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mercredi, 25 avril 2012

DU MONTAIGNE ? COMBIEN DE TRANCHES ?

Oui, j'en étais à la difficulté culturelle que représente aujourd'hui la syntaxe d'un auteur vieux de bientôt cinq siècles : MONTAIGNE. Une syntaxe riche, complexe et fleurie qui nous rend sa lecture difficile d'accès, à nous dont les phrases sont devenues tellement sèches, plates et pauvres. Notre époque semble donc éprouver de la haine pour la complexité.

 

Bon, autant vous prévenir, MONTAIGNE viendra, mais pas tout de suite. En attendant, voici au moins sa photo, prise autour de 1577.

 

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Plus le réel échappe à notre emprise, je veux dire à notre emprise à nous autres, individus, plus notre langue s’appauvrit, plus nos phrases s’étiolent et cèdent à la marcescence qui accompagne la fleur dans sa procession du matin jusqu’au soir (vous savez, « la rose qui ce matin avait déclose sa robe de pourpre au soleil a point perdu cette vesprée les plis de sa robe pourprée et son teint au vôtre pareil », même que ça commence par « Mignonne allons voir si »). Sauf que notre langue, ce n’est pas une fleur.  

 

 

Et puis, si un individu ne peut plus grand-chose sur le monde qui l’entoure, il faut dire aussi que nous nous sommes laissés gagner par l’impression, peut-être la certitude que nous sommes de moins en moins des individus. Trop d’individus tue l’individu, en quelque sorte. J'ajoute que trop d'objets et trop de marchandises, ça vide aussi l'individu de sa substance. Comment voulez-vous, dans ces conditions, entrer dans MONTAIGNE, lui qui représente l’essence même, que dis-je : l’âge d’or de l’individu ? 

 

 

Ce décharnement, qui donne leur épouvantable aspect étique de grandes filles anorexiques, voire cachectiques, aux phrases qui sortent de nos bouches, de nos plumes ou de nos pouces (eh oui !), certains l’attribuent à tous ces menus objets, devenus des prothèses de nos corps, que l’on dit porteurs de la crème des progrès techniques : le texto, le SMS, le tweet feraient selon eux subir une terrible cure d’amaigrissement à la syntaxe disponible dans les cerveaux actuels, dans l’état où les a laissés Monsieur PATRICK LE LAY, de TF1. C’est possible. 

 

 

Je me demande quant à moi si la raison de cet appauvrissement n’est pas à la fois beaucoup plus simple et beaucoup plus inquiétante, pour ne pas dire tragique. Si on ne fait plus de la syntaxe à la petite scie d’artiste, de la phrase complexe au burin subtil de graveur, c’est peut-être qu’on n’a plus grand-chose à y mettre, dans la syntaxe. Pour articuler des idées au sein d’une phrase un tant soit peu complexe, encore faut-il en avoir, des idées.  

 

 

Quand la matière du contenu du pot a séché, fût-elle fécale, elle devient dure et cassante, et tout à fait impropre à s’incurver dans les méandres sinueux d’un flux verbal (il fut un temps où l’on disait « raisonnement ») tant soit peu élaboré (je ne dis même pas « raffiné », notez bien). Quelque chose qui ressemble à du vivant qui sait vivre, quoi. 

 

 

Ce qui découle de tout ça, c’est que notre passé nous devient étranger. Nous perdons la mémoire. Et je ne parle pas de l’orthographe (adjectifs de couleur, mots composés, consonnes doubles, etc.) ou de l’accord du participe passé. Je parle de la syntaxe. La syntaxe, qu'on se le dise, met de l’ordre dans la pensée, parce qu’elle met de l’ordre dans les phrases.  

 

 

Nous sommes en mesure, à l’ère du numérique, d’archiver et de dater à la seconde près le moindre pet de notre pensée, ou de traquer une fourmi dans sa fourmilière, nous sommes matériellement capables de mémoriser tout ce qui arrive, et nous perdons notre langue, qui est tout simplement l’âme, la mémoire et le socle de notre civilisation.  

 

 

De même que le christianisme fut, selon MARCEL GAUCHET (Le Désenchantement du monde, 1985), « la religion de sortie de la religion », dira-t-on que notre civilisation est celle de la sortie de la civilisation ? 

