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jeudi, 14 mars 2013

MON DERNIER VISAGE APRES LA VIE ?

 

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CHARLES TRIPP & ELIE BOWEN, LE MANCHOT ET L'HOMME-TRONC, DANS LEUR CELEBRE NUMERO

 

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MASQUE MORTUAIRE DE GIOVANNA GASSION, DITE EDITH PIAF, MOULÉ PAR EDWARD A. MINAZZOLI, QUI A AUSSI MOULÉ LA MAIN D'YVONNE CASADESUS

 

Peut-on encore se fier à ces artistes – le plus souvent des sculpteurs – quand ils sont appelés au lit de mort d’une célébrité pour prélever, sur son visage encore intact, comme son identité exclusive, le moulage de ses traits tels que la mort les a figés ?

 

Les morts, c’est l’affaire des vivants. Les « dernières volontés », qu’est-ce que c’est, à tout prendre ? Une concession généreuse de ceux qui restent à quelqu’un qui n’est plus en mesure de formuler quelque volonté que ce soit. Enfin, c’est aussi le dernier moyen qu’a le futur mort de déclencher la guerre ou la paix entre les héritiers présomptifs, mais ça c’est de la satisfaction imaginaire autorisée par la loi, puisque ça précède le grand saut, et que le juge est là pour la faire admettre.

 

Maintenant, le visage du mort, tel qu’il est rendu par le moulage prélevé par un spécialiste juste après le décès ? Normalement, il est incontestable, n’est-ce pas ? Et comme un plâtre est reproductible en nombre, on imagine bien qu’une copie ne saurait être qu’identique à la suivante et à la précédente, comme le voudrait le bon sens.

 

INCONNUE 5.jpgEh bien il n’en est rien. Certes, la règle veut, pour commencer, que le masque ne soit exécuté que pour conserver les derniers traits d’une personne considérable. Mais regardez l’un des masques reproduits à un nombre absolument faramineux d’exemplaires, puisqu’il ornait les murs de tous les ateliers d’étudiants aux Beaux-arts parisiens du 19ème siècle : on l’appelle « L’Inconnue de la Seine », car on ne sait même pas le nom de la noyée. La paix souriante dans laquelle tout le visage baigne a quelque chose d'impressionnant. Comme la fille est jolie, son masque mortuaire n'a pas subi d' "améliorations". Une inconnue, c’est normal : pas d’héritiers, pas de connaissances, pas d’enjeux, rien à embellir.

 

NAPOLEON I 1 BONAPARTE.jpgPrenez maintenant Napoléon : son masque mortuaire le plus courant est d’une grande beauté, montrant un visage fin, presque émacié (ci-dessous). Mais on en trouve un autre, sous ce même nom de Napoléon, et alors là, pardon, mais ce n’est plus le même homme : la figure est grasse, presque bouffie (ci-contre), sans doute plus proche de la vérité du relégué de Sainte Hélène. Quel est le vrai masque, demande alors le ’pataphysicien ?NAPOLEON I 7.jpg

 

Comme le dit Alfred Jarry quelque part, parlant des personnages chez Henri de Régnier : « Que chaque héros traîne après soi son décor (...), cela prouve, sans plus, que l'auteur a retourné ses créatures et mis leur âme en dehors ». Et plus loin : « Et si les personnages se montrent à nous par leurs masques, n’oublions pas que personnage n’a pas d’autre sens que masque, et que c’est le "faux visage" qui est le vrai puisqu’il est le personnel » (La Plume, 1er avril 1903). On ne saurait mieux dire. Entre « faux visage » et « vrai masque », donc, mon cœur balance.

 

LISZT 1 FERENC.jpgLES VERRUES DE FRANZ LISZT - La même aventure touche le grand Franz Liszt : surLISZT 2.jpg l’un, il est affligé de deux verrues "historiques", sur l’autre, un chirurgien bienveillant et habile semble être passé par là avant le moment fatidique, puisqu’il en est soudain débarrassé. Pourtant, au sujet de ses verrues, sur plusieurs portraits photographiques, le musicien  semble, sinon fier, du moins accoutumé. On notera cependant le curieux emplacement de la verrue supérieure, au sommet du nez sur la photo, alors qu'elle se situe en plein front sur le masque. On dira que Liszt avait la "verrue baladeuse". Pardon, maestro.LISZT 5.jpg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

ROBESPIERRE 1 MAXIMILIEN.jpgEt quel est le vrai Robespierre mort ? L’homme auROBESPIERRE 2.jpg visage pacifié, presque heureux ? Ou cet autre à la mine sombre ? Je me perds en conjectures. On sait que Robespierre s’est tiré une balle dans la mâchoire quand on est venu l’arrêter : il m’étonnerait fort qu’il eût encore les joues bien lisses quand on lui a décollé la tête du reste du corps le soir du 9 Thermidor.

 

Voilà ce que je dis, moi.