOT, auteur d'un Dictionnaire des hérésies.

 

 

Il va même jusqu’à énumérer les sectes qui selon lui ont d'ores et déjà démembré la doctrine luthérienne : synergistes (pour qui « l’impulsion de la grâce est accompagnée de la coopération de la volonté humaine »), substantiaires (pour qui  « le péché originel est devenu la substance même de l’homme »), osiandrites, indifférents (emmenés par MELANCHTON), stancaristes, majoristes (qui « renouvelaient le semi-pélagianisme », ce sont des choses qui gagnent à être sues), antinomiens (qui « conclurent à la suppression de toute foi religieuse »), syncrétistes (dont les promoteurs furent persécutés, apprend-on non sans un certain effroi, par les protestants eux-mêmes), hubérianistes (selon qui « tous les hommes sont justes »), origénistes, millénaires, invisibles, ubiquistes (qui se sont opposés, il faut le savoir, aux sacramentaires), piétistes (vulgaires « dévots fanatiques »), anabaptistes, sociniens, ainsi qu’une « foule d’autres sectes, aussi peu constantes dans leur forme respective que l’astre des nuits ».

 

 

Comment voulez-vous, sous ce Niagara de sectes, que MARTIN LUTHER continue à respirer ? Certes, l’abbé GUYOT, charitablement, se livre à cette énumération avec une visible et onctueuse délectation sadique : visiblement, ce déluge qui semble emporter la grande hérésie vers les ténèbres n’est pas pour déplaire au saint abbé.

 

 

Il faut reconnaître, quand vous regardez le protestantisme, vous ne savez plus où donner de la tête. Cela grenouille (de bénitier) à qui mieux-mieux. C’est de l’enchevêtrement de vers de terre dans lequel une éléphante normale ne reconnaîtrait pas ses souriceaux, ni le pommier les cerises tombées à son pied.

 

VERS GROUILLANTS 1.jpg

Hélas, là où l’abbé GUYOT se met les deux gros orteils dans les deux yeux jusqu’à la pendule de grand-papa, c’est que MARTIN LUTHER, non content de ne pas être mort des dissidences qui ont fractionné sa nouvelle religion, en est sorti plus remuant et ressuscité que jamais. Les sectes protestantes sont, non pas des meurtres du père, mais autant de gouttes de sa semence.

 

 

Chacune des sectes énumérées ci-dessus pas loin porte le même ADN que MARTIN LUTHER. Pauvre abbé GUYOT, quand même. Il ne s’est même pas rendu compte que, loin de faire disparaître le protestantisme, la pullulation des sectes scissipares du luthéranisme en avait étendu la contagion partout sur la planète, à commencer par les tout nouveaux Etats-Unis.

 

 

Il reste qu’on trouve dans le livre du bon abbé des noms de sectes d’un ardent effet poétique. J’aime assez celles qu’il rassemble sous l’appellation de « Bulgares ». Ce ne sont que « patarins », « turlupins » « cathares », « bogomiles », « joviniens », « albigeois ». Et que pensez-vous des « pétrobrusiens » ? Ne sont-ils pas délicieux ? GUYOT fulmine contre toutes sortes de « manichéens », de « henriciens », de « novateurs », condamnés en 1176 « au concile de Lombez, dont les actes se lisent au long dans Roger de Hoveden ». Je signale par ailleurs aux amateurs d'anecdotes lexicales que, à partir du mot « bulgare », le français a formé « bougre » pour désigner tout homme qui se livrait à la sodomie.

 

 

Que reproche aux « bulgares » Notre Sainte Mère l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine ? De proclamer la vérité d’erreurs aussi manifestes que les suivantes : « Que les maris qui vivaient conjugalement avec leurs femmes ne pouvaient être sauvés ; que les prêtres qui menaient une mauvaise vie ne consacraient point ; qu’on ne devait obéir ni aux évêques, ni aux ecclésiastiques qui ne vivaient point selon les canons ; qu’il n’était point permis de jurer en aucun cas, et quelques autres articles qui n’étaient pas moins erronés ».

 

 

On croit rêver, n’est-ce pas ? Ainsi – si j’ai bien compris –, le mari ne doit pas remplir de « devoir conjugal », et le clergé doit marcher au son du canon. Et je ne parle pas des « frérots » ou « fraticelles », ni des « dulcinistes », et encore moins des « apostoliques » (franchement, on ne sait plus à qui se fier) : « Pour lors, ils avaient secoué toute honte : ils disaient qu’on n’est parvenu à l’état de liberté et de perfection que quand on peut voir sans émotion le corps nu d’une personne de sexe différent ». Le Ciel me préserve de secouer un jour toute honte !

 

 

Si l’on m’y pousse, je révélerai toutes les turpitudes commises par les « abécédaires » ou les « omphalophysiques » (nom par lequel on a probablement voulu désigner les « hésichastes », mais cela va sans même le dire). A la lettre « O » du dictionnaire, on trouve par ailleurs dénoncés les « ophites », les « opinionistes », les « orbibariens » et – accrochez-vous aux poignées et aux barres – les « optimistes ». Je vous jure que c’est vrai : c’est page 257. Je ne suis donc pas le seul à dénoncer les optimistes. Cela me fait chaud au coeur, et je me sens moins seul.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.


 

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