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dimanche, 12 janvier 2014

ALORS ? DIEUDONNé ?

Quatrième et dernier billet, je le jure, consacré aux modestes réflexions que m’inspire le battage médiatique et politique autour du cas Dieudonné. J’ai dit le dégoût que m’inspire l’atmosphère de chasse à l’homme dans laquelle baigne cette affaire. Le dégoût que m’inspirent tous les moralistes (sincères ou non) et tous les calculateurs qui s’efforcent de planter leurs incisives de roquets dans les mollets de la liberté d’expression n'a d'égale que ma répugnance à envisager de réprimer la libre parole.

Je me demande si les instigateurs de cette campagne de chasse à courre, Manuel Valls en tête, se rendent compte que leur volonté de faire taire, à l’inverse de ce qu’ils attendaient, a d’ores et déjà sculpté une belle caisse de résonance publicitaire aux spectacles qu’ils voulaient interdire. S’ils étaient conscients de ce qu’ils faisaient, peut-être après tout est-ce avec l'intention secrète de rééditer le coup de Mitterrand qui, en mettant le pied de Le Pen à l’étrier électoral (1986 ?), voulait fait éclater la droite.

L’antisémitisme en France, à présent. J’ai lu ici et là des interviews de spectateurs ayant assisté dernièrement aux productions du Théâtre de la Main d’or (le théâtre de Dieudonné). Ceux qui pensent qu’ils sont tous antisémites se fourrent le doigt dans l’œil. Ou alors ils mentent effrontément, montés sur un cheval de bataille supposé favoriser d’obscurs projets, à moins qu’ils s’en servent comme d’un énorme moyen de diversion.

De telles mayonnaises médiatiques ne demandent qu’à monter. Il leur suffit pour cela d’un petit coup de pouce au départ. En tout cas, Manuel Valls a réussi, par le surprenant (un euphémisme !) arrêt du Conseil d’Etat rendu jeudi soir, à torpiller proprement le coup de com’ programmé par François Hollande pour « reprendre contact avec les Français » (en Corrèze, je crois).

Je signale à ceux que ça intéresse que Le Monde publie une interview, dans son n° daté 12-13 janvier, du vice président du Conseil d'Etat. Tenez-vous bien, il s'appelle Sauvé. Jean-Marc de son prénom. Il faut le faire. Digne et très droit dans ses bottes, le monsieur, même s'il justifie péremtoirement l'arrêt inique qu'il a rendu précipitamment à l'encontre de Dieudonné. Il enfonce assez bien le poignard dans la poitrine de la liberté d'expression. Ce n'est pas la première fois que la plus haute instance de la juridiction administrative de France exhale cette odeur infecte (on n'y est pas très clair sur la laïcité, cf. crèche Babilou).

Tout cela empeste la cuisine rance, comme si certains avaient intérêt à instrumentaliser la « question juive ». Il faudrait chercher à qui le crime profite. Je ne peux pas m’empêcher de penser que quelqu’un ici me bourre le mou, et ça me chiffonne les boyaux de la tête et l’idée que je me fais de la vérité.

Quoi qu’il en soit, je suis convaincu que le problème de ce que beaucoup sont convenus d'appeler l’ « antisémitisme », en France (ou ailleurs), et qui ne concerne pour l'essentiel qu'une partie assez bien déterminée de la population, n’a aucune chance de disparaître aussi longtemps que se perpétuera la guerre au Proche-Orient, entre Israéliens et Palestiniens. Et il semble bien que, dans les deux camps, il y ait assez d’allumés, d’exaltés, de fanatiques pour que ça ne s’arrête jamais.

Si les islamistes les plus radicaux (Iraniens, Hezbollah, Hamas, tous chi’ites, et bien d’autres) parviennent à produire dans le concret le « choc des civilisations » redouté naguère par Samuel Huntington, ils pourront rendre grâce aux plus exaltés et fanatiques des juifs orthodoxes, qui orientent les décisions de Nétanyahou (et du Congrès américain) dans le sens le plus rigide et le plus arrogant, et dont les convictions bien arrêtées sont placées sous les signes irréfutables que sont les idées de « peuple élu » et de « Terre Promise ». Quand l’un de ces hallucinés déclare le plus sérieusement du monde que cette terre leur appartient en exclusivité, j’en reste sans voix et sur le cul.

