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dimanche, 04 avril 2021

LA LIBÉRATION DE LA PAROLE ...

... CHEZ LES PEUPLES OPPRIMÉS.

Morris a inventé le personnage de Lucky Luke en 1946. Goscinny a apporté sa patte inimitable aux scénarios à partir de 1957 (Des Rails sur la prairie). En 1958, dans Lucky Luke contre Joss Jamon, apparaît le personnage des peuples opprimés sous les traits de Joe le Peau-Rouge. Les seules interventions de ce personnage aux allures de Grand Sachem énigmatique dans les dialogues se limitent à proférer invariablement le sobre monosyllabe « Ugh ! » à toutes les sollicitations extérieures.

Mais soudain, à la page 41, face au chef des "méchants" qui menace de mort les méchants de la bande qui se laisseraient lâchement effleurer par le désir de se rendre aux représentants de la loi légale, voilà-t-il pas que les vannes s'ouvrent, et font découvrir au lecteur, derrière le mutisme obstiné du "sauvage", tous les raffinements rhétoriques d'un redoutable orateur. C'est très moral, tout ça : le "sauvage" n'est pas celui qu'on croyait. Goscinny et Morris avaient le sens du contraste.

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Les initiés feront évidemment le lien avec un autre personnage — littéraire celui-là —, inventé par Alfred Jarry pour servir de valet, de serpillière, de victime-à-tout-faire et de double ignoble à l'excellentissime Docteur Faustroll : le « Grand singe Papion Bosse-de-Nage, lequel ne savait de parole humaine que "Ha Ha" » ("monosyllabe tautologique") dans son entreprise de navigation "de Paris à Paris par mer". Mais contrairement à Joe le Peau-Rouge, Bosse-de-Nage n'accèdera jamais à la libération de sa parole, irrémédiablement compendieuse.

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