Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 10 février 2012

PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE

L’Automne du patriarche, GABRIEL GARCIA MARQUEZ.

 

Livre foisonnant autour de la fausse grandeur et de la vraie décadence d’un dictateur sans âge. Sans âge, dans l’esprit de l’auteur, voulant dire « à valeur d’exemplarité ». Torrent verbal très puissant, qui montre cruellement tous les ratages, tous les ridicules d’un homme pas plus grand que les autres, mais dont certains perpétuent le mythe dans un but mercantile, politique, à des fins en tout cas personnelles.

 

Une baudruche sans aucun pouvoir réel, mais qui maintient vivace un folklore, parce que son image est présente dans le peuple. Dérision de la vérité, car quand elle ne s’affirme pas, on la transforme. Le monarque change la réalité selon ses caprices de différents moments. Cette maison civile, dans laquelle on trouve de tout, du lépreux à la bouse de vache, que le dictateur enflamme rituellement le soir pour faire fuir les moustiques.

 

Livre fort de la force interne des fantasmes, liés d’une part à la décomposition, à la déchéance, à la merde, à la dérision, et d’autre part à la puissance individuelle, à la magie personnelle présente dans ce dictateur, qui détient le pouvoir sans rien gouverner. La véritable puissance de ce livre émane de l’absence d’ancrage dans une réalité identifiable, du peu de réalité directe qu’il offre, de son exagération même, qui prétend, non pas raconter une dictature précise, mais signifier toute dictature, hors des circonstances liées à l’espace et au temps.

 

Certains délires sont puissamment évocateurs, plus qu’un simple compte-rendu qui serait un simple reflet, un reportage de la réalité. Ce livre ne se contente pas de refléter le réel, il veut donner un sens à la réalité. Un livre du fantasme baroque, bien plus efficace qu’un manifeste théorique.

 

L’Astragale, ALBERTINE SARRAZIN.

 

Anne, la narratrice, s’évade de la prison-école où elle est enfermée, mais se brise la cheville. Rolande, sa petite amie de taule, est libérée depuis peu. Elle rampe jusqu’à la route, elle souffre. Un routier s’arrête, mais, par prudence, se contente de héler un automobiliste qui, après l’avoir dissimulée, s’en va, pour revenir bientôt à moto. C’est Julien. Il amène Anne chez sa mère, où elle ressent une impression de sécurité, au milieu de Ginette, Eddie, les deux enfants.

 

Julien est un « monte-en-l'air », il devient son amant. Elle lui raconte toute sa vie avec confiance. Pour éviter de causer des ennuis à sa mère, il lui trouve une nouvelle planque, chez Pierre et Nini, deux hôteliers louches et peu sympathiques. Ils la cachent par appât du gain. Les repas sont pénibles, Anne ressent ennui et solitude dans cette atmosphère lourde. Elle boit, et passe son temps à attendre Julien, qu’elle commence à aimer. Une chute dans l’escalier l’envoie à l’hôpital : mauvaise fracture de l’astragale.

 

Nini passe pour sa sœur et Julien pour son fiancé. A l’hôpital, elle retrouve bizarrement les réflexes de la taule. Après l’opération, Julien est là. Elle se sent bien. Il lui conseille la prudence quand elle parle. Anne s’inquiète pour sa jambe. Malgré l’extension, elle va devoir subir une autre opération. Elle consulte son dossier en cachette. Après trois opérations, elle sort finalement de l’hôpital, angoissée à l’idée de garder une infirmité. Julien la ramène chez Pierre et Nini. Malgré les bains de soleil, elle s’impatiente, tant de sa jambe que de l’attitude de Pierre.

 

Elle passe les dimanches en tête-à-tête avec la vieille mère, inerte. Pedro, un « ami » de Julien, un cambrioleur beau gosse, vient se planquer à son tour dans l’hôtel, ne tardant pas à coucher avec Nini. Il fait des « expéditions » nocturnes avec Julien, qui le juge néanmoins dangereux. Anne se réfugie dans la boisson. Puis elle change de planque : elle va chez Annie, ancienne prostituée, qui a une fille, Nounouche, et qui confectionne des cravates.

 

Nounouche n’a pas l’air facile. Anne fabrique quelques cravates, s’entend assez bien avec Annie, qui rend visite à son mari, en prison pour longtemps, et s’occupe d’arrondir les fins de mois. Le beau-frère d’Annie est répugnant. Anne pense à Rolande, dont le souvenir s’effiloche, et finit par s’avouer son amour pour Julien. On lui ôte bientôt son dernier plâtre, elle rejoint souvent Julien au café. Annie se plaint du manque d’argent, et Anne, après hésitation, renoue avec la prostitution.

