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mercredi, 13 juin 2012

DE LA POROSITE DANS LES CATEGORIES

Résumé : après les catégories du temps et de l’espace, on a constaté que la POROSITÉ a atteint la frontière entre les sexes. Voyons à présent si cette porosité fait tache d’huile (la porosité qui fait tache d'huile, ça vaut bien un discours du maire de Champignac, non ?).

 

 

Un autre exemple de ce totalitarisme soft de la POROSITÉ est à trouver dans une immense et impérieuse revendication venue du fond des âges coloniaux et des peuples opprimés, de tout ce qui tourne autour de la revendication du métissage culturel, de la « diversité », de la voix des « minorités », de la créolisation du monde, de la controverse sur le multiculturalisme. Ce sont AMADOU et MARIAM qui chantent : « Ouvrez les frontières, ouvrez les frontières, ouvrez les frontières ». Qu’est-ce d’autre que réclamer une POROSITÉ accrue ? Soyez poreux, les Européens,  devenez POREUX, vous, les blancs !

 

 

Allez, j’aggrave mon cas, et je propose comme exemple un cas extrême : la Déclaration des Droits. Tout le monde a au moins entendu parler de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen. Cela date du 26 août 1789. Dix-sept articles lumineux, simples et précis. Passons sur celle de 1948, qui n’a de différent que son affirmation d’être universelle, quand la première, sans le dire, l’était déjà (elle comporte quand même 13 articles de plus, on sent le juridisme ambiant qui commence son grignotage épouvantablement énumératif, qu'on trouve dans tous les baux de location et les contrats d'assurance).

 

 

Mais mentionnons celle de 1959, celle des « Droits de l’enfant », dont je me demande ce qu’elle apporte de spécifique. Quoi, franchement ? Et que penserez-vous de la Déclaration Universelle des Droits de l’Animal (Unesco, 1978) ? Et de la Déclaration Universelle des Droits des Plantes (authentique) ? Je dirai rien de la Déclaration des Droits de la Femme et de la Citoyenne, rédigée par OLYMPE DE GOUGES en 1791, parce que je me ferais incendier par les féministes.

 

 

Et moi je dis que, pour revenir aux plantes, il serait pour le moins juste et équitable de proclamer solennellement les Droits des Carottes. Et dans la foulée, des Pommes de Terre. Et pourquoi pas des Navets ? Je sens que la Déclaration des Droits va pulluler et surabonder, comme la ’Pataphysique. Elle va régner dans tous les jardins potagers. Vous allez voir, la vie des jardiniers va devenir impossible.

 

 

Vous allez voir, les manifs de poireaux, les choux indignés qui vont aller camper sur de nouvelles « Places Tahrir » pour réclamer. Pour réclamer quoi, on s'en fout. Réclamer, c'est le principe. Les Droits débordent de partout. En France, les Droits suintent, débordent des femmes, des musulmans, des noirs, des homosexuels, des enfants, des animaux (même les cloportes et les limules ?), des plantes (même le lamier amplexicaule, la pulicaire dysentérique et la germandrée scorodoine ?).

 

 

Il faut donc saluer solennellement l'émergence, le surgissement, que dis-je, l'épiphanie des Droits solennels et infrangibles. Je sens que la foule fraternelle des plantes va entourer l'humanité génétiquement modifiée, de toute la tendresse de ses vrilles et de ses inflorescences, de toute la force de son affection végétale, et de toute la sincérité de sa sympathie légumière et autocuite.

 

 

Vous en voulez, d’autres exemples de POROSITÉ ? Je vous propose un petit viron dans la littérature. Qu’est que c’est, un roman ? Et d’abord, qu’est-ce que n’est pas un roman ? Prenez LAURENT BINET, auteur de HHhH (Grasset, 2010), il paraît. Le pauvre bouquin – que je n’ai pas lu –, l’autre semaine, a été mis sur le gril par un savant professeur (PETER TAME), qui a déclaré d'entrée de jeu, lors d’un colloque international (« Après Vichy : l’écriture occupée ») : « Ceci n’est pas un roman ».

 

 

Franchement, je me fous de savoir si le livre mérite ou non d’être appelé « roman ». Ce qui m’intéresse, c’est la plaidoirie présentée par JACQUES LECARME, illustre spécialiste de la littérature française contemporaine, pour le défendre. Il a soutenu que, depuis 1950, le roman était « le lieu de l’indétermination générique et désormais celui de l’hybridation ». « Indétermination générique », « hybridation », je n’en demandais pas tant : n’est-ce pas qu’on est exactement dans ce que j’appelle POROSITÉ ?

 

 

Et je n’ai pas examiné le cas de CHRISTINE ANGOT, d’ANNIE ERNAUX, de MARIE DARRIEUSSECQ, de CAMILLE LAURENS, de PASCALE ROZE (je m’excuse, ces noms de femmes sont les seuls qui me viennent présentement à l’esprit, ah si, tiens, il me vient CLAUDE ARNAUD, le très mauvais auteur d'un livre à succès, Qu’as-tu Fait de tes frères ?), des romans d’un nouveau genre qu’on promeut sous l’appellation d’ « autofictions ». Le problème, avec ceux-là, est double. L’ « autofiction » est-elle du roman ? Et tous les livres de ces gens-là sont-ils des livres pour des raisons autres que le seul fait d'avoir été fabriqués, édités, publiés ?

 

 

Toujours pour creuser le sillon de la POROSITÉ régnante, je reviens sur la question animale. Prenez PASCAL PICQ, un grand spécialiste de l’histoire archaïque de l’humanité (on dit « paléoanthropologue »). Il se demande depuis longtemps en quoi consiste la frontière qui sépare le règne animal (surtout les grands singes, à commencer par les chimpanzés) et le règne humain.

 

 

Or, tout son travail semble consister à brouiller les cartes, les pistes, les lignes. Son idée, pour simplifier et résumer, c’est de repérer ce qui chez le singe fait penser à l’homme, et inversement. La preuve ? Il a publié fin 2011 un livre dont le titre parle de lui-même : L’Homme est-il un grand singe politique ? (Odile Jacob), dans lequel il observe, dans un groupe de singes, ce qui pourrait faire penser à des comportements politiques.

 

 

Parfaitement : politiques. Si PASCAL PICQ voulait que l’échelle des valeurs en usage dans l’humanité soit réévaluée au bénéfice des animaux, il ne s’y prendrait pas autrement. En gros, l'homme n'a rien inventé, et il ne mérite pas tant d'égards. Accessoirement, je fais remarquer que le paléoanthropologue est un adepte de la POROSITÉ des frontières. Remarquez, avec le prion et le H5N1 (vache folle, grippe aviaire souvenez-vous), certaines maladies ont déjà franchi la « barrière entre les espèces ».

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

La suite et puis la fin, promis, demain sans faute.

 

 

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