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mercredi, 03 avril 2013

DE LA DEFINITION DE L'ART

 

KORTH 6.jpg

CECI EST UN SUPERBE REVOLVER KORTH, CALIBRE 357 MAGNUM

(la cartouche de marque SJ, avec sa balle de 10,20g blindée, a des performances remarquables, en particulier la puissance d'arrêt)

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Extrémisme démocratique, ai-je dit. Est-ce grave, docteur ? Pour parler franchement, je n’en sais rien, mais je crains le pire. Au moins, dites-nous en quoi ça consiste. Je vais essayer. L’extrémisme démocratique découle de ces trois lois : « Tout est beau. Tout est de l’art. Tout le monde est artiste ». Qui répondent à la même double question, trois fois posée : « Qu’est-ce qui est … ? / Qu’est-ce qui n’est pas … ? ». Tout tourne donc autour de l’épineuse question de la définition.

 

Vous l'avez remarqué : les termes qui désignent les arts se sont emplis d’une infinité de définitions nouvelles. Ainsi a-t-on progressivement appelé « musique » toutes sortes d’arrangements nouveaux des sons autrefois musicaux, toutes sortes de mauvais traitements infligés aux vieux instruments pour leur faire cracher leurs poumons (je n'ai pas dit "glavioter leurs éponges"), pour finir par faire entrer dans la catégorie « musique » tout ce que le monde réel est capable de produire de sonore.

 

Tout bruit (y compris les éructations et flatuosités qui accompagnent si dignement les repas les plus solennels) est potentiellement musical : tout dépend de ce que l’artiste en fera. La liste des matériaux utilisables en musique est devenue aussi longue qu’il y a de sons dans l’univers. Sans parler des sons artificiels ou synthétiques. John Cage n’a-t-il pas composé une pièce pour « piano-jouet » (la désopilante, écroulante Suite for Toy Piano, 1948) ? 

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JE N'AI RIEN INVENTÉ (je ne me permettrais pas) : LE PETIT JOHN CAGE, CLOWN DÉGUISÉ EN ADULTE RAISONNABLE, INTERPRÈTE LUI-MÊME, EN CONCERT, SA "SUITE FOR TOY PIANO"

IRRESISTIBLE, IS'NT HE ?

On a collé l’étiquette « roman », « poème », « littérature » sur toutes sortes de productions faites au moyen de mots assemblés de diverses manières. On a collé l’étiquette « art » sur des cailloux, des bouts de ficelle, des urinoirs, des poubelles. Voilà où on en est depuis déjà quelques décennies : « Qu’est-ce qui est de l’art ? Qu’est-ce qui n’en est pas ? ». Plus personne n’en sait rien. Plus personne, c’est-à-dire tout le monde. C’est ça, l’extrémisme démocratique.

 

Archimède clamait : « Donnez-moi un point fixe, et je soulève l’univers ». C’était fort bien vu. Seulement le problème, dans l’art actuel, c’est qu’il n’y en a plus aucun, de point fixe. Aussi longtemps que 100 % de la population sont convaincus que la Terre, centre de toute la création, est plate, que Dieu existe à n’en pas douter (la preuve, c’est qu’on tue en son nom), que le Roi est sacré, pas de problème : la définition coule de source. Elle s’impose. Dieu et le Roi peuvent dormir tranquilles.

 

Le problème survient dès le moment où vous accordez à l’individu la première parcelle de libre-arbitre, fût-elle la plus infime. Tant que l’homme est un « sujet », ça roule, Raoul. S’il devient « autonome », c’est là que les Athéniens s’atteignirent, que les Satrapes s’attrapèrent, que les Perses se percèrent. Le Grand Inquisiteur des Frères Karamazov l’a dit assez clairement : l’homme n’est pas fait pour la liberté, et n’a rien de plus pressé que de venir la déposer aux pieds d’un Maître qui le guide et, le guidant, le rassure, le protège et le valorise.

 

Tant que la définition des mots et des choses émane du Maître, à l’aise, Blaise : elle est homogène, compacte et ne souffre nulle discussion. Le monde a une figure, et les artistes sont là pour, chacun à sa manière, la figurer. Dit autrement : la célébrer.