 

Mais l’ambiance se gâte. La rupture intervient après le 20ème anniversaire d’Anne, où elle et Julien se sont avoué leur amour. Anne vit de ses charmes, dans des hôtels, dans une certaine aisance, mais très prudente. Elle revoit d’anciennes « collègues ». A la demande de Julien, elle se rapproche d’Annie, et revoit Suzy. Elle est jalouse de l’ « autre » femme, qui tient Julien. Un client du nom de Jean semble tenir à elle. Julien ne donne pas signe de vie.

 

Mais la mère de celui-ci dit qu’il est en prison. Alors, par compensation, elle réalise un cambriolage très astucieux, laissant l’argent en dépôt chez Annie. Installée chez Jean, elle fait une escapade à Nice, mais malgré les hommes de rencontre, elle ne pense qu’à Julien. Annie affirme à Anne avoir été dévalisée d’une partie de l’argent : sans doute un mensonge. Elle rentre chez Jean, à qui elle se confesse. Il la prend en charge. Elle accepte cette vie maritale, bien qu’elle ne l’aime pas, et qu’il le sache.

 

Chez la mère de Julien, elle apprend la prochaine libération, et obtient par Eddie un rendez-vous pour un peu plus tard. Jean apprécie le style des lettres d’Anne à Julien, qu’elle retrouve dans un café, en complète harmonie. Ils vont chez « la Mère », à Paris, où Julien revoit des amis. Anne passe une dernière fois chez Jean. Puis ils arrivent à l’océan. Là, elle lui reproche ses autres relations et lui affirme l’exclusivité de son amour, lui faisant lire ses lettres, qui le bouleversent. Ils retournent à Paris, pour qu’il rompe avec l’Autre. A l’hôtel où il doit venir la chercher, c’est l’inspecteur de police qui la trouve.

 

Le Sanglier, HENRI BOSCO.

 

Monsieur René, pour la rêverie et la peinture, vient passer quelques semaines de vacances dans une maison isolée, à deux kilomètres de Gerbaut, au pied du Luberon. Tout de suite, il « sent » que quelque chose ne va pas. Le comportement de Firmin, de la Titoune est bizarre et inhabituel. Mais ce sont des gens peu bavards, qui laissent tomber de loin en loin quelques paroles laconiques.

 

Toutefois, bien que la Titoune déborde parfois de médisances, elle « sait les choses ». Beaucoup de scènes nocturnes dans ce livre, dont la première campe l’atmosphère, organisée selon un crescendo tragique, aboutissant à une catastrophe. La peur s’installe. Des ennemis sont là. Mais on ne peut les identifier, tant ils sont des parents de l’ombre. René, perdu au milieu d’une âpre lutte à laquelle il est étranger et à laquelle il ne comprend d'abord rien, suscite l’acharnement.

 

Il possède un pistolet Mauser, qui joue presque un rôle de personnage. Il suscite l’amour de deux femmes, dont le seul contact doit provoquer la mort de l’une : Marie-Claire, silencieuse et prête au sacrifice, la victime désignée ; et une furie qui mène le clan des Caraques, et dont le corps, à deux reprises, s'impose à celui de René par sa dureté et sa violence, en même temps que par son parfum de bête sauvage.

 

Firmin veut venger son frère Victor, tué par les Caraques. Il recevra l’aide providentielle et inattendue d’un colosse à demi sauvage et d’un sanglier magnifique, plus ou moins vénéré par les Caraques. Ils sont « à part », comme magiques : Firmin ne tente-t-il pas de les tuer, de même que René tente de tuer Firmin, happé par la folie de la sauvage. La tragédie se refermera avec la mort de Marie-Claire, tuée par la sauvage, dans un four à charbon où elle se brise les reins.

 

Bien des choses restent inexpliquées : comment Firmin a-t-il découvert les Caraques ? Comment a-t-il fait alliance avec le colosse et le sanglier ? Des scènes étonnantes : la Titoune, seule, portant le Titou sur son dos, dans la tombe qu’elle a creusée seule, sous les oliviers ; l’affût de Firmin et René non loin du repos de la bête, et d’une manière générale, toute la 4ème et dernière partie, où se met à souffler un vent de folie hallucinée.

 

René, couché sur son lit, qu’il a déplacé par prudence, toutes portes ouvertes, agressé par l’amour sauvage de la Caraque, qui se colle à lui et l’aspire, sauvé par l’irruption de Marie-Claire, qui déchaîne sur elle la vindicte de cette femme sauvage. Poursuivie par elle, et suivie également de René, affolé et voulant la sauver, elle paie de sa vie son attachement : René, impuissant, la voit projetée avec force dans un « four à charbon ». A son tour projeté dans le trou, il est sauvé par Firmin, grâce au Mauser. Marie-Claire a été déposée dans une cabane. Expédition d’observation chez les Caraques avec Firmin. Puis retour à la cabane. 

 

C'est beau, la lecture.

 

Voilà ce que je dis, moi.