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lundi, 28 janvier 2019

MICHEL LEGRAND

Je n'ai jamais vu Les Demoiselles de Rochefort. Je n'ai jamais vu Les Parapluies de Cherbourg. C'était au-dessus de mes forces. Pas parce que je n'aimais pas le cinéma : je me suis longtemps et abondamment laissé aller avec abandon et délice à ce loisir paresseux. Je me suis calmé. Non, si je n'ai jamais pu consentir à visionner les films du tandem Demy-Legrand, c'est parce que je ne pouvais me faire à l'idée de consommer bêtement de la platitude et de la niaiserie mises en musique, fût-elle techniquement irréprochable, comme c'est le cas.

Belle trouvaille en vérité ! Il m'est arrivé de jouer à ça en famille, et de chanter à plusieurs des paroles du genre : « Peux-tu fermer la fenêtre, s'il te plaît ? » ou « Je trouve la soupe un peu salée ce soir » (essayez, ça peut mettre tout le monde de très bonne humeur). Mais ce n'est jamais allé plus loin. Oui, c'est vrai, Michel Legrand n'a pas tort quand il dit du mal du récitatif, vous savez, ces morceaux d'opéra chantés qui racontent l'action en cours, en attendant la prochaine aria : c'est de la musique par défaut. Quand on pense à Mozart, ce qu'on a en tête, c'est l'air d'Osmin, c'est l'air de Cherubino, c'est l'air du "catalogue" (« Ma in Ispania son giá mille e tre »), c'est l'air de la Comtesse, ce ne sont jamais les "dialogues", fussent-ils chantés. Mais les dialogues chantés des films de Demy-Legrand ne sont même pas des récitatifs !

Et ce n'est pas le quadruple passage, dans la seule journée du samedi 26 sur France Musique, de la recette du "cake d'amour" tirée du film Peau d'âne qui va me faire changer d'avis : quelle bouse, en vérité ! Non, Michel Legrand est certes un excellent musicien, il est certes sorti du Conservatoire et de la classe de Nadia Boulanger, mais sa trouvaille de mettre en musique les plus plats des dialogues du quotidien, franchement, ça ne passe pas. Et puis je vais vous dire ce que je pense de Michel Legrand compositeur : c'est un Américain, point c'est tout. Pour moi, ça fait beaucoup de soupe à grand orchestre et à grand spectacle, genre Broadway. Quelque chose de globalement pas très intéressant. 

Ce que je retiens plutôt de Michel Legrand, c'est d'abord sa détestation de Pierre Boulez. C'est sûr : deux mondes sans aucune intersection. Les deux ne font pas le même métier. Le brave et savant Christian Merlin (France Musique), dans son émission du dimanche matin sur l'orchestre, m'a fait aimer cette détestation en passant un (trop long) extrait d'Eclats (de Boulez, précisément), improbable assemblage de sons prétendument musicaux, où l'auditeur s'exténue en vain à se frayer un chemin carrossable. Je ne supporte pas que le "compositeur" (gourou si vous voulez) s'impose à l'amateur par le pouvoir d'intimidation qu'il prend sur lui (Boulez dit une seule chose : « C'est moi qui sais, c'est à l'auditeur de se plier. »). Boulez reste pour moi l'incarnation du despotisme dans l'univers musical. Que voulez-vous retenir de ses mélodies ? Il n'en veut à aucun prix. J'adore en cette circonstance la franchise de Michel Legrand, même si je ne goûte guère sa musique. 

En revanche, j'avoue priser très fort quelques productions de ce dernier. Quelques chansons, mais sans film à l'appui. Tenez, celle-ci s'appelle Sérénade du XX° siècle. Ça raconte le changement de civilisation que constitue l'invention du gratte-ciel, avec les conséquences que cela entraîne sur les déclarations d'amour.


Oui, il a fait d'excellentes chansons, souvent enracinées dans le jazz (« Quand ça balance, alors là, je suis chez moi »). J'ajoute que j'ai toujours eu un grand plaisir à écouter les interviews de Michel Legrand, comme ce "Grand Entretien" rediffusé en intégralité samedi dernier sur France Musique.

Ce qui me rend sympathique Michel Legrand (et ce qui le rend populaire), c'est qu'il a refusé toute sa vie d'être "moderne", tout en étant, avec un grand talent, pleinement dans son époque. Ce n'est déjà pas si mal.

Voilà ce que je dis, moi.