 

Tant que la Vérité vient du Très-Haut, glisse, Régis. Le Très-Haut et le Roi donnent sa figure au monde que les artistes représentent. C’est d’ailleurs ça qu’on a appelé « l’art figuratif ». Et si l’art figuratif a disparu depuis le début du 20ème siècle, c’est bien qu’il y avait un problème avec la figure du monde, et avec sa définition. L’art abstrait a peut-être quelque chose à voir avec la mort de Dieu. Peut-être même avec la mort de l’homme. Une idée à creuser, non ?

 

Tant que les hommes ont été d’accord sur le tracé de la limite entre la réalité et l’art, facile, Mimile : être artiste est un métier qui s’apprend, patience et longueur de temps, et tout ça. Mais quand Antoni Tàpies est autorisé à écrire un livre intitulé La Réalité comme Art, rien ne va plus, trouducu. Si l’un est l’autre, où est passée la définition (voir le livre d’Elisabeth Badinter, justement intitulé L’un est l’autre) ? Fini, a pu, la définition. Parce que, s’il est vrai qu’il y a de « l’un dans l’autre », il est terriblement faux de soutenir que « l’un est l’autre », autre façon de soutenir que « tout est dans tout ».

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L’amorce d’un débat au sujet de la définition survient-elle ? C’en est fini de la belle homogénéité, de la sainte unanimité, de la bienheureuse harmonie, du consensus universel. Soyons clair et net :

 

« Kaput, la définition = kaput, le sens ».

 

Qu’est-ce qui n’est pas de l’art ? Plus personne ne sait. Si tout son est « musical », tout matériau et tout geste « artistique », tout mot « littéraire », on ne sait plus à quel saint se vouer, parce que, des saints, il n’y en a plus. Faut-il les faire revenir pour autant ?

 

La définition a quelque chose à voir avec la notion d’immunité : la défense immunitaire d’un « soi » se met en route dès lors qu’elle repère un « non-soi » qui s’approche dangereusement. La définition, c’est la même chose. Elle dit : « Ceci est … / Ceci n’est pas … ».

 

Notons en passant que l’agonie de la définition coïncide (très grosso et surtout très modo) avec l’apparition du SIDA, qui est précisément une maladie de l’immunité. Il y a de la contamination dans l'air. Un contamination de ce qu'il y a d'humain dans l'homme. Sale temps pour la planète humaine.

 

Curieux endroit, pour parler du SIDA, vous ne trouvez pas ?

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

mardi, 12 juin 2012

POROSITE, DISSOLUTION

Résumé : les parois entre les mots, entre les choses, ne sont plus étanches, ont perdu en consistance, en densité. Elles sont devenues POREUSES. Cela vaut pour la catégorie du temps. Cela vaut aussi pour d'autres catégories.

 

 

Vous en voulez encore un, d’exemple de la POROSITÉ qui nous gouverne ? Après le temps qui n’est plus le temps qui passe, mais celui qui devrait ne jamais passer ou être déjà passé depuis lurette, voici l’espace, je veux dire la négation de l’espace, et plus particulièrement de la distance. A quoi sert cette terrible trouvaille qu'est le téléphone portable ? L’iphone ? Le smartphone ? Le lecteur MP3 ? Mais ça sert tout simplement à ne pas être là où l’on est. De même que la fillette est la femme, l’ici est l’ailleurs. Le temps est sans être. L’espace existe sans exister.

 

 

Ce n’est pas que ça donne l’ubiquité, ça non. C’est juste un paradoxe : l’individu n’est pas où il est. Vous ne trouvez pas intolérable et humiliant, d’être attablé avec un copain, et d’assister au spectacle du copain parti, par la magie de son portable, très loin de vous, dans un ailleurs inaccessible, aussi longtemps qu’il le voudra ? Je trouve ça inamical, voire méprisant. Le téléphone portable réalise le paradoxe en nous permettant de vivre dans l'oxymore.

