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samedi, 18 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (5/5)

Pensée du jour : « Concluons qu'il faut croire en une trinité une, en une unité trine. Une et unité à cause de l'essence une, trine et trinité à cause des trois je ne sais quoi (propter tres nescio quid) » Saint Anselme

 

 

« Tout ça qui a commencé, Il faut bien que ça finisse ! », écrivait JEAN TARDIEU. C'est certain, il faut savoir finir par terminer un parcours, fût-il théologique, et pour ainsi dire métaphysique (à moins qu'il ne fût 'pataphysique, puisque tout est 'pataphysique).

 

 

Cette petite série sur les hérétiques qui ont empoisonné l'air des centaines de théologiens romains dans les siècles des siècles (amen), disons-le tout de suite, doit s'achever. Aussi ne dirai-je rien des agonistiques, des circuiteurs, des catropites et autres coropites, que sais-je, des donatistes et des semidulites, des barallots et des barboriens, des lampétiens et des latitudinaires.

 

 

Que voulez-vous ? Des clanculaires et des cléobiens ? Des calixtins (qui sont de vulgaires luthériens mitigés) et des sampséens ?  Allez, pour faire bon poids, des scotopites et des caïnites (Cush, l'ami de Corto Maltese, et Corto Maltese lui-même, font partie de cette branche : « Nous autres caïnites cherchons toujours le paradis perdu pour le rendre à notre Mère », il y aurait pourtant bien des belles choses à dire des caïnites).

 

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CUSH DIT : "CORTO MALTESE EST UN BENI KAÏN" 

 

Il y en a d'autres, comme les hésitants, simple variante d'eutychiens acéphales, les hélicites, simples moines relâchés qui dansaient en rond, d'où leur nom (hélice), les danseurs, simple secte apparue en 1373 à Aix-la-Chapelle, les protoctistes, pour qui l'âme a précédé le corps (dieu du ciel, faut-il être bête !), et même les prophètes, rendez-vous compte. Les infernaux, convaincus que l'âme de Jésus-Chist, durant son séjour sépulcral, descendit aux enfers et y fut tourmentée (a-t-on idée !). Cette fois, j'arrête.

 

 

 

Pour ainsi parler, l'hérésie buissonne à perte de vue, prolifère comme la vermine, foisonne, pullule, fourmille, pleut, grouille. Plus on en tue, plus il en vient. Heureusement, l'époque moderne a résolu ce problème une fois pour toutes : elle a éradiqué le religieux. Plus de religion ? Plus d'hérésie. CQFD. Nous voilà bien débarrassés. Fini les hérésies ! A pu, hérésies !

 

 

 

N'est-ce pas un progrès définitif, d'être débarrassés des hérésies, que ce soit dans la peinture, dans la musique, dans la sexualité, dans les institutions ? C'est pourquoi nous devons rendre grâce à notre ultra-modernité (« C'est l'Ultra-Moderne Solitude », chante ALAIN SOUCHON) d'avoir fait disparaître le diable de l'intolérance, et pour cela inventé la dilution du paradis et de l'enfer, l'abolition du Bien et du Mal dans le grand chaudron du N'IMPORTE QUOI.

 

 

 

Cependant, je ne voudrais pas clore cette modeste incursion dans le domaine des problèmes épineux que ne cesse de soulever toute croyance religieuse, sans manifester une tendre et respectueuse révérence à l’égard d’une hérésie dont le bien-fondé ne semble pourtant, sur le plan doctrinal, devoir susciter aucune réprobation apostolique et romaine. Je veux ici célébrer l’hérésie stercoraniste (de stercus (= caca) : le bousier est stercoraire).  

 

 

Ici, sachez quand même que je vous épargne un développement sur la chaise papale qu'on appela la chaise stercoraire (« Duos habet et bene pendentes », disait le cardinal chargé de vérifier, à la fin du conclave et de la main, la virilité du nouvel élu, en lui tâtant les couilles), car ça nous entraînerait un peu loin. 

 

 

Le stercoranisme offre un superbe exemple magistral de l'ingéniosité créative et poétique développée par toutes sortes de catholiques au cours de l'histoire pour frapper la VRAIE FOI au défaut de la cuirasse, à coups de détournements incontrôlés d'articles dûment estampillés par la marque DELAFOI (dont le siège est à Rome (Italie), seule habilitée à les propager (s'adresser en cas de besoin à la Congrégation pour la Doctrine de la Foi, filiale de Vatican, la maison mère). En somme, transcrite en termes commerciaux, une hérésie est une vulgaire CONTREFAÇON.

