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mercredi, 07 novembre 2012

VOUS AVEZ DIT BIOGRAPHIE ? (3)

Pensée du jour :

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"SOUPIRAIL" N°8

 

« Nous vivons une époque tragique. Et même sérieuse ».

 

ALEXANDRE VIALATTE

 

 

Résumé : je supporte de lire ce qu’écrivent des spécialistes en sciences humaines à condition qu’ils se donnent la peine de traduire leur haut savoir dans une langue lisible, et même de bonne ambition littéraire, voire qu’on puisse considérer comme de la littérature. Et c’est possible. FREUD (c’est traduit, mais …), pour la psychanalyse, le montre bien, et après lui des gens comme DIDIER ANZIEU, MAUD MANNONI, … Dans d’autres domaines, CLAUDE LEVI-STRAUSS est un véritable écrivain, JEAN-PIERRE VERNANT aussi, d’autres …

 

 

Un autre ouvrage m’a marqué de son empreinte : L’Auto-analyse de Freud, sous-titré et la découverte de la psychanalyse (Presses Universitaires de France, éditions de 1975, 752 pages à lire, mais la lecture est très facile, si l’on excepte la doctrine psychanalytique). L’auteur est DIDIER ANZIEU, cité ci-dessus.

 

 

Le livre constitue sa thèse de doctorat ès lettres soutenue à la Sorbonne. Je soutiens l’idée que ce livre constitue une base culturelle de l’Occident, parce qu’en racontant comment l’inconscient est devenu « incontournable », il établit au moins un tiers des points de repère de la « modernité ».

 

 

Et vous allez voir qu’avec ANZIEU, on se rapproche de JACQUES LACAN, quoi de façon étonnante, comme je l’ai appris dans la biographie qu’ELISABETH ROUDINESCO consacre à ce dernier. Vous voyez que je ne perds pas mon fil. Car je parlerai de JACQUES LACAN. Qu’on se le dise. « Un de plus », diront les connaisseurs. Mais c’est juste pour ajouter mon grain de sel de spectateur profane.

 

 

Ce bouquin d’ANZIEU, comme je l’ai lu il y a longtemps, je ne m’y attarderai guère. L’auteur y montre, de façon terriblement savante et détaillée, comment les concepts freudiens se mettent peu à peu en place, comment ils s’agencent, s’échafaudent et s’enchaînent jusqu’en 1900-1902, époque de publication de L’Interprétation des rêves, jusqu’à former un corps de doctrine à peu près cohérent, même s’il ne cessera d’évoluer au cours du temps, du vivant même de FREUD, donnant par là du grain à moudre à tous les disciples, à tous les renégats (qui furent souvent les mêmes), à tous les captateurs d’héritages et autres fondateurs de sectes.

 

 

Je me rappelle qu’ANZIEU insiste beaucoup sur l’analyse que FREUD élabore à partir d’un de ses propres rêves : « L’injection faite à Irma ». Le récit tient sur une page entière, et son analyse remplit un plein chapitre, alors je ne vais pas entrer dans les détails. Ce que je peux dire, c’est qu’ANZIEU parvient à rendre compte de ce qu’il appelle la « découverte » de la psychanalyse en mettant celle-ci à la portée, sans doute pas du grand public, disons au moins de la personne qui décide de s’y plonger, sans rien céder sur l’exactitude des notions et concepts.

 

 

J’avoue que j’ai été « bluffé » (comme on dit volontiers aujourd’hui) par la performance de monsieur DIDIER ANZIEU.

 

 

C’est cette même capacité du savant de s’adresser à un public, tout en restant rigoureux dans sa discipline, qui m’a fait plonger dans les Cinq psychanalyses de SIGMUND FREUD en personne. Comme ailleurs, ce que j’apprécie ici, c’est la capacité d’un maître à asseoir des bases théoriques sur un socle narratif. Le livre est trop connu pour que je me risque à ajouter ici un commentaire par avance nul et non avenu.

 

 

Je veux dire que, quand le psychanalyste condescend à se faire romancier, même si c’est pour du beurre et que tout ce qu’il raconte est scientifique et prouvé, le statut de ce qu’il écrit s’apparente au statut de la littérature et de la fiction romanesque.

 

 

Je signale en passant que MAUD MANNONI, citée ci-dessus, a écrit un livre dont le titre seul me ravit : La Théorie comme fiction. Bien qu’elle soit une lacanienne pur jus, je l’interprète pour mon compte comme un conseil à tous les théoriciens, d’avoir à montrer de la modestie quand ils élaborent leurs systèmes, et à considérer ceux-ci comme de simples détours narratifs n’excluant pas de faire appel à l’imaginaire.

 

 

Car on aura beau faire, il y a plus de vraie science de l’homme dans la littérature que dans tous les traités scientifiques de la Terre, du Ciel et des Planètes. Car la littérature, c’est de la Science destinée à l’Homme, et à personne d’autre, et ce n’est surtout pas une espèce de Statue en or massif que le public est prié d’admirer et d’adorer de loin, de derrière les barrières du langage que les spécialistes ont élevées. Il y a du Prométhée voleur de feu et bienfaiteur de l’humanité, chez le spécialiste qui accepte le détour littéraire de la fiction romanesque pour expliquer ce qu’il sait.

 

 

Je ne parle pas des petits clowns comme DENIS GUEDJ (Le Théorème du perroquet) ou JOSTEIN GAARDER (Le Monde de Sophie), tâcherons sans imaginaire ni imagination qui tissent à la diable un semblant de roman pour vulgariser, l’un l’histoire des mathématiques (GUEDJ), l’autre la philosophie (GAARDER), quel que soit à l’arrivée le succès de leur livre.

 

 

Dans les deux cas, l’intrigue, sorte de squelette laissé par l’être vivant après sa mort, est simplement posée sur le contenu, sorte de viande synthétique censée faire office de substance nourricière. Mais ce genre de livre ne tient pas debout.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.