vendredi, 26 janvier 2024
LE PLUS GRAND PLAN SOCIAL ...
... L'AGRICULTURE.
« Ce qui se passe en ce moment avec l’agriculture en France, c’est un énorme plan social, le plus gros plan social à l’œuvre à l’heure actuelle, mais c’est un plan social secret. »
Michel Houellebecq, Sérotonine, Flammarion, 2019.
Voilà pour les données de base du problème : un vulgaire plan social comme tous les autres plans sociaux, avec cette différence que, jamais annoncé officiellement par quelque responsable que ce soit (politique, syndical et que sais-je ?), il se sera étalé sur des dizaines d'années.
Soit dit par parenthèse, on peut quand même s'étonner que pendant que la France se désindustrialisait massivement en vendant ses principaux moyens à la Chine (et à quelques autres pays misérables à l'époque : salaires tendant vers zéro, profits tendant vers l'infini, sans compter les "transferts de technologies"), elle entreprenait de faire entrer toute son agriculture dans une ère modernissime et archi-industrielle. Les responsables de ce choix envisageaient sans peur l'extermination sociale de toute une classe d'individus jugés passéistes et rétrogrades pour un péché mortel que j'appellerai : « les pieds dans la glèbe ». Et pourquoi pas des "paysans aux mains soignées, propres et manucurées", devait-on se dire en haut lieu?
Partant de là, on peut déjà parler d'un plan massif de licenciement dans les entreprises agricoles, fermes familiales, petites exploitations et petits paysans. Compression drastique de personnel. Il n'a jamais été question d'autre chose que de faire de la production de l'alimentation humaine une entreprise industrielle compétitive sur le marché mondial.
Pour cela, un marxiste pointerait un processus de concentration des moyens de production. En clair et en français : calquer l'entreprise agricole française sur son modèle américain, qui est fait de gigantisme entrepreneurial, d'appel massif aux investisseurs gourmands (banques, fonds de pensions, etc.), de mécanisation à outrance et d'usage abondant des ressources procurées par l'industrie agrochimique.
Toute autre considération lancée par Macron, Fesneau, voire Darmanin, et même Arnaud Rousseau en direction des agriculteurs en colère peut être qualifiée de pipeau, fumée, mensonge, fadaise, calembredaine, faribole et foutaise. Arnaud Rousseau ? Mais si, vous savez bien, c'est lui qui a succédé à Christiane Lambert à la tête de la F.N.S.E.A.
F.N.S.E.A. ? Quèzaco ? C'est un « syndicat » qui regroupe les agriculteurs, paraît-il. C'est même LE syndicat (c'est pas vrai, mais que pèsent les "Jeunes Agriculteurs", la "Confédération Paysanne" et autres ?). Officiellement, il se charge de défendre les intérêts des dits agriculteurs, et de tous les agriculteurs, petits ou grands. En réalité, le projet des gros pontes de la F.N.S.E.A. (ceux qui tiennent fermement la vérité du pouvoir dans le syndicat) est de faire de l'agriculture française dans son ensemble une entreprise industrielle performante. Ah ? Tiens donc !!! J'ai déjà entendu ça quelque part (voir plus haut). Pourquoi voudriez-vous que la F.N.S.E.A. échappe à la logique du capitalisme le plus débridé ?
J'entends justement à l'instant à l'antenne de France Culture (26 janvier 2024 à 7h. 08-09) une agricultrice dénoncer l'action pernicieuse du syndicat, qui, selon elle, « fait semblant de défendre les paysans ». Ben oui, on a compris ; la F.N.S.E.A. n'aura atteint son but que lorsque toute l'agriculture française ressemblera à une énorme et immense machine à produire de la bouffe. La terre comme une usine, quoi.
Ainsi s'accomplira le vœu d'Edgar Pisani, autrefois ministre de l'agriculture qui était rentré de sa visite aux U.S.A. ébloui et fasciné par la façon dont les Américains traitaient la terre, et qui avait mis en œuvre une grande politique de remembrement (cf. "concentration"), de destruction de centaines de kilomètres de haies, d'investissement-endettement (avec la complicité du Crédit Agricole), de machinisme, de productivisme. Dans une telle vision du monde, on est prié de considérer la terre, y compris agricole, comme un énorme et quasi inépuisable gisement de richesses sonnantes et trébuchantes.