 

 

N’y a-t-il pas quelque chose de symbolique dans le succès mondial grandissant remporté depuis vingt ans par la maladie d’Alzheimer, qui « vide » la personne de sa personne ? Car cette maladie de civilisation n'est pas une maladie de la mémoire, c'est une maladie de la personne. C'est autrement plus grave. Plus central. Plus terrible.

 

 

Les « maladies de civilisation » ne sont pas très nombreuses : il y eut le « tabès dorsalis » à partir du 16ème siècle. Tout le monde a reconnu le « mal français », ou « napolitain », dû à l’infection par le « tréponème pâle », autrement dit la syphilis, ou « grosse vérole » (par opposition à la « petite », celle qui touche Madame de Merteuil à la fin des Liaisons dangereuses, autrement dit la variole).  

 

 

Le 19ème siècle fut celui de la tuberculose (voir SUSAN SONTAG, La Maladie comme métaphore (1978)). Le 20ème a vu émerger, croître et embellir le cancer. Sur la fin, il a produit le sida. N’oublions pas le nombre des cas d’autisme, qui a été multiplié par 17 en cinquante ans. Il n’y a donc aucune raison pour dénier à la maladie d’Alzheimer le droit de se développer massivement.

 

 

 

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IL A L'AIR CONTENT, LE DOCTEUR

ALOIS ALZHEIMER,

D'AVOIR INVENTE UNE SACREE MALADIE 

 

L’affaire est en marche : la France compte à peu près 900.000 malades (dont certain, illustre, occupe gracieusement un appartement de la famille HARIRI, 3 quai Voltaire, à Paris). Une telle adhésion au processus d'enrichissement pathologique ne saurait être considérée autrement que comme un encouragement pour l’avenir. La maladie d’Alzheimer est bien partie pour réaliser la promesse du chant, bien connu sous le titre de L’Internationale : « Du passé faisons table rase ». Comme on dit en Espagne : « Alegria ! Alegria ! ».

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

 

A suivre.

 

 

 

jeudi, 17 novembre 2011

L'EUROPE EST UNE SAINTE (fin)

4 - NOTRE EUROPE A INVENTÉ CE MONDE

 

 

Avant de passer au sujet du jour, je reviens juste un moment sur un point que j'abordais hier : toutes les sociétés du monde et de l'histoire ont toujours maintenu un contrôle étroit des machines dont elles se servaient, empêchant ainsi la technique en tant que telle de prendre son essor.

 

 

L'Europe est le seul ensemble humain qui ait laissé se développer les machines dans un mouvement autonome, et sans doute non contrôlé. Cela s'est produit malgré les résistances religieuses, et malgré l'opposition parfois violente des ouvriers (exemple des luddites, en 1812) reprochant aux machines de les priver de travail, qui n'hésitaient pas à les briser.

 

 

La question qui se pose est la suivante : si la société garde la main, dans le premier cas, est-ce qu'elle ne perd pas la main, dans le second ? N'y a-t-il pas abandon de souveraineté de la part du groupe sur une activité qui la modifie en permanence (et de plus en plus vite, comme on le voit aujourd'hui) ? N'y a-t-il pas, dès le moment où la technique s'autonomise, tendance à la dissolution du tissu social ? A la destruction du lien communautaire ? Ben oui, quoi, on se pose des questions, ou alors c'est pas la peine ! Je ferme la parenthèse. J'y reviendrai sans doute.

 

 

Je vais être franc : je voulais intituler cet article EUROPE ÜBER ALLES. A cause de la musique composée par JOSEPH HAYDN en 1797, pour l'hymne autrichien "Gott erhalte Franz der Kaiser". On retrouve cette musique dans son quatuor opus 76, n°3, plus précisément dans le 2ème mouvement, marqué "poco adagio cantabile". Le poète FALLERSLEBEN plaça sur cette musique les paroles d'un poème commençant par la phrase bien connue, et désormais interdite en Allemagne : « Deutschland, Deutschland über alles » (Allemagne, Allemagne au-dessus de tout) ! Le titre exact était : Das Lied der Deutschen.

 

 

Et puis je me suis dit que ça frisait la provocation. L'idée, ce n'était pas de dire que l'Europe se comporte en maître du monde. L'idée, c'était plutôt de montrer que le monde, tel qu'il fonctionne aujourd'hui, est devenu européen. Que c'est l'esprit européen qui anime l'espèce humaine aujourd'hui. Rien de moins.  En effet, l'Europe est présente en sous-main dans tout ce que le monde actuel manifeste, dans le meilleur, comme dans le pire.

