vendredi, 14 septembre 2012
HANDICAP ET CULPABILITE COLLECTIVE
Pensée du jour : « Un idiot pauvre est un idiot. Un idiot riche est un riche ».
PAUL LAFFITTE
Tiens, pensez à un détail : une loi récente oblige tous les bâtiments qui se construisent à prévoir des équipements spéciaux pour les handicapés (ascenseurs, plans inclinés, issues de secours, …). Imaginez un moment ce que ça représente concrètement. Rien qu’en surcoût de construction. Que la loi fasse une place aux handicapés, c’est rien que du normal. Mais que ce soit le handicap qui dicte la loi et impose ses propres normes à l’ensemble des citoyens, ce n’est plus normal du tout.
Que le handicap, après avoir été relégué dans les oubliettes, devienne législateur (une loi est par principe de portée universelle), cela ressemble à une aberration. Que l’architecture soit même pensée tout entière en fonction du handicap me semble tout simplement anormal. On apprend que 15 % des établissements publics seront équipés à temps pour accueillir les gens dits « à mobilité réduite », pour se conformer à la loi. Je le déplore évidemment et forcément, mais combien ça coûte aux collectivités ? « On vous obligera à être tolérants », dit l’adjudant (ou le commissaire du peuple).
L’affaire du mariage et de l’adoption ouverts aux homosexuels tient d’une logique comparable, fondée sur un fantasme d’égalitarisme absolu (et dépravé, confondant différence et inégalité). Une logique sous-tendue par une idée que je trouve dangereuse : l’interchangeabilité de tout individu par n’importe quel autre (« Tout homme en vaut un autre »). C’est ce que dit en filigrane le « flyer » glissé sous l’essuie-glace des voitures occupant indûment les emplacements « spécial handicapés » : « Si tu prends ma place, prends aussi mon handicap ». Alors que « ma place », en ville, est déserte 23, 5 heures sur 24. Mais c'est vrai qu'ils ne sont pas rares les goujats qui n'en ont que pour trois minutes, je vous le jure, monsieur l'agent.
Conditionner la vie de TOUS au bien-être de QUELQUES-UNS (les bonnes âmes vertueuses parlent d’ « intégration », sous le noble prétexte d’éviter toute « exclusion »), pardonnez-moi, mais c’est trop. Et les bonnes âmes vertueuses ont cessé définitivement de m’amuser : elles me courent durablement sur le haricot, qu’elles font semblant de ne pas voir qu’elles me le "brisent menu" (citation d’un film réalisé par GEORGES LAUTNER, dialogué par MICHEL AUDIARD, et bénéficiant d'une certaine notoriété). C'est fou le nombre de gens qui, du haut de leur âme vertueuse, font la leçon à tout le monde et, à l'occasion, la police de la pensée.
A cet égard, merci aux juristes (les impeccables et rigoureux MIREILLE DELMAS-MARTY ou MARIO BETTATI, par exemple) qui ne cessent de rappeler qu’aucune loi ne saurait se réclamer d’un particularisme et que toute loi s’applique indépendamment de tout particularisme, ce qui peut produire parfois des effets d'aubaine (le raisonnement est le même pour le mariage homosexuel, la filiation post mortem, la fin de vie, …).
Car la loi institue en général, c'est-à-dire indépendamment des cas. Plus une loi est spécifique et particulière (un fait divers ? Une loi ! raisonnait NICOLAS SARKOZY), motivée par une circonstance précise, plus est grand le risque d'abus de droit. Tiens, comment s'appelle-t-il, ce député de la France qui a fait passer un amendement exonérant je ne sais plus quel investissement de toute fiscalité, exonération qui, comme par hasard, bénéficie à la commune dont il est l'élu (merci au cumul des mandats et à l' « ancrage local » cher à ses adeptes fanatiques) ?
D’accord pour que la société institue, par l’éducation et l’instruction, le respect envers toutes les « minorités » qu’on voudra. Mais je ne suis plus d’accord quand il s’agit de faire passer la majorité de la population sous les fourches caudines (les fourches caudines, ça fait toujours très bien, très culturel, même si on a oublié qu'elles concernent les Romains, vaincus par les Samnites en - 321) de groupes (lobbies) dont l’habileté consiste à se présenter comme des « victimes » de cette majorité. Pire encore : « victimes » d’une « discrimination » intolérable.
On aura beau torturer les mots et les phrases, les handicapés sont, par accident ou par la naissance, des êtres physiquement (ou mentalement) diminués. Que la société fasse des efforts pour leur faire une place digne est un signe et une preuve de civilisation. VALÉRY GISCARD D’ESTAING (oui, c’est vieux) le disait déjà. On n’est plus à Sparte, où le bébé mal formé était supprimé.