Tant que nul parmi cette collection de cinglés ne sera disposé à partager la terre, le monde méditerranéen dans son entier (et au-delà : le lobby sioniste est très puissant aux Etats-Unis, comme l'ont montré l'arrogance de Nétanyahou à New York et la capitulation d'Obama, resté la queue et la mine basses) restera englué dans la panade de ce conflit, à cause des relais et des réseaux que les ennemis sur le terrain entretiennent hors de leurs frontières.

Au surplus, de moins en moins de gens auront le discernement et le courage de continuer à faire la différence entre antisionisme et antisémitisme, puisque même les exaltés d'Israël donnent l'exemple, en s'empressant d'accuser d'antisémitisme tous ceux qui ont le culot de prendre la défense des Palestiniens et de l'injustice que leur Etat fait régner et développe sans cesse. Brandi au moindre frémissement d'opinion désapprouvant la colonisation de la Cisjordanie, que devient la notion d'antisémitisme ?

Et les pays qui accueillent sur leur sol des immigrés d’origine arabe et leurs descendants auront bien du mal à les convaincre que ce conflit ne les concerne pas : comment les empêcher de ressentir une solidarité avec des gens, de même langue et de même religion, qui subissent la violence de l’obsession sécuritaire et de la folie colonisatrice des Israéliens ? Et ce n'est pas fini. Aux dernières nouvelles, ils veulent même, toujours pour des raisons sécuritaires évidemment, s'approprier toute la vallée du Jourdain.

Sans doute n’est-ce pas la seule cause. Sans doute y a-t-il aussi l’obsession de certains (LICRA, MRAP, CRAN, SOS Racisme, CRIF, par exemple – au fait, pourquoi ne s’appelle-t-il plus le CRIJF ? –, bref « les associations », à l'action souvent délétère) prêts à  hurler à l’antisémitisme à la moindre anicroche, souvent à tort et à travers, vidant peu à peu le mot "antisémitisme" de sa substance véritable. A force d'exacerber, au prétexte de la prévention du risque de retour des "années sombres", le sentiment victimaire de la communauté juive, on finira par user la patience compassionnelle de l'opinion publique.

Sans doute y a-t-il le sentiment (exagéré ?) des descendants d’immigrés d’être des citoyens de seconde zone en France, qui renforce leur parallèle avec le sort peu enviable des Palestiniens. Et « peu enviable » est encore trop doux : sans même parler du mur de séparation, des obstacles mis à la libre circulation ou de la confettisation de la Cisjordanie palestinienne, quelqu’un de sensé peut-il admettre les expropriations arbitraires, les destructions d’habitations ou de champs d’oliviers par les colons ou par Tsahal ?

Non, la France n’est pas antisémite. Peut-être est-elle trop « poreuse » à certains produits d'importation que des groupes définis et belliqueux, que je ne me hasarderai pas à désigner, faute d'informations neutres, ont intérêt à y faire circuler. Chacun de ces groupes (soyons clair : pro-palestinien et pro-israélien) tient aux Français un discours insupportable, qui rappelle le chantage auquel s'était livrée l'administration américaine au temps de George W. Bush, qui se préparait à envahir l'Irak sur la base de mensonges gros comme des montagnes.

Ce chantage tient en une phrase simple, trop simple, pour ne pas dire simplette, quoique répugnante d'intimidation : « Qui n'est pas avec nous est contre nous ». Il y a des chances que le succès des spectacles de Dieudonné soit dû à sa façon habile de surfer sur ce climat d'hostilité soigneusement entretenu par les deux parties en présence.

Un seul message à leur adresse : foutez-nous la paix, en la faisant entre vous, et ne nous tabustez plus l'entendement.

Voilà ce que je dis, moi. 

 

 

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