 

 

 

C'est vrai que j'en ai assez d’assister à la destruction méthodique et concertée de notre lopin de terre européen par le côté obscur de diverses forces financières et politiques. J’ai donc décidé d’en faire l’éloge. Eloge dont le présent billet constituera le quatrième et dernier pan (« de mur jaune », ça c’est pour rendre hommage au pape MARCEL, le MARCEL du PROUST qui va avec, évidemment, chacun ses automatismes). Le troisième pan portait témérairement en conclusion une haute affirmation : « L’Europe a inventé le monde ».

 

 

Il faut être culotté, non ? C’est vrai que c’est un peu « gros », je le concède. Je veux bien substituer le démonstratif à l’article, comme le montre le titre ci-dessus. Mais je conserve « a inventé ». Hier, j’ai tenté de montrer que c’est en Europe et nulle part ailleurs qu’ont vu le jour la plupart des grandes inventions qui servent maintenant de base au monde que nous connaissons.

 

 

LEONARD DE VINCI est la figure même de l’inventeur génial, qui a moins réalisé concrètement des inventions qu’il n’a imaginé et dessiné des principes : son char d’assaut était en bois, si je me rappelle bien ! Mais peut-être que les boulets faisaient moins de dégâts : c’est PIERRE CHODERLOS DE LACLOS qui a inventé le boulet creux, oui, l’auteur  des Liaisons dangereuses. Encore une invention, on n’en sort pas. C’est sûr, quand tu es en Europe, tu peux pas faire trois pas sans tomber sur une invention.

 

 

C’est l’Europe qui a donné à la technique la place dominante qu’elle occupe aujourd’hui. A la technique qui, jusque-là, était un MOYEN entre les mains des hommes et qui, à partir de là, est devenue une FIN, un but, la condition et le moteur de la civilisation, le principe organisateur des activités humaines.

 

 

Ben oui : jusqu’à la locomotive, jusqu’à l’automobile, dis-toi bien que le bonhomme, il allait à la vitesse de son pas. Inimaginable. A la rigueur celle du cheval au galop, s’il avait les moyens de se payer un galop, euh non, un cheval. Vous arrivez à vous représenter ça ? Moi pas. Vous vous rendez compte de ce que ça implique ? Sans le bus du ramassage scolaire, pas question d’aller à l’école, parce que la plus proche est à vingt kilomètres, quatre heures à pied en marchant bien.

 

 

En 1850, on en était là. Hier, quoi. Quatre ou cinq générations, pas plus. A quoi ça pouvait ressembler, dans la tête, le temps dont on disposait ? Comment ça se passait, quand on ne pouvait pas passer, par simple décision administrative, de l’heure d’été à l’heure d’hiver, et inversement ? Accessoirement, on peut noter que l’école n’a vraiment pris son essor qu’en même temps que la machine à vapeur. Quoique ceci demande vérification. Je ne voudrais pas enduire d’erreur quelque lecteur que ce soit. On a son orgueil, tudiable!

 

 

Qu’est-ce qui lui a pris, à l’Européen ? C’est dans le fond assez simple.  L’Européen avait un gros défaut : la CURIOSITÉ. Quand on y pense, c’est quelque chose d’absolument énorme et nouveau, la curiosité. Allez, dites-moi un peu, pour voir, quel peuple poussa la curiosité aussi loin que les Européens. Quel peuple eut plus que les Européens l’envie de savoir ? De dépasser les bornes des connaissances acquises pour en ajouter à l’infini ?

 

 

Il y eut, au départ de l’Europe, dans ses fondements, LE VERTIGE DE LA CURIOSITÉ. C’est sans doute une maladie grave. Dès que tu n’imites plus seulement ceux qui t’ont précédé, que tu as appris tout ce qu’ils savaient, mais que tu y ajoutes quelque chose de nouveau, c’est que tu veux faire mieux. Ce que tu as dans l’idée, c’est de progresser, d’aller plus loin.

 

 

A une époque, on a appelé ça la « Querelle des Anciens et des Modernes ». Et puis sans qu’on y pense, c’est entré dans les mœurs et dans les esprits, cette idée d’aller plus loin que ses propres parents. Tu te mets à y penser, au progrès. Tiens, par exemple, c’est quoi, la différence entre le style roman et le style gothique ? Réponse : la croisée d’ogives. Quand tu passes de la voûte en plein cintre à la voûte d’ogive. Non, c’est rien que ça ?