 

 

La POROSITÉ qui nous gouverne se situe au cœur du verbe être, qui instaure un signe d’équivalence absolue entre ce qui est devant et ce qui vient derrière. Regardez le monde changer de planète, entre le film de 1966 (Un Homme et une femme, CLAUDE LELOUCH), et le film de 1998 (L’Homme est une femme comme les autres, JEAN-JACQUES ZILBERMANN). Je ne parle évidemment que des titres, qui sont avant tout des symptômes.

 

 

Voyez la magie opérée par le passage de la copule (si, si, c'est le mot juste) de coordination et à l’affirmation de l’identité des contraires, par la simple magie du verbe être. N’attendez pas maintenant de moi que je me lance dans une nouvelle diatribe contre les fanatiques qui voudraient bien substituer je ne sais quel « genre » à mon sexe.

 

 

Si vous insistez, je veux bien envisager de faire un effort. En attendant, je me contenterai de redire quelques mots à ces intégristes. Ils voudraient bien convaincre le monde que l’homme est un être 100 % « culturel », intégralement et de A à Z façonné par ses seuls acquis. Que l’homme ne contient plus la moindre parcelle de « nature » innée, sorte d'impureté, de scorie, de déchet qui pourraient lui rester attachés (pour traduire : son sexe physique, anatomique).

 

 

Les adeptes du GENRE voudraient bien que soit réalisé le voeu de BAUDELAIRE, qui faisait de la Nature la matrice de tout le Mal qui fût au monde : « ... la nature n'enseigne rien, ou presque rien, c'est-à-dire qu'elle contraint l'homme à dormir, à boire, à manger, et à se garantir, tant bien que mal, contre les hostilités de l'atmosphère. C'est elle aussi qui pousse l'homme à tuer son semblable, à le manger, à le séquestrer, à le torturer; car, sitôt que nous sortons de l'ordre des nécessités et des besoins pour entrer dans celui du luxe et des plaisirs, nous voyons que la nature ne peut conseiller que le crime. C'est cette infaillible nature qui a créé le parricide et l'anthropophagie, et mille autres abominations que la pudeur et la délicatesse nous empêchent de nommer ». Cela surprend ? C'est dans Le Peintre de la vie moderne. Sois désormais exaucé, CHARLES !

 

 

Au fond, les adeptes du GENRE ne sont que des ayatollahs à la sauce « moderne ». De plus, ils travaillent exactement à accélérer le processus dont je parle ici, le processus de cette POROSITÉ toujours plus marquée entre les contraires, à abolir le pouvoir discriminant de ce qu’on appelle des critères, donc à abolir ( = à interdire), en même temps que les différences, la possibilité du jugement.

 

 

Ils sont les victimes de graves attaques phobiques d’une urticaire morale virulente et géante dès que sonnent à leurs oreilles les mots de « limite », « démarcation », « seuil », « frontière », « cloisonnement », « compartimentation », « séparation », « distinction », etc. En revanche (nonobstant et subséquemment, gendarme Mirliflore), ils se retrouvent à l’aise et baignent dans leur jus quand ils croisent L’Un est l’autre (notez le verbe être), ouvrage bien connu d’ELISABETH BADINTER (1986).

 

 

La logique qui est à l’œuvre dans leur raisonnement est : « Tout est dans tout et réciproquement, parce que tout découle d’une construction sociale, donc d’un arbitraire insupportable qu’il s’agit d’urgence de déconstruire, à commencer par le carcan de l'identité et de la différence sexuelles ». N’est-ce pas, que j’ai bien résumé les thèses de JUDITH BUTLER ? Presque pas de caricature.

 

 

La toile de fond, l’horizon de cette pensée « genriste » (qui n'est qu'une idéologie, une doctrine) n’est rien d’autre que l’homme 100 % artificiel, une « humanité de synthèse », en quelque sorte. Je signale que le grand romancier MICHEL HOUELLEBECQ n’a pas peint un autre tableau quand il a publié Les Particules élémentaires (1998), avec son projet d’espèce humaine génétiquement modifiée et contrôlée, dès lors débarrassée du sentiment, de l’affectivité, et donc inaccessible à toute souffrance morale ou psychologique.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

Allez, vous en reprendrez bien une louche ?