vendredi, 21 février 2020
LE GÉBÉ DE BERCK
Gébé (1929-2004, Georges Blondeaux à l'état-civil) est un génie, mais un génie difficile, un génie à part. Il le savait, mais il s'en foutait. La preuve, c'est qu'il a publié un volume intitulé "Il est trop intellectuel" (Editions du Square, 1972). Mais ce n'était pas un "intellectuel". C'était juste un artiste qui exposait en images ses inquiétudes métaphysiques. Personne plus que lui ne fut préoccupé du sens de la vie, et même, disons-le, du sens que nos sociétés marchandes et industrielles prétendent donner à nos vies. Non, Gébé n'était pas un intellectuel : par les images qu'il faisait naître, il savait donner un corps à ses interrogations.
C'est ainsi qu'il donne un jour naissance à une créature immonde, infiniment plastique et qui reste une énigme insondable quant à sa signification : BERCK. On peut se demander si le personnage n'est pas pour Gébé un simple moyen pour engendrer, grâce à un trait impeccable, des images fortes qui soient autant d'atteintes à notre réalité ordinaire : faire surgir, au cœur de la banalité quotidienne, une sorte de folie qui pose une vraie question au sujet de la façon dont nous vivons. Pour nous dire peut-être que, à côté de nos lassitudes et de nos routines, toutes sortes d'autres réalités sont possibles.
Pour l'auteur de L'An 01, à tout moment, il convient de s'attendre à tout, parce que, à tout moment, une autre réalité est possible.
Notez la chèvre.
Notez la chèvre.
Double page parue dans le mensuel Hara Kiri n°127, en avril 1972.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : bande dessinée, charlie hebdo, humour, gébé, hara kiri, éditions du square, georges blondeaux, gébé il est trop intellectuel, gébé qu'est-ce que je fous là