 

 

Presque. Bon, c’est vrai, il y a encore quelques fioritures à droite et à gauche, comme l’extraordinaire « clé pendante ». Mais même ça, c’est rien qu’une prouesse, l’essentiel n’est pas là. L’essentiel, c’est de dominer le poids de la matière, pour faire grimper des cailloux à des hauteurs jamais vues, et pour les faire tenir. Le reste n’est qu’une question de style et de savoir-faire.

 

 

Ensuite, évidemment, il y a les habituels petits rigolos qui croient être plus forts. Tiens, va voir à Beauvais, par exemple. La cathédrale. Des clampins, qui tenaient absolument à montrer leurs muscles, et qui ont essayé de monter plus haut que tout le monde. J’ai eu beau leur dire « Babel » et compagnie, tu parles ! Ils y sont allés quand même. Du coup, ils ont enfreint la loi, ils ont voulu bâtir le chœur le plus haut du monde, et ça s’est écroulé. 

 

 

Maintenant, va voir l’état dans lequel elle est, la pauvre cathédrale de Beauvais, toute branlante. Et pas finie ! Ah ça, c’est vrai, si ça avait tenu, ça serait la plus haute, et peut-être la plus belle. Mais voilà : faut pas exagérer d’exagérer, ou ça te retombe sur le coin de la figure. Quelle idée aussi, de vouloir monter cette flèche à cent cinquante mètres ! Forcé qu’elle s’écroule. Aujourd’hui, on conçoit ce que ça aurait été, Beauvais, si les gars étaient restés raisonnables. Ça fait peine, monsieur.

 

 

Revenons à la CURIOSITÉ. A l’accumulation indéfinie des savoirs. A la jouissance de ça. Au vertige et à la fascination de ça. Mais pas une accumulation n’importe comment. On imagine encore le moyen âge comme une période obscure, vaguement barbare. C’est très injuste. Car l’accumulation de savoir, la frénésie de classement des savoirs, le goût de la controverse (les discours « pro » et « contra » des bacheliers), tout ça, ça finit par structurer l’esprit d’une certaine manière.

 

 

On a appelé ça le moyen âge par mépris et par ignorance, quand la mode était au flamboiement romantique de l’esprit. Mais mine de rien et en douce, ça prépare le terrain des ERASME, GUILLAUME BUDÉ et autres MARSILE FICIN. Les humanistes, quoi. Tout est logique. Ça s’enchaîne.

 

 

Face au vertige de l’infini du savoir, l’esprit européen devient, en quelques siècles, absolument INSATIABLE. Comme les bâtisseurs de Beauvais. Comment lui est venue cette « folie curieuse » du « toujours plus » ? C’est forcément programmé quelque part, mais va savoir où. Quoi qu’il en soit, FRANÇOIS DE CLOSETS, en intitulant Toujours plus son best seller à la noix de 1982, il ne risquait pas de se tromper, il enfilait des pantoufles confortables : c’est le mot d’ordre depuis cinq ou six siècles ! Je dis cinq ou six, parce que « révolution industrielle », c’est du flan. Si on a eu la machine à vapeur et tout le toutim, c’est que TOUT ETAIT PRÊT.  

 

 

Et comme tout est logique et que tout s’enchaîne, le Blanc d’action va enchaîner. Le savoir qui passe dans la réalité, ça s’appelle donc la technique. Ça permet d’agir sur elle ? Impeccable. Il adopte illico la technique, parce qu’il comprend qu’avec ça, il va pouvoir conquérir. C’est la trilogie Savoir – Avoir – Pouvoir.

 

 

Le gars blanc, il ne va pas se gêner. Le ver du « toujours plus » est dans le fruit « européen », parce que la larve a été déposée avant le fruit, dans la fleur. Exactement comme fait le balanin des noisettes, vous pouvez vérifier. Sauf que le ver du balanin, il se contentera de bouffer la noisette dans laquelle il a été posé. Et puis de vivre la courte vie qui lui reste.

 

 

Avant même que l’Europe fût européenne, le ver du « toujours plus » travaillait déjà dans ses gènes. Alors maintenant, que ça comporte des tas de choses antipathiques, bien sûr. Mais franchement, qu’est-ce que j’aurais pu y faire ? La colonisation ? Evidemment. Le pillage des ressources ? Mais comment donc. Tous les moyens sont bons ? Assurément. Y compris les pires ? Sans aucun doute. Y a de l’abus ? Mais je me tue à vous le dire.