 

 

Qu'on se le dise, pour être sûr que l'article de foi que vous achetez a été visé par les autorités chargées de la VRAIE FOI dans l'Eglise Apostolique et Romaine, vérifiez qu'il porte bien l'estampille officielle DELAFOI. Le Comité International Olympique (CIO) a bien retenu la leçon, qui a interdit, dans l'enceinte olympique londonienne, les préservatifs non contractuels.

 

 

La raison ? Il paraît qu'ils étaient trop généreusement dimensionnés par rapport à ce qu'est devenu au fil du temps l'organe du sportif mâle de haut niveau, du fait même de sa pratique. Cela reste bien sûr à vérifier, même si l'évolution et la sélection naturelle rendent la chose plausible. Ces propos n'engagent que ceux qui les entendent. Revenons au « geotrupes stercorarius », autrement dit au bousier mange-merde.

 

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IL EST PAS BEAU, MON BOUSIER ? 

IL PART JUSTE FAIRE SES COURSES AU SUPERMARCHÉ (IL A REPÉRÉ UNE BELLE BOUSE) POUR REMPLIR SON GARDE-MANGER.

 

Pour renouer avec l'hérésie des stercoranistes. La question qu’ils soulevèrent est délicate : que devient le corps du Christ dans la Communion, quand l’hostie (hostia = la victime) a été ingérée par le fidèle ? Subit-elle, comme tous les aliments, le destin digestif de finir dans une cuvette de chiotte, mélangée à l’étron profane expulsé par les parties les plus basses du croyant ? La conscience du croyant s'insurge, se cabre et se révulse devant une perspective aussi infâme.

 

 

L’abbé Guyot saisit bravement la question à bras-le-corps et le taureau par les cornes. Il n’esquive pas, il attend l’adversaire en faisant front crânement. Certains égarés, dit-il, ont prétendu que « le corps de J.-C. dans la sainte Eucharistie, reçu à la communion, était sujet à la digestion et à ses suites, comme tous les autres aliments ». C’est là que le croyant sincère frissonne, qu'il n'ose se représenter les "suites" dont il est question, et que l’homme pieux se signe aux quatre points cardinaux.

 

 

Heureusement et le plus tranquillement du monde, l’abbé GUYOT, à qui il ne faut pas la faire, ajoute : « les Pères savaient bien qu’à la première altération éprouvée par les espèces eucharistiques dans l’estomac, la présence substantielle de J.-C. cesse ; que, par conséquent, son corps est à l’abri de toute décomposition, puisqu’il s’évanouit ».

 

 

Passons sur le « J.-C. », qui pourrait passer pour une familiarité déplacée. Restons-en au fait qu'on ne saurait plus fortement planter la dignité de la vérité dans le cadavre de l’erreur. Nous resterons donc sur cette image définitive, puissante et sans réplique d'un Jésus Christ qui s'évanouit. Dans l'estomac du croyant. C'est comme je vous le dis.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Fin.

vendredi, 17 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (4)

Pensée du jour : « Frappé d'une balle qui, pénétrant dans la poitrine, traversait le poumon et sortait par le dos, cet officier a survécu à cette mortelle blessure ». Général Trochu 

 

 

On apprend qu’un certain VIGILANCE fut condamné parce qu’il condamnait le culte des saints, la vénération de leurs reliques et le célibat. Cet homme devait se tenir honorablement quand il était à table ou au lit. On apprend qu’il ne faut surtout pas confondre les « vaudois » et les « valésiens » : alors que les premiers, très banalement, exécutent à l’instant même où ils le prononcent leur vœu de pauvreté, les seconds n’admettent dans leurs rangs que des eunuques, sauf quelques hommes « entiers », à qui ils interdisaient l’usage de la viande jusqu’à ce qu’ils se fussent mutilés.

