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dimanche, 08 juillet 2012

DES GOG ET DES MAGOG

Alors il semblerait que je n’aie fait qu’effleurer le sujet dans un récent billet. Quelques esprits avisés m’ont incité à le développer. Il était, si je me souviens bien, entre parenthèses. Je m’y efforçais de célébrer « les lieux », cet endroit où l’être humain « civilisé » (paraît-il) s’enferme pour méditer pendant qu’il se livre à des expulsions nécessaires, activité tenue en piètre estime par le commun des mortels.

 

 

Injustement sans doute, si j’en crois le santon acheté voilà quelques années : admirez les lignes, les couleurs, le modelé, la position. Et il tient en équilibre. Encore bravo à l’ingénieux et audacieux sculpteur, qui a tâché vaillamment de rendre un peu de lustre à cette fonction humaine, à laquelle nul ne saurait se soustraire sans dommages ou lésions.

SANTON CHIEUR.JPG 

JE VOUS PRESENTE LE SANTON CHIEUR

 

« Les lieux », comme on disait dans les autres fois et comme les nomme très justement ROGER-HENRI GUERRAND dans son Histoire des commodités, ne méritent ni cet excès de déshonneur, ni cette indignité. La preuve en est le très savant ouvrage que ce monsieur a écrit. La preuve en est également l’assez divertissant et documenté ouvrage d’ISABELLE MONROZIER, Où sont les toilettes ? (Ramsay, 1990).

 

 

Je ferai à l’auteur un léger reproche tout de même. Elle écrit en effet (p. 59) : « Les deux bombes qui ont explosé dans des établissements scolaires à Décines-Chartrieu [sic] près de Lyon et dans le 14ème arrondissement de Paris en janvier 1988, avaient été placées derrière les réservoirs des chasses ».

 

 

Loin de moi l’idée de nier des faits dûment avérés, mais a-t-on le droit d’estropier ainsi le nom d’une commune péri-lyonnaise ? Ceux qui connaissent l’avenue Godard à Décines-Charpieu (je parle d’une élite) s’en trouvent légitimement froissés. Jusqu’ici, le maire de Décines-Charpieu n’a toutefois pas porté plainte contre ce lâche attentat. Il est bien bon. Certains, moins miséricordieux, taxeront cela de faiblesse, éventuellement coupable, qu’ils menacent d’ores et déjà de punir prochainement dans les urnes.

 

 

Cela dit, on trouve chez MONROZIER une foule d’informations utiles, ... et scientifiques. Parmi bien d’autres, les règles militaires d’installation des latrines pour une armée en campagne : « pour une centaine d’hommes, cinq trous, de 30 cm de large sur 60 de long, espacés de 90 cm pour éviter que les cuisses des soldats ne se frôlent ». On voit par là qu’un colonel en campagne se doit de parer à toute éventualité et ne saurait négliger aucun détail, fût-il le moindre, susceptible d’affaiblir l’ardeur guerrière du combattant, à travers de coupables distractions. Notons que la profondeur des trous n'est pas indiquée : coupable négligence, mon colonel !

 

 

ISABELLE MONROZIER nous narre par le menu l’histoire de CLAIRE, 25 ans, et de quelques-unes des activités qui sont les siennes quand elle s’enferme dans « les lieux » : « Essayez de me raconter. – A chaque fois, j’accouche dans les W.-C. Je ne sais pas… C’est d’instinct… Je ne sais pas… Je me mets sur les W.-C… Je ne me souviens plus de ce qui se passe. (Elle éclate en sanglots.) C’est horrible, c’est une immense panique… – Vous pouvez me parler de cette panique ? – Je ne sais pas… Je ne m’en souviens pas… Cela va très mal pendant une demi-heure… Je ne sais pas… – Et tous les quatre, de même ? – Oui, c’est horrible… J’aime tellement les bébés… C’est mon métier ». Si j'ai bien compris, elle est sage-femme, infirmière ou puéricultrice. Pourtant, je sais qu'il y en a des bien. J'en connais. On se demande parfois pourquoi les rouleaux de papier défilent à toute allure dans une maison où il y a pas mal de femmes, mais on tient peut-être là une explication décisive, non ?

 

 

MONROZIER tente d’épuiser la question, si j’ose m’exprimer ainsi, en parlant du problème de l’évacuation des « matières » dans les prisons, de la plus moderne à la plus archaïque, et de la plus civilisée à la plus barbare ; à 8.000 mètres d’altitude, quand il faut commencer par ôter quelques épaisseurs, en commençant par les diverses couches de gants ; sur une planche à voile, comme STEPHANE PEYRON, qui y a passé 46 jours ; sur un bateau en général : « Au petit matin, l’été, aux mouillages de Port-Cros ou de Porquerolles par exemple, les bateaux nagent au milieu des étrons qui flottent ». Délicieux paysage au moment de tremper son croissant dans le café, vous ne trouvez pas ? Voilà peut-être pourquoi j’ai toujours évité de voyager sur des coquilles de noix.

 

 

Mais elle ne parle pas, la malheureuse MONROZIER, de la « course des dix mille milles » qui a lieu dans Le Surmâle d’ALFRED JARRY, ni de la quintuplette à laquelle sont enchaînés, de l’arrière vers l’avant, Ted Oxborrow, Jewey Jacobs, George Webb, Sammy White, (un nègre, le roman date de 1902), et Corporal Gilbey.  

 

QUINTUPLETTE.jpg

SI, SI, JE VOUS DIS QUE ÇA EXISTE

 

Ils sont lancés, face à un train, dans une course d’environ quinze mille km, et sont nourris exclusivement de la « Perpetual Motion Food » du professeur Elson. Comme ils sont enchaînés, et ne peuvent donc descendre de leur machine, ils sont obligés de faire « l’un et l’autre besoin dans de la terre à foulon », dont les propriétés bien connues sont d’être à la fois saponifère, détersive, dégraissante et moussante. N’en veuillons pas à ISABELLE MONROZIER, et continuons notre petit tour de piste, d’ivoire et d’horizon (pour l’ivoire, un doute me vient).

 

 

Car reconnaissons-le, quelque phénoménal progrès que l’homme ait fait depuis l’aube des temps, il n’a pas encore trouvé le moyen d’échapper à cette dure nécessité quotidienne et à se libérer de son emprise : évacuer hors de soi quelque 1.500 grammes (c’est une moyenne statistique) de matières tant liquides que solides.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

A suivre.