jeudi, 16 juillet 2015
BANDE DESSINÉE : GOLO & FRANK
FEUILLETON GREC
L'Europe institutionnelle, l'Europe des Traités est, face à la Grèce, en train de faire du plagiat. Le trio allemand Schäuble-Gabriel-Merkel, la folie guerrière en moins (quoique ...), est une réplique du trio néo-conservateur de sinistre mémoire, Bush-Cheney-Rumsfeld (n'oublions pas Wolfowitz), à qui nous devons le chaos actuel au moyen Orient. Il est à craindre que la folie bureaucratique de Schäuble-Gabriel-Merkel aboutisse, en Grèce et en Europe, au même genre d'instabilité généralisée, avec tous les risques que cela comporte. Même l'ultralibéral FMI supplie les instances européennes d'annuler une partie de la dette grecque, c'est dire ! C'est au trio allemand que nous devrons les conséquences de ce fanatisme. Apprêtons-nous à dire : « Merci pour tout ! ». Je voudrais savoir en quoi la privatisation à tout va des biens publics grecs doit être considérée comme LE remède miracle.
Ne pas oublier que la marque Merkel fabrique des fusils de chasse.
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Dans le monde de la bande dessinée, il y a les majestés souveraines, dont la statue équestre en bronze doré trône définitivement sur un piédestal de marbre noir (et dont la cote BDM interdit aux bourses plates l’accès aux éditions originales). Je parle évidemment des phares : Hergé, Franquin, Jacobs, Pratt, et quelques autres. Mais il y a aussi des « petits maîtres » tout à fait singuliers et tout à fait intéressants.
En peinture, en musique, on dira la même chose : à côté des Everest qui ont nom Rembrandt ou Delacroix, il y a, par exemple, le sympathique Monticelli, le peintre marseillais. Dans la bande dessinée, et je regrette qu’ils n’aient pas davantage produit, j’ai un penchant pour un tandem qui a fait parler de lui dans les années 1980 : celui qui tient le crayon s’appelle Golo, la plume est tenue par Frank.
Pour la couleur du récit, on reste résolument dans le noir, le crade. Peu de chose permet de différencier le voyou du flic. Tout se passe entre les appétits de pouvoir et d’argent et les bas-fonds plus ou moins glauques (Brassens dirait « interlopes », quoiqu’il chante : « … et non dans un chou, comme ces gens plus ou moins louches »). Il y a des prolos, des arabes, des putes, des travestis, des mauvais garçons, des drogués, bref : une faune peu reluisante.
Pour le dessin, le trait ressemble au contenu : il est sale à souhait, bien qu’il faille le rattacher à l’école de la ligne claire. Les contrastes sont accusés. Les traits des personnages sont découpés à la hache, au risque parfois de tomber dans la caricature des caractérologies de l’ancien temps, vous savez, Louis XVI décrit comme NENAS, traduction « Non Emotif, Non Actif, Secondaire », et toutes les salades du même acabit.
Par exemple, l’un des deux tueurs, dans Les Noces d’argot, un gras chauve balourd, s’il est doté d’un psychisme rudimentaire, ça ne l’empêche pas d’être un vrai méchant, même s’il se trouve sous la coupe du petit teigneux qui mène la chasse. Il y a aussi des allumés prêts à tout pour obéir au chef de je ne sais plus quelle Eglise universelle, mais qui se font dégommer par les précédents. Il y a aussi un bâton sur lequel est gravée une formule secrète : « Aura clausa patent » (L’or ouvre ce qui est fermé). L’histoire avait commencé à paraître dans Charlie mensuel.
Mais que Golo et Frank me pardonnent : ma préférence ne va pas aux trois épisodes des Noces d’argot (Dargaud éditeur, that’s a joke ?). Ils n’avaient qu’à ne pas commettre deux chefs d’œuvre : Ballades pour un voyou (1983) et La Variante du dragon (1989, d’abord publié dans la revue A Suivre).
