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dimanche, 04 janvier 2015

LEGION D'HONNEUR

Ainsi, monsieur Thomas Piketty, économiste à la renommée désormais mondiale grâce à son pavé Le Capital au XXI° siècle vendu à des tonnes (1144 grammes l'exemplaire), défraie la chronique et affole les gazettes parce qu’il ose refuser la faveur et la grâce qui lui sont faites par les plus hautes autorités de l’Etat !

 

Le Monde va jusqu'à lui faire l'honneur d'un article, parce qu’il se permet d'opposer le hautain orgueil de son front solitaire à la veulerie du troupeau des têtes courbées des moutons qui jouent des coudes pour monter dans la bétaillère de Noël de la Légion d’Honneur (691 - attention aux termes ! - nominations, promotions et élévations, il en faut pour tout le monde, prenez votre ticket) ! C'est que monsieur Thomas Piketty n'est pas n'importe qui : s'il n'en reste qu'un, il sera celui-là.

 

thomas piketty,légion d'honneurJe reste stupéfait devant l’incroyable appétit d’une foule avide de gens médiocres et sans honneur, empressés à faire des courbettes dans les bureaux des ministres, des puissants et des influents dans l’espoir de pouvoir bientôt avoir la vanité de se pavaner enrubannés de rouge, pour des mérites, soyons clair, qu'il faut avoir un œil d'aigle pour apercevoir, dans la plupart des cas.

 

Disons, pour être encore plus clair, que ceux qui la méritent vraiment font figure d’exceptions. Et que beaucoup de ceux qui mériteraient la Légion d’Honneur ne l’auront jamais. Et l’on prétend qu’elle n’est pas accordée à la demande des intéressés. Mais ceux qui la font à leur place, j’appelle ça des prête-noms. Hommes de paille si vous voulez.

 

Je me rends d’ailleurs compte que ma sympathie va très spontanémentthomas piketty,légion d'honneur à des gens qui ne lient pas leur bonheur et le souci de leur dignité à la possession de quelque hochet que ce soit et qui, logiques avec eux-mêmes, n’accepteraient pour rien au monde qu’on les force à jouer avec.

 

Les pauvres gens qui se vautrent dans l’enfantillage (celui qui préside toujours à la course aux honneurs) me font invariablement l’effet de pitoyables pantins. De gnomes prosternés. De larves implorantes. Il fut un temps où la liste intégrale des récipiendaires était publiée dans la presse. Combien de fois n'ai-je pas sauté au plafond, en y découvrant des noms capables d'enduire d'une couche épaisse et gluante de grotesque l'institution tout entière ?

 

Je constate en passant que les rares individus un peu connus qui ont manifesté en public (après leur nomination, s'il vous plaît !) leur répugnance à se laisser accrocher la médaille sont des gens pour lesquels j’éprouvais déjà une estime, à cause d’une certaine rectitude de leur trajectoire et d'une cohérence morale à toute épreuve.

 

Par exemple, j’apprécie grandement qu’un Jacques Tardi ait refusé d’être fait chevalier, tant la virulence de sa dénonciation des horreurs de 14-18 et de la bêtise criminelle de certains hauts gradés annonçait sa décision. Il fallait tout ignorer de son œuvre pour croire un seul instant qu’il allait se sentir honoré de cet « honneur ». Je dis quand même : « Chapeau, monsieur Tardi ! ».

 

thomas piketty,légion d'honneurAu sortir de la guerre de 39-45, je connais aussi un homme qui a refusé la décoration, quoique pour une raison un peu différente. Voyant, dans le même train de nominations que celui où il figurait, le nom de quelques personnes dont le comportement pendant toute la durée des hostilités n'avait aucun secret pour lui, son sang n’a fait qu’un tour : à quoi rimait la comédie, s’il était mis dans le même sac que des fripouilles, lui qui savait ce qu’il avait fait et risqué ? De dégoût, il a envoyé tout ce beau monde paître. J’appelle ça le sens de l’honneur.

 

J’ai aussi connu un homme qui est mort bardé d’honneurs (Grand Officier, Croix de Guerre 14-18, Croix de Guerre 39-45), mais lui, il connaissait par cœur le sifflement des balles et la mort possible au prochain tournant. Le coup de feu, il l’avait fait. Et plutôt deux fois qu’une. Pour la patrie. On peut dire que ça, oui, ça a vraiment de la gueule. J'appelle ça la preuve par l'exemple.

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Mais c’est parler d'un autre monde.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note sur les illustrations : le nombre des versions de la médaille qui ont vu le jour depuis 1802 est incalculable. Comme les photos ci-dessus en esquissent à peine la démonstration.

 

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