lundi, 29 juillet 2013
JOURNAL DES VOYAGES 15
Je suis en vacances jusqu'au 16 août, mais, pour ne pas laisser vacant tant d’espace disponible, mais le remplir de façon bien sentie, je me suis dit que la collection 1876-1899 du Journal des Voyages était parfaitement idoine. Puisse l’illustration quotidienne remplir l’office du poisson rouge quand on est seul et qu’on n’a personne à qui parler : on peut toujours s’adresser au bocal, à moins qu'on en verse l'eau du poisson dans le verre de pastis (ou le pastis dans l'eau du poisson, pourquoi pas ?). Il paraît que ça donne un goût intéressant.
Aujourd'hui un saut jusque dans les Amériques, avec les urubus au travail.
Malheureusement pour le Journal des Voyages, il se fait que les urubus sont des charognards à peu près exclusifs, or il faudra attendre un peu pour que le bonhomme soit passé à trépas, même si son acuité visuelle semble avoir brusquement baissé (c'était la même chose au gibet de Montfaucon, à l'époque de François Villon : « Pies, corbeaux nous ont les yeux cavés » (Ballade des pendus). Et vu l'état de sa rotule, son kiné a du boulot sur la planche.
LES VRAIS URUBUS DANS LEUR VRAI TRAVAIL
Soit dit en passant, je tremble encore qu'un ancien premier ministre,
lui-même un peu vautour, aurait pu porter le même prénom et le même nom que notre poète national : rendez-vous compte, il s'en est fallu d'une lettre, autrement dit, d'un cheveu. La poésie l'a échappé belle. Vous imaginez, vous, le premier des grands poètes français, s'il s'était appelé François Fillon ? Quelle honte hexagonale !
« Ma dernière parole soit
Quelques vers de Maître François !
Pardonnez-moi, Prince, si je
Suis foutrement moyenâgeux. »
Quelle injure pour François Villon, qui n'eût jamais envisagé de devenir un jour ministre ! Que le ciel et Georges Brassens réunis l'en préservent à jamais !
09:00 Publié dans DANS LES JOURNAUX | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vacances, journal des voyages, illustration, amériques, urubu, françois villon, ballade des pendus, montfaucon, françois fillon, moyen âge, georges brassens
mardi, 04 décembre 2012
IL Y A VRAIMENT DE QUOI FONDRE !
Pensée du jour :
CHARTRES
« L’erreur judiciaire est à la mode. On fait les procès des procès. On juge les juges et les jurys. On se passionne, on vibre, on s’indigne. On se donne bonne conscience à peu de frais. Il y a plaisir à jouer les redresseurs de torts. La vérité, c’est que c’est très amusant. Le plus respectable bourgeois aime à voir rosser le commissaire, et les enfants, dès le plus jeune âge, adorent jouer au gendarme et au voleur ».
ALEXANDRE VIALATTE
Juste un aperçu de la Mer de Glace en 1903 :
BOURREE A CRAQUER, LA MER DE GLACE A MAREE HAUTE
Et puis en 2000 :
ON NE M'ÔTERA PAS DE L'IDEE QUE C'EST MAREE BASSE
(20 mètres en épaisseur depuis 1950, mais à l'école aussi, c'est marée basse)
Il y a plus convaincant (toujours la Mer de Glace) :
Et ça n'a l'air de rien, vu devant l'écran d'ordinateur, mais on peut en dire autant du glacier des Bossons,
EN 1892 (c'est écrit dessus), IL S'ETALE.
...
AUJOURD'HUI, SANS COMMENTAIRE.
... et de quelques autres.
ET EN UN AN !!! ILS SONT TROP FORTS, LES SUISSES !
Mais les Africains ne font pas mieux, comme le montre le Kilimandjaro :
EN 7 ANS
Et le Groenland ? Pourquoi ça ne serait pas pareil ?
EN 10 ANS
Allez, un dernier pour la route :
1318 METRES (en longueur) EN 70 ANS (1900-1970)
Moralité : plus le climat se réchauffe, plus il y a d'alpinistes. C'est mathématique.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : gothique, moyen âge, architecture, cathédrale de chartres, alexandre vialatte, littérature, humour, montagne, mer de glace, glaciers, fonte des glaces, climat, climatologie, réchauffement climatique, glacier des bossons, suisse, kilimandjaro, groenland
mardi, 30 octobre 2012
MA PETITE HISTOIRE DE LA CURIOSITE (4)
Pensée du jour : « La femme est naturelle, c'est-à-dire abominable ».
CHARLES BAUDELAIRE
Longtemps considéré comme un gouffre obscur où la déesse Raison serait tombée après l’antiquité, et comme une parenthèse refermée à la « Renaissance », c’est précisément le méprisé moyen âge (6ème au 15ème siècle) qui a rendu possible cette dernière, à travers un énorme travail de brassage des connaissances, et leur constante et patiente mise à jour.
