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lundi, 04 mars 2013

LE DERNIER FRED ?

 

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ROSA & JOSEPHA BLAZEK, LES "SOEURS SIAMOISES"

 

***

Parmi les inventions qui me reviennent en mémoire (mes albums sont je ne sais où), je me souviens que, pour passer d’un monde à l’autre, dans les deux sens, à chaque fois ou presque, le moyen varie, faisant parfois intervenir l’oncle Félicien qui, contrairement au père de Philémon, esprit buté et primaire, semble connaître tous les mystères de cette histoire. Comme chacun sait, le père de Philémon est un être profondément fruste, primaire, vaguement prognathe et quasiment néandertalien. Bien des gens vous le diront.

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LE MANU-MANU MILITARI

 

Il me revient aussi le « Manu-manu Militari », trouvaille extraordinaire ; un bateau merveilleux (un bateau ivre, évidemment, piloté par un certain Arthur Imbô) ; les rouleurs de la mer ; le charmeur de mirages (car Simbabbad de Batbad est un mirage qui ne saurait apparaître qu’à ceux qui croient aux mirages).

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LES ROULEURS DE LA MER

 

Soit dit par parenthèse, je croyais que le 3èmeprénom de Fred était Wilfrid. Je dis ça sur la foi des enquêtes du commissaire Bougret, admirables parodies policières dessinées par Gotlib, où l’un des deux suspects (toujours innocenté) est annoncé dans le bureau (par un inspecteur Charolles à la tête de Gotlib en personne) sous le nom de Aristidès Othon Frédéric Wilfrid, alors que le coupable est toujours Blondeaux Georges Jacques Babylas et qu’il a la tête de Goscinny (Georges Blondeaux, on se doute que c’est un autre copain de la bande, Gébé, et c’est sa tête que Gotlib a donnée au commissaire, j’espère que vous suivez). 

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FRED ARISTIDÈS REFUSE DE SERRER LA MAIN DE BOUGRET, ALIAS GÉBÉ

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BLONDEAUX-GOSCINNY (LE COUPABLE) SALUE LE COMMISSAIRE BOUGRET-GÉBÉ 

J’arrête, ça nous entraînerait trop loin. C’est dommage, parce que j’allais parler du « Matou matheux », un bel et délirant hommage de Gotlib à l’univers de Fred, histoire dans laquelle celui-ci a dix secondes pour trouver l’âge du capitaine Capitaine (sic !), pour aider l’élève Chaprot dans son exercice de calcul mental.

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J’allais aussi faire un sort à une double page de Gotlib (texte) et Gir (dessin fantastique, p. 462-463 de l’intégrale Rubrique-à-brac) pour illustrer une phrase coutumière (?) de Fred (et célébrissime à Pilote) : « Le fond de l’air est frais », et qui, partant sur l’expression « Un pauvre hère », aboutissait à la moralité : « Le fond de l’hère effraie ». Petites plaisanteries entre amis, qui évoquent (de loin) Comment j'ai écrit certains de mes livres, du grand et méconnu Raymond Roussel.

 

Puisque je me suis interdit toute digression, je reviens au dernier tome de la série des Philémon, dont la bande de couverture annonce : « L’ultime voyage de Philémon, le chef d’œuvre de Fred ». Le titre ? « Le Train où vont les choses ... ». 

 

Sous le regard placide de deux corbeaux, une nouvelle histoire commence (« C’est pas trop tôt », dit l’un d’eux), avec une « lokoapattes », conduite par un Joachim Bougon portant bien son nom, et qui marche à la « vapeur d’imagination ». Bougon n’est pas très bon conducteur : s’étant endormi à son poste, la lokoapattes est sortie du tunnel imaginaire pour s’embourber dans un marais. Il s’agit de rentrer à la maison. 

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Oncle Félicien, comme souvent, donne la solution : « Mais pour trouver l’entrée du tunnel imaginaire, monsieur Bougon, il suffit de l’imaginer, c’est tout simple, quoi ! ». Après diverses péripéties, dont un passage chez une araignée du soir chagrin redevenue araignée du matin espoir (elle a perdu son dictionnaire de rimes), Bougon prononce la phrase fatidique : « Je sens le frais du fond de l’air au fond ». On approche de la fin (à tout point de vue). L’histoire est courte (pas 40 pages, dont sept empruntées au premier de la série). L’album est excellent, mais …

 

 

Cette suspension pour me permettre de revenir à mon Chevalier Ardent du début : de même que Les Murs qui saignent, Le train où vont les choses … (quels beaux titres !) serre le cœur, et de façon moins détournée, plus poignante que l’album de Craenhals.

 

 

photographie,monstres,freaks,soeurs siamoises,blazek,fred,bande dessinée,pilote,philémon,gotlib,commissaire bougret,rubrique à brac,le train où vont les chosesVisiblement, Craenhals voulait en finir avec son roi Artus (« Un royaume pourri du dedans de votre âme », lui lance sa propre fille Gwendoline), mais il ne va pas jusqu’à le faire mourir, comme s’il reniait pour finir l’ensemble de l’aventure (trente ans tout de même). Comme s’il voulait effacer cette imposture. 

 

Fred lui, ne tergiverse pas, il envoie son héros au fond de la mer : on retourne carrément au tout début du premier épisode, mais cette fois, au fond de la mer au fond du puits, il n’y a plus d’île du A, plus de plage, plus de double soleil, plus de centaure Vendredi. Il n’y a plus que Philémon, auquel l’air vient à manquer : « De l'air ! De l'air ! ... ». Le reste (l'essentiel) n'est pas dit, mais suggéré. Cet album d’un grand poète de la bande dessinée a des parfums de Testament. Et ça me fait quelque chose.

 

Il y a un tas de raisons pour cela. Et un tas de raisons qui me font me féliciter que tout ceci ne soit que de la bande dessinée. Cela, j’y tiens beaucoup.

 

 

Monsieur Fred, merci pour tout.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.