Le premier raconte une arnaque à l’assurance, montée par Jeannot (qui sort de taule) et sa petite bande. L’idée qui rend le livre mémorable a été de truffer le récit d’évocations de chansons populaires qui parlent de la débine, des voyous, de la prostitution, de la révolte, de l’amour, etc. Le scénario se paie le luxe de rester à l’arrière-plan. L’avant-scène est occupé par les personnages, je devrais dire les « figures », voire les trognes, les trombines, les caractères, tous typés de façon presque brutale.
Trois camps s’affrontent, dont deux sont liés : la bande de blousons noirs aux insignes nazis qui tient les murs du café « Chez Riton », à qui il arrive de « travailler » pour Frankel, un juif antipathique dont la vitrine – le restaurant « Mittel Europa » – dissimule des affaires louches. Il « mouche à la pèlerine », c’est-à-dire qu’il est « protégé » par la commissaire Castagne, Marie-Aurore de son prénom. Drôle de couple, qui se livre à l’occasion à des jeux sado-maso, où la commissaire tient le fouet. Et elle chante la Marseillaise au moment où son doigt déclenche l’orgasme.
Boris, le yiddish, quand il se fâche vraiment.
Face à la bande de loubards et aux flics « ripoux », la bande de copains réunie autour de Jeannot. Il y a sa copine Babet, Vlad, qui trouve le coup à faire, et puis surtout, il y a Boris, juif de même origine que Frankel, qu’il fait chanter à l’occasion, parce qu’il en sait long sur lui. Il vous taille un faux diamant plus vrai que le vrai. Et il a la rancune aussi tenace que le culot. Ce personnage est la vraie trouvaille de ce récit, qui finit par une petite scène de guerre urbaine, où Boris tire sur les flics, avant de se jeter du toit de l’immeuble.
L’idée géniale qui dirige l’action dans La Variante du dragon (qui fait allusion à la « défense sicilienne », pour les connaisseurs) est d'organiser le récit sur le modèle d'une partie d'échecs. Pas n’importe laquelle : celle disputée au 16ème siècle par un certain Paolo Boï, qui a, paraît-il, gagné pas mal d’argent grâce à sa maîtrise du jeu d’échecs. Une partie où il aurait joué, dit-on, contre le diable, à cause d’un coup incompréhensible, qui donne la victoire à celui qui se croyait vaincu.
Sainte-Croix est la tête pensante et le financier d’un vaste réseau de trafic d’héroïne. A son service, le commissaire Sissa est l’ordonnateur exécutif de la chose. D’autres personnages importants gravitent autour de ces deux-là : Won Ton Charlie, qui représente les fournisseurs de came, Andréani, Catherine, Chérif, Bigaille, Tonton et Tonton, Fianchetto. A noter que Golo a donné à Sainte-Croix la belle gueule de crapaud difforme de Jean-Paul Sartre, quand il finissait sa vie en grenouille tombée accidentellement du bénitier. De tels détails réjouissent le cœur de l'homme.
Tous ces jolis cocos ont un gros souci : un petit malin s’est glissé dans le réseau et détourne à son profit toute la came, et le pognon qui va avec. Ce petit malin s’appelle Vétiver, parce qu’il a l’habitude de se parfumer à cette essence : « … un mec qui se fait des couilles en or … avec une idée, mais brillante ! ».
Là-dessus, quinze ans après avoir quitté la place, débarque son ancienne connaissance, Evereste Puig, qui a purgé quelque part une peine dans un bagne pour on ne saura trop quelle raison, et qui a besoin de se refaire une santé. L’avantage, c’est qu’il y est devenu redoutable aux échecs. Malheureusement, il va tomber raide dingue amoureux de Catherine, face à qui il a été obligé de coucher son roi.
Entre la drogue et les drogués, l’histoire navigue violemment d’un meurtre à l’autre, au rythme où pions et pièces se font prendre au cours de la partie. Tout est crade et impitoyable dans ce chaudron. L’histoire finit dans un bain de mort, où les moins mauvais s’en sortent.
C'est presque une morale. Pas tout à fait quand même.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, golo et frank, ballades pour un voyou, la variante du dragon, défense sicilienne, jeu d'échecs, l'homme à la tête de sphinx, la terre du limon noir, georges brassens, bdm, les noces d'argot, revue à suivre, mittel europa, drogue, narcotrafic, flics ripoux, jean-paul sartre