Cela n'a aucun rapport, évidemment, mais je pense à la relation du Hamas avec le peuple palestinien : le groupe terrorisant brandit le chiffre de 25.000 morts dans la bande de Gaza. Mais ce bilan faisait exactement partie du plan des chefs du Hamas quand ils ont lancé leur pogrom sur les kibboutzim aux abords du territoire, puisqu'ils peuvent à présent se présenter comme des victimes du bourreau israélien. Pour atteindre l'objectif (détruire Israël), tous les moyens sont bons, y compris le meurtre par ennemi interposé d'un quota jugé satisfaisant de morts civils, enfants, femmes et vieillards offerts en sacrifice à la "cause" soi-disant palestinienne.
Eh bien pour les paysans français, c'est la même chose, la mort en moins (quoique) : 2.500.000 en 1955, 496.000 en 2020. Qu'est-ce que s'est-il passé ? L'évolution est inexorable, la concentration est en marche, la petite exploitation est appelée à se fondre et à être mangée par une entreprise plus grosse qu'elle et par ses machines. Pour la F.N.S.E.A., cette fonte des effectifs (appelons ça des licenciements massifs) fait précisément partie du plan d'ensemble. Pour atteindre l'objectif, tous les moyens son bons. On peut appeler ça un processus historique. On peut aussi appeler ça une extermination sociale d'une classe.
Inscrivez cela dans le grand tableau européen fait de tracasseries diverses, de contrôles tatillons, de normes pesantes et de "rationalisation" des productions agricoles, et vous aurez une petite idée des raisons de la colère qui a jeté les tracteurs en travers de nos autoroutes.
Maintenant demandez-vous, face à l'inéluctable, ce que peuvent faire les responsables politiques français. C'est facile à deviner : pérorer, gesticuler, aller faire un tour à la campagne et sortir le carnet de chèque. Quant à agir sur les causes et à arrêter le processus, c'est tintin, fantoche, marionnettes et compagnie.
Là, on est bien sûr dans la Rubrique-à-Brac de Marcel Gotlib (Intégrale Dargaud, 2002, RàB taume 3, p.261, "Deux poids, deux mesures").
09:04 Publié dans L'ETAT DU MONDE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : france, politique, société, agriculture, f.n.s.e.a., edgar pisani, agriculteurs, michel houellebecq, houllebecq sérotonine, plan massif de licenciements, emmanuel macron, marc fesneau, gérald darmanin, arnaud rousseau, christiane lambert, france culture, crédit agricole, hamas, palestiniens, israël, kibboutz, europe, humour, bande dessinée, gotlib, rubrique-à-brac, littérature
dimanche, 05 novembre 2023
CLIMAT : C'EST PAS GAGNÉ !!!
ON LE VOIT DE MIEUX EN MIEUX, LE MONDE D'APRÈS.
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Le Monde, 25-26 juin 2023.
Les haies, j'ai l'impression d'en entendre parler depuis des dizaines d'années. On croit toujours que les acteurs d'un problème sont capables d'en comprendre les causes et de corriger le tir. Cet article date du mois de juin dernier, et on est obligé de constater qu'il n'en est rien. Bah, pourquoi se soucier du sort de ces petits arbres, arbustes, arbrisseaux ? Des malveillants de petite envergure les avaient sûrement installés là juste pour couper l'élan de nos gros tracteurs et autres grosses machines qui servent enfin à entrer dans les grandes dimensions de la modernité moderne et à transformer l'action de cultiver la terre en une entreprise industrielle comme n'importe quelle autre.
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Le Monde, 22 juin 2023.
Là, on est évidemment en Amazonie. Le Brésil est, tout le monde le sait, complètement cinglé de vouloir faire du fric international en lieu et place de la bonne vieille canopée qui est comme une pompe (comme celle où les Dupondt sont enchaînés dans Le Trésor de Rackham Le Rouge) qui permet aux êtres vivants de respirer, même quand ils ne sont pas Brésiliens — et même quand ils ne sont pas scaphandriers.