 

 

Je ne vais pas insister sur les appellations fleuries dont Notre Sainte Mère l’Eglise Apostolique et Romaine a affublé les innombrables croyants de la VRAIE FOI (ils se déclaraient tous catholiques) qui avaient le malheur, soit d’ajouter, soit de retrancher, soit encore de modifier si peu que ce fût le moindre cil, la virgule la plus modeste ou l’accent le moins grave au plus mince article de la dite foi.

 

 

Car ce sont, sachons-le, les théologiens officiels de l’Eglise qui ont baptisé chaque hérésie du nom qu'elle porte. Et leur imagination lexicale fut sans bornes, comme essaie de le montrer la présente série de notes, qui pourtant ne donnent de l’ensemble que la minuscule partie émergée de l’iceberg théologique et doctrinal. Ils ont fait montre, au cours de siècles, d'une véritable constance dans l'invention poétique.

 

 

Je me demande s’il n’y a pas un germe du petit père STALINE (JOSEPH VISSARIONOVITCH DJOUGACHVILI) dans le centralisme catholique. Ou alors du jacobinisme. A force de larguer à grands coups de conciles et de tatanes dans le derrière, hors de la communauté des croyants, les Coptes (ou Cophtes), les Syriaques, les Orthodoxes, et autres variantes locales de ce que les autorités appelaient la VRAIE FOI, le catholicisme romain ressemble à un arbre qui se serait élagué lui-même.

 

 

Jusqu’à ce qu’il ne reste plus qu’un moignon de tronc, avec certes quelques racines, mais dépourvu de tout branchage et de tout feuillage. Jusqu’à devenir un arbre sec. Un arbre mort. Certes, cette vigilance dogmatique et doctrinale a donné à l’appareil clérical une puissance nonpareille à une certaine époque (entre autres, en faisant affluer les picaillons dans les coffres de la maison-mère). Mais elle a fini par assécher la source même de son esprit.

 

 

Reste qu’il est amusant de penser que des foultitudes de petites gens se sont ingéniées à faire chier la Congrégation pour la Doctrine de la Foi (naguère présidée par Monsieur RATZINGER, alias BENOÎT XVI), à justifier la rémunération d’un innombrable et compact agrégat de fonctionnaires aussi pontificaux que sourcilleux, et à donner du boulot pendant des siècles aux dizaines de milliers de membres d’une corporation qu’on pourrait appeler des « contrôleurs de conformité » (autrement dit des flics de la pensée et de la conscience), ne serait-ce qu'en stimulant leur créativité poétique.

 

 

Car il y a indéniablement une force poétique dans les noms de baptême accordés par Rome à tout ce qui faisait mine de s'écarter de la ligne. Que pensez-vous de caucaubardite, nom qui fut donné à une branche des eutychiens ? Des manifestaires, ainsi nommés parce qu'ils croyaient criminel de dissimuler leur doctrine quand ils étaient interrogés ? Des tropites, pour qui le Verbe divin, du fait de son incarnation, cesse d'être une personne divine ? Des rebaptisants, qui renouvelaient le baptême de gens déjà baptisés, mais par des gens qu'ils considéraient comme hérétiques ?

 

 

N'y a-t-il pas une authentique imagination poétique pour nommer psatyriens les égarés qui pensaient que Jésus Christ n'était pas Dieu, mais une créature ? Parherméneutes, ceux qui interprétaient à leur guise les Ecritures en faisant foin « des explications de l'Eglise et des docteurs orthodoxes » ? Aquatiques, ceux qui « regardaient l'eau comme un principe coéternel à Dieu » ? Et les pneumatiques ? Et les condormants ? Et les familistes ? Et les jovinianistes ? Et les ethnophrones ? Tout ça déborde d'une inventivité poétique proprement héliconienne, ne trouvez-vous pas ?

 

 

Passons sur les naturalistes, qui expliquent les miracles par des causes naturelles ; sur les mutilés de Russie, qui pratiquaient l'automutilation, et dont les lubies menaçaient les marins de la flotte impériale ; sur les métangismonites, qui soutenaient que « le Verbe est dans son Père comme un vaisseau dans un autre ». On reste confondu devant des extravagances, je devrais dire des vésanies aussi manifestes.

 

 

Le tort des hérétiques, donc ? Leur imagination. Car il en fallait, pour imaginer que la Sainte Trinité est formée de trois substances égales (trithéistes) ou que les sacrements sont inutiles, au motif que « des effets incorporels ne peuvent être communiqués par une cause matérielle et sensible » (ascodroupites). Les inquisiteurs ne furent que le paroxysme fanatisé de cette POLICE CATHOLIQUE chargée de faire le ménage dans le troupeau.