Plus près de nous dans le temps, l’humanité a vu des horreurs. Espérons ne pas assister à de tels retours de l’enfer. Mais que TOUS les bords de trottoirs (déjà surbaissés pour la commodité des poussettes) soient munis de « bandes podotactiles » (comme cela s'appelle à Lyon) destinées aux cannes des aveugles, je n’y peux rien, cela me pose question (ne serait-ce qu'à propos de l'argent public que cela représente, mais peut-être suis-je un monstre).
La société a donc un devoir, celui de rendre aux handicapés la vie supportable et plus facile. Mais pas plus qu’on ne lui demande de donner aux gens le bonheur, en aucun cas elle ne saurait être tenue d’instaurer une égalité absolue entre les valides et les handicapés. Obligation de moyens, tant qu'on veut, obligation de résultat, jamais de la vie. Que le handicap, inné ou acquis, donne lieu à une compensation relative, c’est bien. Que le handicap finisse par conditionner la vie de la collectivité entière, il ne serait pas bon qu'on y arrive (si on n'y est pas déjà).
Dans le régime politique de la démocratie, l’élection donne à une majorité, par la Constitution, le droit et l’autorité de faire les lois. En démocratie, la minorité électorale est obligée de se soumettre, bon gré mal gré, à la majorité (personne n'a attenté à la vie de SARKOZY, bien que l'envie n'en manquât pas à beaucoup de gens). Il est curieux d’assister, à l’occasion de débats sociétaux (place des handicapés, place des immigrés, mariage homosexuel, …), à une inversion de la loi démocratique, et de voir une minorité dicter sa loi à la majorité. Par l'indimidation et la culpabilisation.
En régime démocratique, les personnes, qu’elles soient physiquement ou mentalement complètes ou diminuées, sont juridiquement égales. On ne sort pas de là. Ensuite, jusqu’où faut-il aller ? Je pose la question.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : nicolas sarkozy, loi, pauvre, riche, idiot, paul laffitte, handicap, handicapé, société, politique, cumul des mandats, ancrage local, mireille delmas-marty, les tontons flingueurs, georges lautner, michel audiard, fourches caudines, valéry giscard d'estaing, lyon
mercredi, 12 septembre 2012
DU BON USAGE DU HANDICAPé
Pensée du jour : « Si le soleil ne s'éteint pas sur mes Etats, c'est que mon règne est d'un seul jour ».
RENÉ DAUMAL
Ainsi, voilà-t-il pas, mon bon, que les Jeux Paralympiques 2012 ont pris fin à Londres. Voyons-en les résultats. Ils sont excellents. 1522 médailles ont été distribuées, ce qui fait, réparties en or, argent et bronze, 507,3333 médailles de chaque métal. Je ne me moque de personne. Je cite ma source : wikipédia. Curieusement, on y annonce, en fait de médailles, 503 or et argent, mais 516 bronze. Passons. J'observe, soit dit par parenthèse, que le logo des Paralympiques change à chaque manifestation, contrairement aux immuables cinq anneaux "olympiques".
LONDRES 2012
La Chine emporte le pompon, et de très loin : 231 médailles au total. C’est normal, avec 1,4 milliard d’habitants, le handicapé augmente en masse et peut-être en proportion (à cause de l’entassement). "Certains" se désolent que la France n’ait obtenu que 45 récompenses, soit un petit 19,48 % du palmarès de l’ « Empire du Milieu ».
PEKIN 2008
Certes, cela paraît peu, mais en fait c’est énorme, car la population française, c’est à peu près 4 % des Chinois (si ce taux avait été respecté, ce n'est pas avec 231 médailles qu'ils auraient dû repartir, mais avec 5775 !!!). Mais peut-être aussi, proportionnellement, avons-nous davantage de handicapés dans la population. Allez savoir, entre les accidents de la route, ceux du travail, ceux du sommeil, les crimes inachevés, les blessures de la vie et les automutilations en milieu carcéral … Mais envoie-t-on des prisonniers automutilés aux Jeux Paralympiques ? Bref.
Les mêmes "certains" en concluent donc à tort que nos handicapés sont de moins bonne qualité que les autres. Moins bien fabriqués. Je ne vois pas sur quelles bases ils osent proférer de pareilles inepties. Le handicapé français serait-il inférieur aux autres ? Qui donc ose prétendre qu’ils ne sont qu’une bande de « bras cassés » ? Qu’au lieu de mettre leurs deux prothèses dans le même sabot, ils auraient intérêt à se mettre à niveau ? Et d’ironiser. De persifler. C’est facile.
