lundi, 18 juin 2012
ALEXANDRE VIALATTE LE GRAND
Dans son Almanach des quatre saisons, ALEXANDRE VIALATTE rappelle qu’au mois de février, « la grosse erreur est de semer les crosnes du Japon trop serrés, et qu’il faut les mettre à trente centimètres d’intervalle (en dehors de heures de bureau) ». Et il ne manque pas de préciser que « les hommes qui naissent en février aimeront les étoffes chinées. Ce sont des enfants du Poisson. Mystiques et rêveurs, ils seront attirés par la musique, l’abnégation, l’occultisme, les voyages et les liquides ; à la limite, ils feront donc d’excellents marins ou des placiers en spiritueux ».
Il donne aussi de précieuses indications au sujet de quelques prénoms du mois. Ainsi, « les Blaise (le 3) sont aimés de l’aristocratie slave ; très forts en métaphysique, ils naissent dans les rues commerçantes ». Si, à partir de là, vous avez reconnu BLAISE PASCAL (mais aussi BLAISE CENDRARS), c’est que vous êtes fort, ou que vous avez compris un des aspects intéressants de la tournure d’esprit de l’auteur, ainsi que de son style (la généralisation abusive).
Toujours à propos de prénoms, mais comportant un autre aspect (l’approximation phonétique) : « Les Armand (le 6) sont heureux, souvent jaloux, volages quelquefois. Selon La Fontaine, ils ont intérêt à ne voyager qu’aux rives prochaines ». Vous avez reconnu une citation d’une des plus belles Fables, Les Deux pigeons :
« Amants, heureux amants, voulez-vous voyager ?
Que ce soit aux rives prochaines ».
Si je dis « une des plus belles », c’est à cause des derniers vers, qui constituent un rarissime et très touchant exemple où LA FONTAINE se laisse aller à la tentation de se livrer à quelques confidences :
« J’ai quelquefois aimé, je n’aurais pas alors
Contre le Louvre et ses trésors,
Contre le firmament et sa voûte céleste,
Changé les bois, changé les lieux
Honorés par les pas, éclairés par les yeux
De l’aimable et jeune bergère
Pour qui, sous le fils de Cythère,
Je servis, engagé par mes premiers serments.
Hélas ! Quand reviendront de semblables moments ?
Faut-il que tant d’objets si doux et si charmants
Me laissent vivre au gré de mon âme inquiète ?
Ah ! Si mon cœur osait encor se renflammer !
Ne sentirai-je plus de charme qui m’arrête ?
Ai-je passé le temps d’aimer ? »
On est loin de La Cigale et la fourmi ou du Loup et le chien, vous ne trouvez pas ? Mais revenons aux prénoms selon VIALATTE, pour qui les « Apolline (le 9) se lèvent avec le jour. Yeux verts et foie fragile. Elles naissent à Limoges ». Et il conclut : « Si vous tenez à économiser, par avarice ou par manque de moyens, appelez votre filleul Montan ou Dosithée (fête le 29). Vous ne le fêterez que les années bissextiles ».
Je signale que le village de Saint-Montan (ou Saint-Montant), dans l’Ardèche (entre Viviers, Bourg-Saint-Andéol et Vallon-Pont-d’Arc), produit du vin rouge. Ce vin peut, à excellent droit, être surnommé le roi des « rouges-qui-tachent ». Pour parler franchement, si vous avez rêvé de la « tache absolue », je vous conseille un détour par le rouge de Saint-Montan. Je n’ai jamais vu l’équivalent.
Pour finir sur le 29 février, il est bon de rappeler que Saint GREGOIRE DE NAREK fut fils de Kosroès, évêque d’Antsévatsik (il paraît qu’il y avait des chrétiens en Turquie, au 11ème siècle) et que, décevant les attentes de tous les jaloux, mauvais et méchants qui lui cherchaient noise, non content de refuser de manger du pâté de pigeonneaux apporté par de vils tentateurs, au motif qu’on était vendredi, il frappa dans ses mains et dit au pâté froid : « Allez jouer, mes petits amis, c’est du poisson qu’on mange aujourd’hui ». Les pigeons s’envolèrent aussitôt dans les arbres. Farpaitement ! C’est comme ça que ça s’est passé !
Moi je dis que je comprends qu’il ait été invité à naître un 29 février. Parce que vous ne me ferez pas sortir de l’esprit que tout ça, c’est louche. Bon, c’est vrai qu’on ne le fête (encore faut-il ne pas avoir oublié l’aide-mémoire entre la liste des courses de la semaine à Auchan et celle des bonnes résolutions du 1er janvier, qu’on a omis d’ôter du portefeuille) que tous les quatre ans. Mais quand même, ça reste louche, cette histoire de pigeons.
Bon, j'ai encore fait des « arabesques » (au sens de CHATEAUBRIAND), mais que voulez-vous, s'il fallait se priver de tous les à-côtés, la vie serait bien triste, non ?
Voilà ce que je dis, moi.
A la prochaine.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : alexandre vialatte, almanach des quatre saisons, littérature, humour, blaise pascal, la fontaine, les deux pigeons
Les commentaires sont fermés.