 

 

La réflexion que m’inspire la notion d’hérésie définie par les autorités catholiques, c’est qu’elle suppose un sentiment très aiguisé de la hiérarchie, quasi-militaire, parmi les croyants. Grosso modo, l’Eglise ne peut faire aucune confiance dans les fidèles de base (le vulgum pecus) pour ce qui est de la vérité de la foi : dès qu’on leur laisse la bride sur le cou, les croyants partent dans tous les sens et, surtout, ils se permettent d’improviser des articles de foi qui n’ont pas reçu le visa des autorités romaines. Il ne faut pas rigoler : il y a la brebis de base, qui n'a qu'à suivre, puis les brebis en chef, puis les chef-brebis, etc. ... jusqu'au pape.

 

 

Car si on laissait faire, ce serait l’anarchie. Il est donc nécessaire, pour guider tout le troupeau mondial dans la même direction, de fixer d’en haut le contenu de la foi. C’est d’ailleurs la question du « libre examen » qui (entre autres) va creuser le fossé le plus profond entre catholiques et protestants, en accordant à tout croyant le droit de décider lui-même de sa relation à Dieu.

 

 

Quand chacun peut décider pour son propre compte du contenu et des modalités de sa foi, on assiste à l’atomisation de la grande Eglise en petites chapelles éparpillées et autonomes. Exactement ce qui s’est passé avec la prolifération des sectes protestantes. C'est un certain JOSEPH SMITH qui a fondé la secte des mormons. Un certain CHARLES TAZE RUSSELL la secte des témoins de Jéhovah (vous savez, ceux qui vont toujours par deux, mais qui n'entrent jamais, tout comme les testicules). Un certain LAFAYETTE RONALD HUBBARD la scientologie, la secte mercantile qui voudrait passer pour une Eglise, et qui tente de se faire admettre comme religion. 

 

 

En fait, je vais vous dire, c'est la multiplication des Papes qu’a reçu pour mission de prévenir et d’empêcher la Congrégation pour la Doctrine de la Foi. Et la besogne n’a pas manqué. La multiplication des pains suffit aux catholiques.

 

 

Les aphthartodocètes furent-ils d’authentiques eutychiens ? L’hérésie colarbasienne eut-elle tort de considérer l’alphabet grec comme la perfection et la plénitude de la Vérité (à cause de : « Je suis l’α et l’ω » (l’alpha et l’oméga)) ? Les saccophores n’étaient-ils qu’une bande d’hypocrites ? En tout cas, personnellement, j’assure qu’aucun conflit de m’oppose aux corrupticoles, aux hétérousiens, aux gomaristes, et autres métangismonites, pas plus qu’aux hypsistariens, aux infralapsaires et autres mammillaires, chez qui le jeune homme qui voulait épouser une jeune fille n’avait pourtant qu’à lui « mettre la main sur le sein », une véritable incitation à peloter les jolies femmes dans la rue.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Suitetfin demain.


 

jeudi, 16 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (3)

Pensée du jour : « L'estomac d'un Espagnol ne dure pas à notre forme de manger, ni le nôtre à boire à celle des Suisses ». Michel de Montaigne, Essais, III, 13 

 

GUYOT 2 HERESIES.JPG 

 

 

Résumé : les autorités catholiques de Rome ont passé beaucoup de temps et d'énergie à lutter contre les formes incorrectes de la foi, pour empêcher les populations de croire en Dieu d'une manière hétérodoxe, voire incontrôlable. C'est ce que déclare en 1847 l'abbé GUYOT, auteur d'un Dictionnaire des hérésies.