C’est probablement autour de l’an 1000 (j’ai oublié la date et l’heure exactes, pardonnez-moi) que fut fabriquée la première horloge mécanique. Et l’horloge de l’humanité ne s’est jamais arrêtée dans un hypothétique « moyen âge » saisi dans une hypothétique glaciation, dont la Renaissance aurait constitué le dégel.
Au contraire, même, pourrait-on dire. C’est le moyen âge qui a établi, en Europe, les bases du monde moderne, celui que nous connaissons. Et parmi ces bases, au premier rang, la CURIOSITÉ. C’est même la principale condition : l’envie de savoir (en vérité) est passée devant le devoir de croire (en foi). Les psys ont une variante de la chose avec la « pulsion scopique ». Vous voyez que, finalement et malgré les détours, je n’ai pas lâché mon fil de départ. Mais il fallait bien tout ça.
Il se trouve que la curiosité est une spécificité EUROPÉENNE. Je parle de la curiosité comme point structurant d’une culture collective, pas comme aventure individuelle. Aucun continent ne s’est intéressé aux autres continents autant que l’Europe.
Bon, c’est sûr, on va me sortir l’Arabe IBN BATTUTA (1304-1377), surnommé le « voyageur de l’Islam » (environ 120.000 kilomètres parcourus en trois décennies dans les quatre points cardinaux), ZHANG QIAN ou ZHENG HE pour les Chinois, quelques autres. Mais cela reste des exceptions, et surtout, ils n’ont pas fondé des dynasties, une industrie, un commerce, des colonies. Disons-le : une nouvelle civilisation. Qui allait englober, dominer et faire disparaître toutes les autres.
L’Europe est le continent de la CURIOSITÉ. De la découverte, de l’exploration. Disons-le : de la découverte et de l’appropriation du monde sous toutes ses formes. L’appropriation la plus égoïste, la plus intolérante et la plus prédatrice. Et en même temps, la plus enthousiasmante pour l’esprit et la plus invraisemblablement créatrice.
Ce n’est pas ailleurs qu’en Europe, en effet, qu’ont été inventés, mis au point et perfectionnés les outils dont l’humanité tout entière se sert encore aujourd’hui dans la connaissance qu’elle a acquise du monde. Ce n’est pas ailleurs qu’en Europe que sont nées toutes les sciences, sciences exactes comme sciences humaines. Or les sciences, telles qu’elles existent, sont le fruit de la curiosité.
Le scientifique ne se demande pas : « A quoi ça sert ? », mais : « Comment ça marche ? ». C’est le philosophe qui se demande à quoi ça sert. Et de toute façon, il arrive toujours après coup, quand les choses sont faites. Quand les carottes sont cuites.
Il y a deux philosophes : celui qui explique ce qui est (ça veut dire traduire l’évidence actuelle en langage incompréhensible, pour qu’on croie qu’il découvre et que c’est trop compliqué pour le pékin moyen), et celui qui décrit ce qui pourrait être (l’utopiste qui veut améliorer l’humanité, dût-elle disparaître, genre LENINE ou POL POT). Je schématise.
Du scientifique, en revanche, il en est venu comme si ça pleuvait. Remarquez, on pourrait en dire autant des philosophes : des « abstracteurs de quinte essence » (RABELAIS) ont fait crouler des flots d’obscurité pour expliquer le monde à leur manière. Pendant que les penseurs pensaient, les scientifiques, bien aidés en cela par les ingénieurs, modifiaient en profondeur les conditions de l’existence humaine, changeaient en permanence les données des philosophes, qui dans la course, ont toujours été loin derrière.
Certains se demandent même aujourd’hui s’il est encore possible de penser le monde. Et l’Europe, dès le 17ème siècle, s’est mise à faire tourner la machine scientifique à plein régime. Et quand je dis « machine », c’est au sens propre.
Car avec la machine, l’Europe a rompu avec une histoire humaine vieille de quatre-vingts siècles : l’homme est allé plus vite que lui-même, plus haut que lui-même, plus fort que lui-même. On a appelé ça, dans un élan d’enthousiasme juvénile, les « Jeux Olympiques ». Vous savez, le désormais sacro-saint « citius, altius, fortius ». Moi j’appelle ça le DOPAGE.
Prenez-le comme vous voulez, mais aller plus vite, plus haut et plus fort que soi, c’est impossible sans une machine. Le dopage est cette machine. Voyez la « Course des dix mille milles » du Surmâle, d’ALFRED JARRY, avec la « perpetual motion food », ou « potion magique ». Monsieur LANCE ARMSTRONG a appliqué à la lettre les règles de la civilisation de la machine : la triche avec la nature. L’homme a commencé à tricher avec lui-même quand il a inventé les machines. BAUDELAIRE aurait-il pu imaginer le règne des machines ? Ses conséquences ?
Voilà que je me dis que j’étais parti pour faire l’éloge de la CURIOSITÉ, et que je retombe sur la malédiction technique. Comment se fait-ce ?
Voilà ce que je me demande, moi.
A suivre.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : charles baudelaire, littérature, poésie, moyen âge, renaissance, religion, église, curiosité, europe, identité européenne, ibn battuta, islam, rabelais, alfred jarry, le surmâle, lance armstrong