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jeudi, 22 septembre 2016

38 BALZAC : UNE FILLE D’ÈVE

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Le dessin d'Eugène Giraud après le décès.

Résumé : la faute (non consommée) d’une oie blanche tout juste sortie des jupes de sa mère, aussitôt épousée par un jeune homme au trop grand cœur, et qui, manipulée par quelques grandes dames qui veulent s’amuser à ses dépens, a l’impression de vivre une belle histoire d’amour en jetant son dévolu sur un homme nul, mais qui brille dans les salons aux yeux des ignorants, et qui risquera de l’entraîner dans le tourbillon d’un scandale, ce que le mari, de justesse, empêchera généreusement, lui montrant sa noblesse et sa grandeur d’âme.

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Le comte de Granville a deux filles, Marie-Angélique et Marie-Eugénie. Elles ont été élevées, pire qu’au couvent, par une mère plus dévote qu’une grenouille de bénitier. L’aînée a épousé Félix de Vendenesse, guéri de ses aventures, chastes avec Mme de Mortsauf, torrides avec Lady Dudley, décevantes avec Laure de Manerville. La cadette s’appelle Mme du Tillet depuis qu’elle a épousé un des deux grands banquiers de La Comédie humaine. Elle s’en repent d’ailleurs amèrement, car son mari, peu sympathique, intraitable dans son ménage comme dans ses affaires, la laisse sans le sou.

Félix, après des frasques qui lui ont fait la réputation d’un Don Juan, il a décidé de « faire une fin », usé par son usage des femmes, au point que Balzac le qualifie de « jeune vieillard », mais doté d’une solide connaissance des humains et de la société. Il apparaît ici en mari impeccable, plus prévenant avec sa femme qu’une poule avec ses poussins, faisant d’elle une femme du monde accomplie, et allant au-devant de ses moindres désirs avant même qu’ils aient été formulés, en sorte que quand commence le roman, elle est « cuite à point par le mariage pour être dégustée par l’amour » (on peut prédire un bel avenir à un auteur qui a un tel sens de la formule).

La totale confiance que Félix a dans sa femme fait que, lorsque, appâtée et guettée par un trio de dames jalouses de sa perfection, elle laisse apparaître la véritable toquade qui la jette vers Raoul Nathan, le mari n’y verra que du feu, de même que Marie-Angélique est aveugle sur les mérites de l’homme qu’elle croit aimer : Balzac en dresse d’ailleurs un portrait peu reluisant, qui tire à hue et à dia. Virtuellement grand écrivain, il voudrait aussi fort arriver en politique (tiens, Balzac aussi aurait bien voulu). En fait, il ne sait pas bien ce qu’il veut et s’active d’une façon désordonnée. En gros, c’est un journaliste « à prétentions ».

De plus, il est l’amant en titre de l’actrice Florine, chez laquelle il vit, dans un appartement richement meublé (car elle a fait une belle carrière), et décoré d’une foule d’objets et d’œuvres offerts par ses admirateurs. Nathan se garde bien de parler d’elle à la comtesse. Pour fonder un journal qui lui ouvrirait des perspectives politiques, il se laisse entortiller par le banquier du Tillet et un compère. Les réserves fondent rapidement à l’usage, les dettes s’accumulent, et Nathan est un jour sommé de les rembourser, sous peine d’aller en prison.

Il manque son suicide, sauvé in extremis par la comtesse, qui le cache et décide d’emprunter la somme nécessaire au paiement de la dette. La baronne de Nucingen accepte de la lui prêter. Elle sera sauvée du déshonneur par sa sœur, qui raconte tout à Vendenesse, qui rembourse aussitôt la créancière.

Il décide d’ouvrir les yeux de sa femme sur les vraies qualités de Raoul Nathan, l’amant indigne et brouillon, mais surtout sa relation pérenne avec l’actrice Florine. Marie-Véronique prend conscience de la réalité, aperçoit l’abime dans lequel elle a failli tomber et se rend compte de la noblesse de cœur de son mari, pour lequel elle éprouve désormais de l’admiration. Tout est bien qui finit bien. Le couple voyagera. A son retour d’Italie, la comtesse apercevra un jour Nathan (« dans un triste équipage ») et Florine dans la rue : « Un homme indifférent est déjà passablement laid aux yeux d’une femme ; mais quand elle ne l’aime plus, il paraît horrible, surtout lorsqu’il ressemble à Nathan ».

Ce court roman de Balzac n’est pas son meilleur, mais il reste intéressant. L’auteur l’ouvre « in medias res », lorsqu’Angélique aux abois se précipite chez sa sœur pour lui avouer toute son aventure et lui demander secours. En vain, puisque celle-ci ne dispose d’aucun argent en propre. L’irruption de du Tillet au cours de l’entretien plonge son épouse dans la terreur, car cet homme cruel et impitoyable leur révèle qu’il sait tout et qu’en abattant Nathan (qu’il a surnommé « Charnathan »), il l’évince de la place qu’il a bien l’intention d’obtenir pour lui-même (avec succès). La suite est grosso modo un long flash-back, avant que le récit renoue avec la scène inaugurale.

La tiédeur de l’impression que laisse le livre est peut-être due à la distance à laquelle les personnages sont maintenus par l’auteur, comme s’il les observait sur une scène depuis la salle. L’affaire se dénoue d’ailleurs par une comédie de masques, à la fin de laquelle Florine, ayant appris la duplicité de son amant, rend à la comtesse toutes les lettres qu’elle lui a envoyées.

Bon roman, quoiqu’un peu lisse, qui finit de façon au fond très morale, après avoir exploré les méandres de la méchanceté humaine dissimulée derrière le masque des conventions sociales.

Voilà ce que je dis, moi.

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