 

 

Il va même jusqu’à énumérer les sectes qui selon lui ont d'ores et déjà démembré la doctrine luthérienne : synergistes (pour qui « l’impulsion de la grâce est accompagnée de la coopération de la volonté humaine »), substantiaires (pour qui  « le péché originel est devenu la substance même de l’homme »), osiandrites, indifférents (emmenés par MELANCHTON), stancaristes, majoristes (qui « renouvelaient le semi-pélagianisme », ce sont des choses qui gagnent à être sues), antinomiens (qui « conclurent à la suppression de toute foi religieuse »), syncrétistes (dont les promoteurs furent persécutés, apprend-on non sans un certain effroi, par les protestants eux-mêmes), hubérianistes (selon qui « tous les hommes sont justes »), origénistes, millénaires, invisibles, ubiquistes (qui se sont opposés, il faut le savoir, aux sacramentaires), piétistes (vulgaires « dévots fanatiques »), anabaptistes, sociniens, ainsi qu’une « foule d’autres sectes, aussi peu constantes dans leur forme respective que l’astre des nuits ».

 

 

Comment voulez-vous, sous ce Niagara de sectes, que MARTIN LUTHER continue à respirer ? Certes, l’abbé GUYOT, charitablement, se livre à cette énumération avec une visible et onctueuse délectation sadique : visiblement, ce déluge qui semble emporter la grande hérésie vers les ténèbres n’est pas pour déplaire au saint abbé.

 

 

Il faut reconnaître, quand vous regardez le protestantisme, vous ne savez plus où donner de la tête. Cela grenouille (de bénitier) à qui mieux-mieux. C’est de l’enchevêtrement de vers de terre dans lequel une éléphante normale ne reconnaîtrait pas ses souriceaux, ni le pommier les cerises tombées à son pied.

 

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Hélas, là où l’abbé GUYOT se met les deux gros orteils dans les deux yeux jusqu’à la pendule de grand-papa, c’est que MARTIN LUTHER, non content de ne pas être mort des dissidences qui ont fractionné sa nouvelle religion, en est sorti plus remuant et ressuscité que jamais. Les sectes protestantes sont, non pas des meurtres du père, mais autant de gouttes de sa semence.

 

 

Chacune des sectes énumérées ci-dessus pas loin porte le même ADN que MARTIN LUTHER. Pauvre abbé GUYOT, quand même. Il ne s’est même pas rendu compte que, loin de faire disparaître le protestantisme, la pullulation des sectes scissipares du luthéranisme en avait étendu la contagion partout sur la planète, à commencer par les tout nouveaux Etats-Unis.

 

 

Il reste qu’on trouve dans le livre du bon abbé des noms de sectes d’un ardent effet poétique. J’aime assez celles qu’il rassemble sous l’appellation de « Bulgares ». Ce ne sont que « patarins », « turlupins » « cathares », « bogomiles », « joviniens », « albigeois ». Et que pensez-vous des « pétrobrusiens » ? Ne sont-ils pas délicieux ? GUYOT fulmine contre toutes sortes de « manichéens », de « henriciens », de « novateurs », condamnés en 1176 « au concile de Lombez, dont les actes se lisent au long dans Roger de Hoveden ». Je signale par ailleurs aux amateurs d'anecdotes lexicales que, à partir du mot « bulgare », le français a formé « bougre » pour désigner tout homme qui se livrait à la sodomie.

 

 

Que reproche aux « bulgares » Notre Sainte Mère l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine ? De proclamer la vérité d’erreurs aussi manifestes que les suivantes : « Que les maris qui vivaient conjugalement avec leurs femmes ne pouvaient être sauvés ; que les prêtres qui menaient une mauvaise vie ne consacraient point ; qu’on ne devait obéir ni aux évêques, ni aux ecclésiastiques qui ne vivaient point selon les canons ; qu’il n’était point permis de jurer en aucun cas, et quelques autres articles qui n’étaient pas moins erronés ».

 

 

On croit rêver, n’est-ce pas ? Ainsi – si j’ai bien compris –, le mari ne doit pas remplir de « devoir conjugal », et le clergé doit marcher au son du canon. Et je ne parle pas des « frérots » ou « fraticelles », ni des « dulcinistes », et encore moins des « apostoliques » (franchement, on ne sait plus à qui se fier) : « Pour lors, ils avaient secoué toute honte : ils disaient qu’on n’est parvenu à l’état de liberté et de perfection que quand on peut voir sans émotion le corps nu d’une personne de sexe différent ». Le Ciel me préserve de secouer un jour toute honte !

