mardi, 03 mai 2022
MATIÈRE A RÉFLEXION
Le prix des choses, et combien vaut un travailleur.
« Nous sommes revenus dans un monde de rareté. Nous avons un problème de ressources, d'énergie, de matières premières, de transport, de composants, et même d'emploi. A cela s'ajoutent les sanctions contre la Russie et la transition énergétique. La production mondiale de lithium doit être multipliée par 40 pour équiper nos véhicules électriques. Tout cela crée de l'inflation, comme à l'époque des années 1970-1990. Cela va conduire à une remontée des taux d'intérêt, qui imposera des contraintes budgétaires et donc la fin du "quoi qu'il en coûte". Cela change complètement l'action publique.
Si nous avions aujourd'hui une parfaite indexation des salaires sur les prix et une parfaite indexation des prix sur les coûts des entreprises, nous nous dirigerions vers 20 % d'inflation. Celle que nous avons en Europe aujourd'hui, qui n'est pas loin de 8 % n'est que l'effet mécanique des matières premières. Il n'y a eu aucun effet boule de neige. Le risque est donc devant nous. »
Nous deviendrons sobres, que nous le voulions ou non.
« La transition énergétique, c'est quatre points de PIB d'investissement en plus, un tiers pour décarboner l'énergie, un tiers pour décarboner l'industrie et un tiers pour rénover les logements. De plus, on détruit du capital. Un site qui passe à l'hydrogène investit en détruisant ses vieux fourneaux et en en achetant de nouveaux, sans produire plus. Si l'on veut investir quatre points de PIB, Il faut donc consommer quatre points de PIB de moins. Il n'y a pas le choix. La sobriété va s'imposer à nous. Il y a trois façons d'y parvenir : soit par le comportement, soit par les prix, soit par la fiscalité, parce que l'Etat lèvera des impôts pour financer les investissements qu'il doit effectuer pour la transition. Il va falloir que l'on consomme quatre points de moins pour faire de la place à l'investissement, que ce soit volontairement ou de force. »
Compétences, enseignement, formation.
« Le problème des compétences (le capital humain, les enfants, l'enseignement à l'école, la rémunération des enseignants, le lycée professionnel, la formation professionnelle) tire tous les autres : celui de l'emploi — 67 % des Français en âge de travailler ont un emploi contre 80 % de Suédois. Celui de l'industrie — 70 % des écarts du poids de l'industrie dans les pays de l'OCDE s'expliquent par les compétences de la population. Celui des comptes publics — on a peu d'emplois, donc de recettes fiscales, du fait du chômage. Les dépenses de l'Etat sont liées à la population, les recettes à l'emploi. Les pays comme la France qui ont peu d'emplois ont structurellement un problème fiscal. »
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Voilà. Ce sont les propos tenus au Club de l'économie du Monde le 28 avril (voir le journal Le Monde daté 30 avril) par l'un des quatre invités, monsieur Patrick Artus, les autres invités étant Jérôme Fourquet, Pascale Coton et Geoffroy Roux de Bézieux. Mine de rien, Artus délivre quelques informations significatives. C'est en général ce que j'apprécie dans ses interventions : ni rêveur, ni doctrinaire, ni conceptuel. Avec lui, on est dans le concret : non seulement il maîtrise la théorie économique, mais il en propose une analyse des effets que celle-ci entraîne dans la réalité.
Des propos qui méritent qu'on y réfléchisse, en particulier le paragraphe qui concerne l'éducation et la formation (et en bout de course, les compétences) : selon moi, ce que la société investit dans l'enseignement et la formation reflète exactement l'ambition que cette société a de s'élever au-dessus d'elle-même. A cet égard, mon diagnostic est assez noir pour que je refuse d'en faire état ici.
Pour la sobriété, ceux qui suivent les travaux de Jean-Marc Jancovici sont déjà au courant. Le mot "sobriété" est d'ailleurs sans doute un euphémisme, pour désigner le sort qui attend tous ceux qui, aujourd'hui, bénéficient d'un minimum de confort électrique, d'agréments domestiques et de diverses facilités motorisées — confort, agréments et facilités qu'il faudrait plutôt appeler luxe, pour faire la différence avec ceux qui en sont dépourvus. Ou je me trompe, ou la sobriété qui sera celle de l'humanité dans des temps à venir peut-être pas si lointains ressemblera fort à la rudesse des conditions de vie qui fut celle de nos ancêtres.
09:00 Publié dans DEMORALISATION, ECOLOGIE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : économie, journal le monde, club de l'économie du monde, patrick artus, pascale coton, geoffroy roux de bézieux, jérôme fourquet, ocde
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