Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

mardi, 15 janvier 2019

HOUELLEBECQ

Ou : comment Houellebecq affole les boussoles des gens les plus savants.

HR 2019 SEROTONINE.jpg

Oui : une belle ânerie.

Je n'ai pas retenu le nom de la personne qui a prononcé cette phrase (voir ci-dessous), mais c'était sur France Culture, vendredi 11. J'ai écouté le début d'une émission Du grain à moudre, consacrée aux commentaires sur des livres tout juste parus. Le livre de Michel Houellebecq faisait partie du lot. Tous ces braves gens s'en donnaient à cœur joie pour éviter d'éreinter Sérotonine. Etant entendu, sans doute, que ce n'est plus possible, sous peine de passer pour le dernier des Mohicans. Ils ont donc fait chauffer leurs intellects à feu vif (je ne sais pas à quelle température) pour contourner la difficulté et pour fournir du commentaire qui, tout en débinant l'objet du débat, ait l'air d'être un peu pensé, voire intelligent et profond. Parmi toutes les remarques soigneusement pesées déversées par les personnes présentes, voici la phrase que j'ai retenue  :

« Michel Houellebecq n'a pas un regard sur le monde et sur la société : il met en forme le discours que la France tient sur elle-même. » (presque textuellement, en tout cas l'essentiel est là)

Cette phrase résume à elle seule, selon moi, les souffrances que le phénomène Houellebecq inflige à l'armée des doctes hexagonaux qui, humiliés par le succès international des ouvrages du monsieur, dépensent des trésors d'imagination pour en réduire la portée littéraire et intellectuelle. Puisqu'on ne peut pas s'en prendre frontalement à la vision "pessimiste" qui se dégage de ses livres, efforçons-nous de relativiser la chose et, pour tout dire, de la minimiser. N'affichons pas d'emblée notre haine de l'événement que constitue en soi désormais la parution d'un "roman-de-Houellebecq", et faisons-lui payer cher le fait qu'il nous oblige à parler de lui. C'est incroyable, le nombre de gens qui ne pardonnent pas à Houellebecq d'être ce qu'il est.

Que signifie la phrase ci-dessus, en définitive ? Elle signifie que les lunettes de celui qui l'a prononcée sont fabriquées pour faire Houellebecq plus petit que ce qu'une foule de niais irresponsables prétendent qu'il est. S'il ne fait que mettre en forme l'air et la rumeur du temps, vous parlez d'un "grand écrivain" ! Dénier à Houellebecq tout "regard sur le monde", c'est le ramener à des hauteurs plus humaines, plus à portée de nous autres, nains, médiocres et lilliputiens.

La subtilité malveillante, le venin astucieux et le fiel malin déployés dans cette phrase me paraissent illustrer à merveille le marécage dans lequel pataugent les savantasses français, universitaires ou non, qui proposent à longueur de médias analyses complexes, considérations documentées et raisonnements chantournés supposés nous permettre de "penser le monde", et dont la plupart, tout compte fait, se contentent de bonimenter du concept pour justifier leur salaire et leur utilité.  

Je n'en veux pour preuve que l'ingéniosité déployée par tous les débatteurs lus et entendus depuis deux mois à propos des "gilets jaunes", pour en appeler à la "responsabilité républicaine" et au "dialogue constructif". Ils se tortillent le croupion de la cervelle pour éviter de nommer le Mal qui ronge l'âme et le corps des sociétés occidentales, et qui s'appelle injustice, accaparement des richesses par un tout petit nombre, privatisation et marchandisation de tout, abandon des masses par des élites de plus en plus intelligentes et conscientes de l'être. Ces élites sont finalement de plus en plus bornées et retranchées dans des univers de mots, de signes, de représentations abstraites, pendant que les gens ordinaires se cognent de plus en plus fort, et se font de plus en plus mal sur le granit de la réalité concrète que les gens qui tiennent les manettes leur fabriquent jour après jour.

Je ne sais pas si c'est le même quidam qui, dans le feu de la conversation, a traité Plateforme de "roman de gare complètement raté", mais si c'est lui, je me contenterai de dire qu'il cumule. Tiens, ça me donnerait presque envie de republier l'intégralité des billets que j'ai consacrés à Houellebecq depuis 2011.

1 - La Carte et le territoire ....

2 - La Carte et le territoire ...

3 - La Carte et le territoire ...

4 - La Carte et le territoire ...

5 - Philippe Muray chez Michel Houellebecq ...

Je précise que je n'ai pas encore ouvert Sérotonine, et pour une raison bête : pas le temps. Pour lire, j'ai besoin de me poser dans un coin tranquille jusqu'à consommation complète. Ce que je peux déjà dire, c'est que les six autres romans de l'auteur me paraissent toujours ce que j'ai lu de plus captivant dans tout ce qui se pare des plumes de la littérature dans la France d'aujourd'hui. 

Les commentaires sont fermés.