 

 

Si l’on m’y pousse, je révélerai toutes les turpitudes commises par les « abécédaires » ou les « omphalophysiques » (nom par lequel on a probablement voulu désigner les « hésichastes », mais cela va sans même le dire). A la lettre « O » du dictionnaire, on trouve par ailleurs dénoncés les « ophites », les « opinionistes », les « orbibariens » et – accrochez-vous aux poignées et aux barres – les « optimistes ». Je vous jure que c’est vrai : c’est page 257. Je ne suis donc pas le seul à dénoncer les optimistes. Cela me fait chaud au coeur, et je me sens moins seul.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.


 

mercredi, 15 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (2)

Pensée du jour : « Ceux qui ont les lèvres déliées, dures et enflées près des dents canines, comme les porcs, méprisent l'honneur et ont l'âme basse ». Giambattista Della Porta, 1586 

 

 

La secte protestante fonctionne en religion comme le groupuscule trotskiste en politique : tant que vous n’êtes pas arrivé à un parti dont les cotisants se réduisent à un seul membre (ajoutons ses femmes et ses  enfants), il vous reste des possibilités de scission. N’hésitez pas à en profiter : tant qu’il reste du fractionnement en vue, tous les espoirs vous sont permis.

 

 

Dans un parti politique, comme dans une religion, on n’est jamais trop peu nombreux. Prière et merci de méditer cette phrase. Et de retrouver la chanson de GEORGES BRASSENS qui traite du problème de façon lapidaire, complète et philosophiquement irréprochable.

 

 

Ensuite, ce qui fait la force d’une secte protestante (en particulier américaine, mais pas seulement), c’est l’argent. On ne se doute pas de l’intensité du caractère décomplexé du protestant face à l’argent. Plus le protestant possède d’argent, plus ça le rapproche de Dieu. Ma parole, je te jure que c'est vrai !

 

 

Cette conviction l’amène à développer des stratégies auprès des riches, à creuser parallèlement au fleuve de la fortune bancaire de ces « élus » (au sens mystique, comme au sens politique), de minuscules canaux de dérivation, des ruisseaux de contournement, comme des drains posés dans une plaie qui suppure et qui pue, faits pour recueillir le moindre excès d’odeur malsaine qui pourrait émaner de la dite fortune. La secte protestante, à l’égard de l’argent, a le nez bouché.

 

 

C’est pourquoi, mes bien chers frères, il est vital de revenir avec ferveur, dévotion et zèle, dans le sein de Notre Sainte Mère l’Eglise Apostolique et Romaine, et de se garder comme de la peste de toute dérive en direction de ces courants hérétiques que l’on a vu fleurir depuis les origines. Et c’est donc à une visite édifiante et parénétique que j’invite pieusement mon lecteur.

 

 

Passons rapidement sur quelques épigones futiles, qui n’ont laissé que leur pauvre nom couler au fond des abîmes avec la pauvre barque que leur pauvre illusion a cru pouvoir mettre à flot au nez de leur créateur. JEAN DE PARIS fut dominicain, au 14ème siècle. Qu’est-ce qui lui a pris, soudain, en se levant, ce 22 juillet 1389, à 4 heures 32, d’affirmer que « J.-C. prend la substance du pain de telle manière que le Verbe de Dieu est uni au pain » ?

 

 

Tentative hérétique, évidemment vouée à l’échec, comme ne tarda pas à le lui faire savoir l’évêque de Paris. On sent, encore aujourd’hui, sur quel fond de vérité catholique fut fondée la décision de l’évêque de condamner cette théorie qui remettait en question le dogme de la transsubstantiation. Je note que l’abbé GUYOT écrit « transsubstantation », ce qui pourrait à bon droit passer pour une hérésie, quoique dans un ordre différent. Mais c'est peut-être juste une coquille.

 

 

Pour l’abbé GUYOT, en tout cas, une question essentielle est réglée : l’hérésie protestante n’existe plus, au moment où il écrit, que sous une forme larvaire, et son avenir est salement compromis. Le protestantisme n’en a certainement plus pour longtemps.

 

 

A propos de JEAN CALVIN, il conclut son article par ces mots définitifs : « Cette hérésie ne vit plus que dans le peuple, grâce aux discours des pasteurs, qui roulent uniquement sur la morale et jamais sur le dogme ». Le calvinisme n’en a visiblement plus pour longtemps. Par ailleurs, j'en déduis que le dogme est le sang qui coule, quon se le dise, dans les veines de l'Eglise Catholique.

