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samedi, 14 décembre 2013

FRANçOIS HOLLANDE ORATEUR

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Je ne prétends pas apprendre quoi que ce soit à qui que ce soit en soutenant que notre président François Hollande est peut-être très intelligent et bardé de diplômes (Sciences Po, ENA, HEC), mais qu'il souffre d’un véritable handicap : il ne sait pas parler en public. Il est sans doute intellectuellement brillant, mais oralement, il est minable. 

 

Je n’ai jamais déclaré, comme l’a comiquement écrit le journal espagnol El Pais, que la première élection d’Obama pouvait être comparée à « une nouvelle descente du Christ sur Terre », et on peut lui reprocher bien des choses, mais on ne saurait lui dénier un remarquable talent d’orateur. Il sait prononcer à l’occasion (Le Caire, Johannesburg) des discours pleins d’éloquence, pleins de phrases nobles, de périodes brillantes, de formules frappantes. Bon, on me dira que ce ne sont que des discours, et ce n’est pas faux.

 

Mais il se trouve que, jusqu’à une époque pas si lointaine, la politique en France était le fait d’hommes qui savaient écrire et qui savaient composer des discours mémorables, inspirés qu’ils étaient par les immenses exemples de leur passé historique et de l’antiquité gréco-romaine. Et qui savaient à merveille faire ronfler la rhétorique quand ils s'adressaient au peuple.

 

Aucun Grec, aucun Romain n’aurait imaginé ou admis qu’un homme manifestant des ambitions publiques ne fût pas, de ce fait même, un orateur. Ceux qui ont sué sang et eau sur des versions tirées des Orateurs attiques (ça vous dirait, un fragment d'Isocrate ou d'Andocide, là, vite fait sur le gaz ?) en savent quelque chose. L'ambitieux Démosthène s'était lui-même, dit-on, guéri d'un défaut de prononciation en se soumettant à des exercices très contraignants.  

 

Les orateurs de la Révolution étaient pétris de grec, de latin, de Lettres classiques, et Jean Jaurès, paraît-il, a soutenu sa thèse de doctorat en latin. Ces gens-là savaient ce que parler veut dire. Peut-être parce qu’ils savaient écrire : ils avaient appris. Mais ils avaient aussi quelque chose : une vision de l’avenir, une volonté (réelle ou feinte, évidemment) d’édifier pour le corps social tout entier un palais plus ou moins rutilant. On dirait aujourd’hui qu’ils avaient un « projet ».

 

Alors aujourd’hui, demanderez-vous ? Quoi, aujourd’hui ? Que voulez-vous que je dise ? De qui peut-on parler ? Où voyez-vous un projet ? Où voyez-vous un homme d’Etat ? Et même, où voyez-vous un homme politique ? Moi je vois des petits chefs de bande, préoccupés de garder la main sur le troupeau de leur clientèle pour s’en faire réélire la prochaine fois. Je vois des petits chefs de bureau soucieux d’administrer sans trop de heurts le petit espace de leur pré carré, tout en empêchant les bestiaux qui rôdent alentour de venir brouter leur herbe (Barre-toi de mon herbe, dit excellemment un titre de l’excellent F'murr). 

 

Je vois des chefs de service passés au laminoir d’églises à formater les esprits (Sciences-Po, ENA, HEC), qui s’empressent de réciter leurs prières quand ils sont « aux affaires », en espérant qu’elles seront efficaces, même s’ils savent que leurs vœux pieux seront jetés aux orties comme autant de vieilles soutanes quand ils viendront se heurter au mur impassible de la réalité.

 

D’orateur, je n’en vois point. Ce n’est pas avec Jean-François Copé ou François Fillon qu’on pourrait me contredire. Quant à Jean-Luc Mélenchon, si je suis prêt à admettre qu’il lui arrive d’avoir le sens de la formule qui porte ou qui fait mal (« capitaine de pédalo »), je crois qu’on ne peut pas fonder une véritable éloquence sur la manie du coup de gueule. Et ne parlons pas de la désolante platitude dans laquelle s’exprime le premier sinistre, Jean-Marc Ayrault.

 

Quant à Nicolas Sarkozy, ce présumé avocat, cet ancien président qui rêve de redevenir calife à la place du calife, dans toutes les subtilités inventées par les orateurs au cours de l'histoire, sa mémoire n'a retenu que le ton péremptoire pour toute ressource. De Gaulle au moins se donnait la peine d'écrire lui-même ses discours, et par-dessus le marché, il les apprenait par cœur. Sarkozy, sauf erreur, n'a jamais fait que lire la prose comique sortie de la plume de son valet Henri Guaino.

 

Mais après tout, tous ces gens cités savent à l’occasion s’exprimer quand ils sont devant des journalistes ou sur un plateau de télévision. Passons sur le fait que beaucoup se font écrire leurs discours par des nègres quand il s’agit de monter sur une tribune, Président compris. Passés par l’exigeant « Grand O » du concours de sortie, ils sont tout de même rompus aux nécessités de la parole. Certains sont même passés maîtres dans l’art de chantourner la langue de bois.

 

Dans ce troupeau – mortellement ennuyeux, il faut bien le dire –, une exception fait tache. Un mouton noir dépare la collection de conformistes. J’ai nommé François Hollande. Personne ne peut avoir évité de l’entendre s’exprimer sur les ondes, en des circonstances diverses. C’est le pire des orateurs que la France pouvait souhaiter. C’est bien simple, supposez-le ouvrant la bouche sur l’agora d’Athènes ou devant les sénateurs romains, jamais vous n’aurez vu un discoureur recevoir aussi vite autant de tomates et d’œufs pourris. Un record.

 

Sa façon de parler ? Imaginez une belle assiette de spaghetti bien longs sur la table d’une trattoria sympathique non loin de la Piazza Navona. Viendrait-il à l’idée de qui que ce soit, dédaignant la cuillère et s’armant du couteau et de la fourchette, de prendre le risque de les couper en petits bouts sous le regard stupéfait et bientôt hostile de la compagnie ?

 

Eh bien c’est exactement ce détestable cas de figure hypothétique qu’illustre la façon dont notre président s’exprime. Quand il parle en public (pour le privé, je me garderai de dévoiler quoi que ce soit, je suis la discrétion même), ce sont des spaghetti ainsi soigneusement tronçonnés en minuscules copeaux qui sortent de sa bouche. Des segments de quelques syllabes se succèdent, comme de courtes rafales de mitraillette. On peut avantageusement remplacer tout ça par des séries discontinues de « taratata-taratata-taratata ».

 

En tant que Français, je trouve rageant et humiliant d’être représenté sur la scène internationale par un homme qui parle comme on vend une boîte de petits pois à la vieille madame Michu, qui est gardienne d'immeuble au coin de la rue. Un homme qui a l’éloquence boutiquière. Le moindre camelot qui vend son détergent miracle sur le marché est davantage orateur que François Hollande.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

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