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Le Monde, 28 juin 2023.
Je ne suis pas sûr que la Chine possède sur son sol l'équivalent de la forêt amazonienne, mais c'est la même logique qui fonctionne. A la différence qu'en Chine, on pense d'abord à la nourriture des "petits Chinois" (comme on disait quand il fallait garder le "papier d'argent" des tablettes de chocolat, pour la raison, paraît-il, qu'ils mouraient de faim, les petits Chinois).
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Le Monde, 28 juin 2023.
Le Monde, 24 octobre 2023.
Les articles de journaux se suivent, inlassablement, pour alerter le monde sur la folie qui consiste à faire disparaître les forêts. Mais qu'est-ce que c'est, "le monde" ? J'ai bien l'impression que c'est la même chose que la bien connue "communauté internationale", et même si possible en plus abstrait et inconsistant.
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Le Monde, 22 août 2023.
Bon, là, on est en pleine canicule, et il y a des tas de gens qui souffrent tellement de la chaleur que se fabriquer une température un peu moins forte peut ressembler à une bonne action. Mais l'été dernier, quand vous passiez sur le trottoir qui longe le magasin "Picard" — angle rue du Mail / rue Chariot d'or, à la Croix-Rousse —, le vent torride que vous soufflent les machines à congeler vous obligeait quand même à vous demander si tout ça était bien raisonnable.
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Le Monde, 2 septembre 2023.
Tout le monde aujourd'hui semble avoir mentalement adopté l'idée de la voiture électrique. Il faut dire que la propagande vantant les mérites de ces machines roulantes qui ne font pas l'affaire des émirs, des géants du pétrole et de mon garagiste est si tonitruante et omniprésente qu'on peut difficilement passer à travers les gouttes.
Cela dit, il faudrait peut-être que tous ces convaincus s'interrogent sur les origines et les conséquences de cette soudaine mutation d'une filière industrielle jusqu'ici essentielle.
Par exemple, si on raisonne en termes de consommation d'énergie (et non plus seulement de carburant), on se dit que, quoi qu'il arrive, il faudra produire de plus en plus de capacité de rouler, c'est-à-dire que la quête de puissance embarquée enflera et bouffera des quantités croissantes de matières capables d'alimenter les générateurs électriques. Certains pensent que l'on en respirera mieux. Admettons l'hypothèse.
Seulement, on pourrait se dire qu'en se contentant de transférer le besoin d'énergie d'une source sur une autre, on ne fait que déplacer le problème. Le Problème ? Mais c'est la consommation d'énergie, bien sûr ! La sobriété, je vous dis !
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Le Monde, 18 octobre 2023.
Il faut d'abord savoir que R.E.A.C.H. (Registration, Evaluation, Autorisation des substances CHimiques), c'est le programme européen de régulation de quelque 20.000 molécules répertoriées. REACH, ça doit servir théoriquement à s'assurer de l'innocuité de chacune des substances inventées par les chimistes et, éventuellement, d'interdire les plus dangereuses. L'Europe montre une nouvelle fois qu'elle est à la pointe extrême de l'arrière-garde en matière de protection de la santé humaine et de l'environnement.
Il faut dire que les promoteurs de l'industrie chimique ont en horreur tous ces écolos à la noix qui ne rêvent que de les empêcher de gagner du bon argent pour engraisser les actionnaires. Et qu'ils ne lésinent devant aucun moyen humain ou financier pour infléchir le consensus européen en direction de leurs intérêts. La santé humaine ? Vous voulez rire ! Vous vous rendez compte de la catastrophe, si les Européens parvenaient à se mettre d'accord sur leur dos ? Comme quoi ils n'ont pas complètement tort, ceux qui établissent l'équation « Europe = Paralysie ». J'attends de pied ferme que l'équation soit démentie par un éclair de Raison qui toucherait les responsables européens. Est-ce complètement improbable ?
Le Canard enchaîné (25 octobre 2023) est plus sévère, et sans doute mieux informé de ce qui se passe dans les coulisses.