 

 

Quant à l’hérésie de MARTIN LUTHER, les carottes sont quasiment cuites : « S’il n’est pas mort, depuis sa transformation en rationalisme pur, [le luthéranisme] n’existe plus que dans de faibles portions des masses, parmi quelques vieux croyants d’une orthodoxie ingénue et enfantine, qui lisent encore la Bible, récitent des prières, chantent des cantiques, écoutent dans un temple les prédications de leurs ministres, salariés pour annoncer à leurs dupes une doctrine qu’ils ont reniée dans leur cœur ». C’est donc clair : notre Sainte Mère l’Eglise Catholique, Apostolique et Romaine a triomphé de la principale hérésie à laquelle elle ait eu à faire face depuis les origines : le protestantisme.

 

 

Quelle perspicacité était celle de l’abbé GUYOT ! Il n’y a qu’à voir ce qu’il en reste dans le monde actuel, du protestantisme. Alors c’est vrai, le bon abbé analyse l’agonie de la doctrine luthérienne à travers le prisme de la floraison invraisemblable des SECTES auxquelles il a donné naissance. Il oublie simplement que toutes ces sectes se revendiquent PROTESTANTES. Voire LUTHERIENNES. Et que si LUTHER a gagné, c'est exactement à cause de ça.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.


 

mardi, 14 août 2012

A BAS LES HERETIQUES ! (1)

Pensée du jour : « Le peuple ressemble à des boeufs, à qui il faut un aiguillon, un joug et du foin ». VOLTAIRE, 17 avril 1765

 

 

Monsieur M.-T. GUYOT écrivait ceci, en 1847 : « La pensée est l’électricité de l’âme : plus que l’électricité matérielle, elle foudroie, brûle, renverse, anéantit, et les ruines qu’elle amoncelle dans la région de l’intelligence sont souvent irréparables.

Qui préviendra ses égarements, arrêtera ses ravages ? Qui la dégagera des nuages de l’erreur et l’obligera de n’imprimer dans l’esprit de l’homme que les caractères de la vérité ? Est-il sur la terre une puissance qui ait reçu mission de diriger la pensée avec une rectitude infaillible ? ».

 

 

On voit ici la hauteur de l’auteur, l’altitude de l’attitude et le mérite de la guérite. Accessoirement la force de ses ambitions et la conviction de ses espoirs. On attend fiévreusement la réponse à ses questions. On est suspendu, non à ses lèvres, mais à sa plume. Y a-t-il une puissance en laquelle on puisse se fier totalement ?

 

 

Et la réponse tombe, carrée, imputrescible et pleine d’une certitude rassurante : « Oui, l’Eglise catholique, l’unique dépositaire de la vérité religieuse ». L’Eglise catholique ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! J’avais, étourdi comme je suis, omis de préciser que, en 1847, Monsieur M.-T. GUYOT était abbé. Son livre, qui vise à redresser et corriger toutes les erreurs qui peuvent se glisser dans les articles de la vraie foi, est publié par la Société de Saint-Victor pour la propagation des bons livres. Son titre ? En toute simplicité Dictionnaire universel des hérésies, des erreurs et des schismes.

 

 

Inutile de dire qu’on sort de sa lecture heureux et fier d’être chrétien (zim, boum, boum, si toutefois on est chrétien), et encore mieux, dans la seule obédience qui puisse se targuer de détenir LA vérité, la seule : la catholique, apostolique et romaine (zim, boum, boum, si toutefois on est catholique, apostolique et romain).

 

 

Certes, « catholique » signifie « universel », mais il n’y a malheureusement pas que les catholiques à déclarer leur religion universelle (« Il n’y a de Dieu que Dieu », vocifèrent les musulmans, plus acharnés que tous les autres réunis, parce qu’ils ont une revanche à prendre sur leur propre histoire, paraît-il).

 

 

Les autres « grandes » religions, en particulier l’Islam, ont la même fâcheuse tendance à se prétendre aussi universelles que les autres. Entre les grandes religions, disons qu'il y a au moins conflit d'universalité. Comme il y a trois religions dites du Livre, qui sont trois religions REVELEES, il faudrait, pour faire la paix, trois univers. Comme ça, pas de dispute. Le problème, c'est qu'on n'en connaît qu'un seul, d'univers. Dans la surface des religions universelles, il y a donc surpopulation, il y a donc concurrence. On ne sait plus à quel universel se rattacher. A se demander si l’universel existe, puisqu'un seul ne suffit pas.

