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dimanche, 11 décembre 2016

ÇA FAISAIT DES BULBES …

Qui peut dire où vont les fleurs ?


Moignon d'amaryllis (non, pas ci-dessus !).

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Photographie Frédéric Chambe.

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PERMIS DE TUER

Il paraît que des féministes manifestent en ce moment, au nom de toutes les femmes, disent-elles, en faveur de Jacqueline Sauvage, meurtrière de son mari. Elles ont envoyé au chef de l'Etat (un certain François Hollande) une lettre dans laquelle elles lui réclament une grâce totale pour la condamnée. Hollande lui en avait déjà octroyé une, mais partielle. Cela ne suffit pas : les féministes veulent voir Jacqueline Sauvage sortir de prison séance tenante. Elles considèrent que la détention fait subir une injustice à toutes les femmes. On se demande où elles vont chercher ça.

C'est entendu, monsieur Sauvage était un sauvage. Pendant quarante ans il a battu sa femme Jacqueline, et j'imagine ce qu'il a fait à ses filles. Elle a enduré au-delà de ce qu'on peut se représenter. Au bout de quarante ans de souffrances, Jacqueline en a eu assez : elle a tué monsieur Sauvage.

Pour dire le vrai, je n'ai pas suivi le procès. Sur le peu d'informations dont je dispose, je ne peux que rester perplexe. Moi, ce qui m'impressionne, c'est cette expression : "quarante ans", qui revient en boucle. Je me dis que ce n'est pas très raisonnable de passer quarante ans auprès d'un mec violent et abusif. Quoi, Jacqueline Sauvage, en quarante ans, n'a pas eu un seul moment creux pour se plaindre à quelqu'un ? Une voisine ? Une assistante sociale ? Un employé de mairie ? Quoi ? En quarante ans, elle n'a pas eu une seule fois l'idée de pousser la porte d'un commissariat pour déposer une "main courante" ? Pour déposer plainte ? Qui peut croire ça ? Ce que je retiens, c'est que Jacqueline Sauvage, pendant quarante ans, a fermé sa gueule. C'est aussi simple que ça. Les sociologues et psychologues peuvent bien débarquer avec leurs explications, supputations et suppositions, ils n'excuseront rien. Entre comprendre et justifier, il y a un fossé que comblent allègrement les bonnes âmes militantes.

Car il reste qu'elle a tué son mari. Au bout de quarante ans. Moi, ce qui m'interpelle, c'est donc cette durée : quarante ans. Pourquoi ça ? Parce que c'est cette durée qui sert d'argument à un groupuscule de féministes pour introduire une demande de grâce totale auprès de la présidence de la République pour Jacqueline Sauvage. Qu'est-ce qu'elles demandent, ces femmes, en réalité ? Elles exigent que soit accordé un permis de tuer aux femmes qui ont fait l'erreur d'épouser un homme violent, un homme qui se venge sur elles, pendant quarante ans, des humiliations et frustrations que lui fait subir la société.

Ce qui me laisse tout effaré, c'est que, dans les éléments de langage des féministes qui poussent des hurlements de louves jusque dans les médias pour obtenir une grâce totale pour Jacqueline Sauvage, c'est ce "quarante ans" qu'elles utilisent comme argument pour faire valoir une "légitime défense" totalement imaginaire, une "légitime défense" qui exonérerait la condamnée de tout crime. Car on ne peut pas sortir de là : ce que Jacqueline Sauvage a commis s'appelle un crime. Que monsieur Sauvage ait commis des délits de violences sur sa femme ou sur ses filles, sans doute des crimes sexuels, ne change rien au fait qu'il est mort et que c'est sa femme qui l'a tué. A la limite, on pourrait reprocher à celle-ci une "non-dénonciation de crime", parce que quarante ans, cela s'appelle de la complicité. Je ne sais pas quels sont les arguments de l'accusation qui ont le plus porté, mais je me dis qu'un jury d'Assises a décidé de la condamner. Cela veut au moins dire que les débats n'ont pas tourné en sa faveur. Les féministes peuvent-elles tenir compte de ça ?

Qu'on le veuille ou non, il y a du consentement au mal dans le silence de quarante ans de Jacqueline Sauvage.

Voilà la cause ahurissante que défendent les féministes qui réclament la grâce totale pour Jacqueline Sauvage : il y a de l'appel au meurtre dans cette demande. Et si la grâce lui est accordée, bien des femmes risquent de se sentir autorisées à y voir un permis de tuer.