 

 

Il n’empêche qu’au passage, cette Europe qui est à l’origine du monde tel qu’on le voit aujourd’hui, elle a fait pas mal de beaux cadeaux, et sur lesquels personne ne conçoit seulement de revenir. Certes, elle n’a pas inventé la boussole, mais elle a su quoi en faire. C’est vrai, ça, finalement, c’est l’Europe qui a donné le Nord au monde. Les Chinois connaissaient la boussole magnétique en 1160 avant J. C. ? Et alors ? Qu’est-ce qu’ils en ont fait ?

 

 

Ce n’est pas eux qui, grâce à elle, ont parcouru les mers, découvrant d’autres terres, dressant des portulans, puis des cartes, puis des planisphères de plus en plus précis et rigoureux. Le visage du monde, je n’y peux rien, c’est l’Europe qui l’a dessiné. Comme dit je ne sais plus qui, l’Europe a fait entrer le globe terrestre dans les salons. Qui est venu  remplacer l’archaïque « sphère armillaire », vous savez, celle qui mettait la Terre au centre de l’univers.

 

 

Rends-toi compte de ça : debout sur la planète, tu as l’impression que c’est plat. Enfin, grosso modo. Tu as l’impression que c’est infini. Et voilà que, tout par un coup (comme on dit chez moi, dans le théâtre de Chignol et Gnafron), tu peux regarder à loisir, au coin du feu, à quoi ça ressemble ? Et tu ne serais pas saisi d’une ivresse de puissance ? La géographie du monde, y a pas à barguigner, c’est l’Europe. Et après l’espace, le temps.

 

 

L’horloge ? La mesure du temps ? Mais évidemment bien sûr, Arthur, que c’est l’Europe. Enfoncée, la clepsydre ! L’horloge mécanique est peut-être née un peu avant l’an mille. Elle se répand au 14ème siècle. C’est que les monastères en avaient grand besoin ! Et ce n’est pas l’Arabie saoudite, qui a planté à bonne hauteur, sur un énorme support, quatre cadrans de trente mètres de haut censés donner l’heure islamique, qui y changera quoi que ce soit.

 

 

Les arts ? Mais allons-y ! Ce n’est pas pour rien qu’un Japonais a passé dix ans au musée Unterlinden à Colmar, à copier méticuleusement le chef d’œuvre de MATHIAS GRÜNEWALD, qu’on appelle le Retable d’Issenheim. Quand on voit Issenheim aujourd’hui, on a d’ailleurs de la peine à croire que le patelin ait pu abriter un pareil monument. Quant à la peinture, je suis désolé, mais est-ce de l’arrogance, de dire que le monde, de deux choses l'une, fait soit de l’ethnique, soit du succédané d’Européen (ou d’Américain) ? Pour les autres arts, on peut ajuster et nuancer tout ce qu'on veut, c'est le même tabac.

 

 

La domination du monde, c’est encore l’Europe. Et vous pouvez y aller, lui faire tous les procès aujourd’hui, mais c’est trop tard. Le ver du « toujours plus » était contagieux, qu’on se le dise. Et ceux qui détruiront la planète à force de la bouffer, comme l’Europe et l’Amérique avaient commencé à le faire, eh bien ils le feront « A L’EUROPEENNE ». Il faut que ça se sache.

 

 

 

Voilà ce que je dis, moi !

 

 

POSTE SCRIPTHOMME AVEC LARME : nous sommes le 16 novembre. Cet article est programmé pour le 17. Vous m'excuserez si par hasard, ici, il n'y a rien de nouveau le 18. C'est brutal. PATRICK est mort. C'est un accident. Comme tous les accidents, on se dit que c'est terriblement bête. Il faisait la tournée d'inspection d'un refuge de haute montagne, avant réception des travaux. Une chute de 500 mètres, même sous les yeux de toute l'équipe, ça ne pardonne pas. Je n'aimerais pas avoir vu ça pour alimenter mes pires cauchemars. C'était le père d'AMANDINE, la promise de PHILÉMON. Le mari de DOMINIQUE. Il y a aussi LAURE et FLORIAN. Je n'ai pas de mots. Vous m'excuserez. A bientôt. PATRICK, adieu.