 

 

S’écarter de cette voie catholique, apostolique et romaine, large, lumineuse mais rude à l’occasion (quelqu’un l’a bien promulgué, dans une de ces formules dont il avait le secret quand il était premier ministre : « La route est droite, mais la pente est forte », je sais, le bon sens pèse des tonnes), c’est risquer de se perdre, que dis-je, de se fourvoyer dans les brouillards et les ténèbres de la confusion. C'est ce que n'ont pas manqué de dénoncer les docteurs de l'Eglise. Et ils s'y sont pris très tôt.

 

 

Qu'est-ce qu'une HERESIE, me demanderez-vous ? C'est très simple : « Une erreur volontaire et opiniâtre, opposée à un dogme révélé et enseigné comme tel par l'Eglise catholique ». Je trouve que ça ne tourne pas autour du pot.

 

 

L’embêtant, avec la vérité, avec le dogme, si vous voulez (ça renvoie à la même chose, dans la pratique), réside dans le complément de nom et l’adjectif qualificatif. « Eglise catholique », c’est simple et franc du collier : ça veut dire, très simplement, « assemblée universelle ». Mais quand on passe à « Eglise catholique, apostolique et romaine », on sent qu’on n’en est pas venu là sans quelques bisbilles et diverses échauffourées. Par exemple, le grand schisme de 1054. L’adjectif qualificatif et le complément de nom introduisent forcément des subdivisions. Et par principe, la subdivision présuppose la division, le conflit, voire la guerre de religions.

 

 

Si vous gravez « VÉRITÉ » au fronton du temple que vous venez de construire, tout va bien aussi longtemps que TOUT LE MONDE y vient. Mais dès qu’un sale type (on dit aussi un « concurrent ») s’avise d’en construire un autre à côté du vôtre et qu’il attire une partie de votre clientèle, votre affaire périclite. Forcément. Et ça relativise salement la VÉRITÉ que vous aviez gravée.

 

 

Certains diront que deux vérités valent mieux qu'une. Je rétorque que rien n'est moins sûr. La concurrence est finalement une forme larvée de la guerre. Certains diront qu'une seule VÉRITÉ, c'est le totalitarisme. Je suis obligé d'admettre que c'est possible, et peut-être probable. Mais la concurrence garantit-elle la liberté ?

 

 

C’est pareil pour les marques de supermarché et de téléphones portables. Quand vous êtes face à l'inflation des marques, vers laquelle va se porter votre CROYANCE ? Du coup, en tant que MARQUE d'une FOI, pour vous différencier des concurrents, vous êtes contraint d’ajouter au nom et au logo de la marque des qualificatifs et des compléments du nom. C’est certes plus précis, si l’on veut, mais en même temps, vous entrez dans une sorte de mêlée, dont vous ne savez pas dans quel état vous allez sortir. Après, vous êtes obligé de vous fier aux statistiques.

 

 

Tenez, le protestantisme, pris globalement. Supposons que vous partez d’ « Eglise ». Jusque-là, tout va bien. On ne risque rien, ça veut dire « assemblée ». Ajoutez quelque chose, mettons « de Jésus-Christ ». Jusque-là, rien de suspect, n’est-ce pas ? Mais dès que vous tombez sur « Eglise de Jésus-Christ des saints », le flou s’installe, personne ne me contredira.

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EN TOUT CAS, TELLEMENT PROPRES SUR EUX QUE ÇA FAIT PEUR

 

Alors, si par hasard on aboutit à la formule complète : « Eglise de Jésus-Christ des saints des derniers jours » (c'est comme ça que s'intitulent eux-mêmes les mormons), inutile d’insister, vous avez tellement de compléments du nom et d’adjectifs que vous comprenez aussitôt que vous êtes dans le bi du bout de la chaîne de production. Toutes les sectes plus importantes se trouvent (au moins théoriquement) en amont.

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FIEF DES MORMONS A SALT LAKE CITY

Pour un peu, les mormons se prendraient pour la Belle-au-Bois-Dormant. Cela ne me donne pas trop envie d'aller la réveiller, la princesse.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.