SIDNEY 2000
Moi je dis que nous avons les meilleurs handicapés du monde. D’abord, ils sont élevés en plein air et nourris au grain. Ils ont l’appellation d’origine, ce qui, juridiquement au moins, les protège de toute contrefaçon. Pas comme les handicapés chinois, élevés en batterie et gavés d’on ne sait trop quoi.
Simplement, ils sont mal entraînés. Mal encadrés. Mal suivis. Ils ne sont donc pas sur un pied (bot) d’égalité. Je suis prêt à le soutenir (« jusques au feu exclusivement », disait Maître Alcofribas). Qu’on nous en donne les moyens, et vous verrez : le monde n’a qu’à bien se tenir. La France souffre en la matière d’un indéniable handicap. Bon, d’accord, je change de ton. Je redeviens consensuel. Tant pis. J’étais bien parti.
BARCELONE 1992
Aucune épreuve des jeux paralympiques n’a donc été transmise en direct à la télévision. Les salopards de crocodiles journalistiques font semblant de se lamenter sur cette carence, et font mine de s’interroger gravement sur les raisons d’une telle désaffection. Vous ne la trouvez pas écœurante, cette hypocrisie ? Personnellement, je ne la trouve pas écœurante, mais carrément répugnante.
La raison de la désaffection ? Mais il ne faut pas être sorti de Polytechnique ou des Ponts et chaussées : ce ne sont pas des Jeux Olympiques. Point c’est tout. C’est aussi net que ça. Ce sont des Jeux Olympiques « spécial handicapés ». « Para », en grec, ça veut dire exactement ça : « à côté ». Comment ça, quelle différence cela fait-il ? Vous n’allez pas aussi vous y mettre ! Soyez sincère : la pratique sportive n’est pas la même. L’intérêt du spectacle est rigoureusement différent. La performance n'a pas le même sens.
Je suis désolé : si l’on peut trouver du plaisir à suivre un 100 mètres d’USAIN BOLT, qui a tous ses membres bien en place, quel plaisir éprouvent ceux qui s’extasient devant cet athlète qui court sur deux prothèses ? Quel est le sentiment vrai qu’ils éprouvent ? Je doute radicalement de leurs grandes déclarations et de leurs grands sentiments. Pour moi, ce sont des hypocrites fieffés.
Car les Jeux Paralympiques, excepté la collecte de fonds, sont d'abord une manifestation CARITATIVE. Exactement comme le Téléthon. S'il s'agit de trouver du courage à ces athlètes, c'est évident. Mais non, ne me dites pas que le sentiment esthétique est du même ordre. Car l'athlète normal dissimule dans sa prestation les efforts qu'il a fournis pour y arriver. L'homme sans pieds, lui, c'est le destin qu'il a dû vaincre, pour arriver là. Et c'est cela qu'on trouve admirable. On entre forcément dans les considérations MORALES.
Pourquoi s’il vous plaît, à l’origine (1896), a-t-on appelé cette manifestation « Jeux Olympiques » ? C’était une référence directe et explicite aux Jeux de l’antiquité grecque. Or je suis désolé, prenez toute la statuaire grecque : pas un seul handicapé. Que des athlètes parfaitement conformés. Et je suis encore plus désolé, s’il manque des membres à la Vénus de Milo ou à la Victoire de Samothrace, ce n’est pas dû à d’éventuels handicaps. D'ailleurs, elles ne concouraient pas.
Il y a bien ce plaisantin d’ÉSOPE. Certes, certes, mais lui, il n’est que contrefait. Ce n’est pas la même chose. Qu’est-ce qu’une bosse dans le dos, après tout ? Et surtout, nul ne lui a jamais demandé de s’aligner dans les épreuves de lutte ou de course. Personne n’aurait eu l’idée. Ses fables et son intelligence suffisaient pour valider son existence. En plus, son buste date de la période hellénistique. C’est-à-dire trois ou quatre siècles après lui.
Jamais les Grecs n'auraient eu l'idée saugrenue d'inclure des athlètes incomplets ou diminués dans des compétitions destinées à glorifier les perfections du corps humain. Notre époque dégouline de confiture altruiste et généreuse. C'est cette confiture que je trouve définitivement indigeste et répugnante. Après le hideux "devoir de mémoire", voici l'infect "devoir de compassion", d'autant plus contestable qu'il s'accommode fort bien des égoïsmes les plus noirs.
Voilà ce que je dis, moi.
A suivre.
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : rené daumal, le contre-ciel, jeux paralympiques, jeux olympiques, performance sportive, sport, sportif, handicap, handicapé, londres 2012, médaille d'or, wikipédia, chine, empire du milieu, france, palmarès, alcofribas nasier, usain bolt, téléthon, vénus de milo, victoire de samothrace, ésope, antiquité grecque, société