jeudi, 23 juillet 2015
BANDE DESSINÉE : FRANCIS MASSE
Pour parler franchement, beaucoup de ce qu’a publié en son temps le Charlie mensuel de Wolinski paraît aujourd’hui suranné, voire vieillot. Bon, c’est sûr que je regarde ça avec mon œil de 2015 et que mon intérêt pour la bande dessinée s’est tant soit peu « relativisé ». Reste que j’ai maintenant du mal à suivre les histoires tortueuses et alambiquées de Buzzelli ou Guido Crepax. Même la célèbre Paulette (dessinée par Pichard) m’est devenue hautement improbable. On n'est pas loin du déchet.
N° 73. C'est la Fête des mères. Que ne ferait pas le petit monstre pour offrir à sa maman un beau bouquet de bras et de jambes, piqués au monsieur croisé dans la rue ! Willem, dans Libération du 24 juillet, semble s'être inspiré de Masse, mais c'est au sujet de la Grèce, en train d'être brutalement dégraissée.
Quelques-uns de ces héros ont cependant préservé leur droit au respect. J’ai parlé de Barbe, de quelques autres aussi. Mais dans ce paysage de haute qualité esthétique, il en est un qui brille encore par la virtuosité de son talent graphique, mise au service d’un délire narratif totalement jubilatoire : il s’appelle Francis Masse. Son dessin très singulier ne ressemble à rien de ce qui se fait à l’époque. Et qui n'a jamais été refait.
N° 77. Masse imagine comment résoudre le problème de la faim dans le monde. Oui : Masse est vraiment à la masse ! Je veux dire : génial !
Dans les bulles : « Eh bien, dites-le que vous avez faim ! - On a faim - Eh bien, dites-le qu'est-ce que vous voulez à manger ! - On veut du lait ! - Eh bien, en voilà, du lait, qu'est-ce que vous pleurez ? Suffit de demander. »
On est prié de ne pas chercher la morale de l'histoire.
Quant aux histoires qu’il invente, disons seulement qu’elles pourraient justifier l’expression populaire bien connue : le cerveau de Masse est complètement à la masse ! Ce sont vraiment des histoires de cinglé. Et c’est assumé crânement. Réflexion faite, certains y décèleraient un zeste d’inspiration surréaliste. A moins qu’il ne faille regarder du côté des amateurs de « nonsense » britannique. Bref : un imaginaire totalement désentravé, loufoque, maboul, cintré. Un génie à l'état pur.
N° 79. Dans le stade plein à craquer de supporters à gros nez, chapeau melon et manteau lourd, on voit aux prises deux équipes : les serveurs et les consommateurs. Il s'agit pour ceux-ci de se faire des passes de commandes. Mais les serveurs parviennent à les intercepter. Le but est marqué quand le rouge limé atterrit dans la figure du 12, celui qui a passé commande.
Un exemple ? Dans le numéro 85, zieutez ce bonhomme de Masse (gros nez, chapeau melon, manteau lourd) qui, debout sur le bord du toit, un pavé attaché au cou, se jette dans le vide, en proférant distinctement, à chaque étage, un « Salauds ! » bien sonore.
Installés devant leur fenêtre du rez-de-chaussée, un couple a assisté à l’écrasement (« Splatch »). Lui est un rhinocéros dans son fauteuil. Elle est une créature composite à base de bouilloire surmontée de quelques accessoires (chaussure à talon aiguille, écumoire, ciseaux …). C’est elle qui a volé l’étage du suicidé. Elle le regrette, mais elle a agi par amour. Le genre de planche qui fait se questionner le lecteur : « Mais où va-t-il chercher tout ça ? Faut-il qu'il soit frappadingue ! ».
Amour ! Que de crimes on commet en ton nom !
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, bande dessinée, charlie mensuel, charlie hebdo, francis masse, humour, nonsense stories
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