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Le Monde, 6 mai 2023.
Alors là, c'est une curiosité, sur laquelle les serviteurs de l'information vraie se sont fort peu étendus. Il s'agit des consignes envoyées par l'autorité gouvernementale aux personnes chargées de contrôler la façon dont les producteurs de fruits respectent la réglementation en vigueur en matière de pesticides. Ces consignes se résumaient quasiment à l'ordre de ne pas opérer de "visite de flagrance" dans les exploitations contrevenantes. Autrement dit : les inspecteurs devaient, en cas de flagrante infraction, fermer les yeux, le nez et les oreilles, et s'abstenir d'intervenir. Fallait y penser, non ?
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Le Monde, 28 mars 2023.
J'aurais pu, à la réflexion, intituler ce billet : "Un faisceau de présomptions" lourdes et convergentes. Regardez l'élection de ce représentant de l'agro-industrie à la tête de la F.N.S.E.A., ce drôle de "syndicat", qui ressemble par certaines façons de faire à un "syndicat du crime". Avec un tel président, au moins, on ne risque pas de voir le lobby des entrepreneurs en agriculture errer ou dériver vers une défense de l'environnement qui ne pourrait que nuire aux affaires.
Cela fait longtemps qu'on ne parle plus de "paysans" à la F.N.S.E.A. Mais si, paysans, ça doit vous dire quelque chose. C'était dans les temps anciens, où des millions de culs-terreux faisaient tout, mais en petit, bien à l'abri de leurs champs délimités par des haies, et qui étaient incapables de voir les choses "en grand", comme font de nos jours les modernes gros bras de l'industrie agricole.
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Le Monde, 22-23 octobre 2023.
Dernier maillon de la chaîne : du grand distributeur au petit consommateur. On nous a beaucoup bassiné avec « achetez bio, achetez "en vrac" ». Résultat des courses : toujours plus de suremballages. C'est la fête aux plastiques divers et au carton ! Il va nous en falloir, des poubelles, des poubelles et encore des poubelles.
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Oui, monsieur le président, nous sommes bien face à un faisceau de présomptions lourdes et convergentes. Oui, vous les entendez comme nous, monsieur le président, les appels à lutter contre le réchauffement climatique et contre les extrêmes météorologiques qu'il a déjà commencé à provoquer. Oui, monsieur le président, vous connaissez les coupables de l'empoisonnement des sols. Tout le monde sait ce qu'il y a à savoir, bien que les rangs des dénégateurs soient de plus en plus serrés.
Le malheur, monsieur le président, c'est qu'il vous semble très difficile de désigner et condamner des coupables ainsi que l'ensemble de leurs complices : tout le monde ne l'est-il pas, à un titre ou à un autre ? Ce qui est sûr, c'est que les kilomètres de discours et les kilotonnes de mots déversés quotidiennement se heurtent à une résistance dont on ne soupçonnait pas les ressources.
On braque volontiers l'attention sur ce qui se passe de bien ici ou là, en oubliant de dire qu'il faut de sacrés instruments d'optique pour identifier comme vertueuse telle ou telle expérience. En oubliant aussi de dire que le vertueux est perdu comme une goutte d'eau dans l'océan des nuisances et qu'il faut de sacrés bons yeux pour le distinguer.
C'en est au point que la tendance générale est à l'aggravation, comme le montrent les effets de la grande coalition des tenants du pétrole et des autres énergies fossiles (voir mon billet d'il y a quelques jours). Et comme le montrent les usages de la chimie, les déforestations, la gloutonnerie énergétique chaque jour plus incontrôlable de notre époque et la volonté de puissance des acteurs de l'agriculture industrielle.
Je n'aimerais pas être à votre place, monsieur le président.
09:00 Publié dans ECOLOGIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : environnement, écologie, agriculture biologique, agriculture industrielle, agro-industrie, déforestation, brésil, amazonie, déboisement, forêt amazonienne, climatisation, voiture électrique, industrie chimique, programme reach, europe, pesticides, fnsea, arnaud rousseau, journal le monde, énergies fossiles, pétrole, charbon, éneergies renouvelables