lundi, 08 octobre 2012
DANS LES PROFONDEURS DU REFLET
Pensée du jour : « L'eau du bénitier résout tous les maux de l'humanité crédule ».
PROVERBE VATICANAIS
Résumé : j'ai la faiblesse, comme des milliards de Japonais devant la Joconde, d'aimer actionner, convulsivement, le déclencheur de mon appareil photo. Mon attention s'est portée, à une époque, sur les richesses insoupçonnées du reflet complexe. Que je me suis mis à mitrailler.
Car dans le fond, ce paysage urbain où foisonnent les miroirs, des miroirs que des milliers de magasins tendent obligeamment aux passants, particulièrement aux passantes, est en soi un piège destiné à se refermer sur les gens, considérés comme une simple clientèle payante. Bien sûr, en passant, tout le monde ou presque jette un œil sur l’image que la vitrine lui renvoie de lui-même. Le verre est une invention satanique. La toile d'une araignée vorace.
Je serais taliban ou salafiste (ou georgebushiste), je ferais, en bon intégriste, une grande "nuit de cristal", étendue à TOUT ce qui reflète. Il faudrait même punir les mares aux canards, à cause du ciel qu'on voit dedans, c'est vous dire jusqu'où j'irais si j'étais croyant.
Mais j’ai l’impression, à force de voir les gens marcher devant les immenses baies vitrées de l’école de danse en face de chez moi, que le regard des femmes est quasiment aimanté par ce qu'elles voient d'elles-mêmes dans le miroir, alors que les hommes y sont davantage indifférents. Imaginez si elles étaient en niqab : les risques de damnation de leur âme seraient réduits à néant. Ce serait un indéniable progrès, non ?
LA PAIRE DE SEINS EST EN PAPIER
Je galèje. Mais il est vrai que, statistiquement, la femme est plus sensible à son image. Les psys ont dit tant de choses du narcissisme féminin. Mais surtout, la pression sociale sur l'humanité femelle est si forte, quand il s'agit de se montrer en public, qu'elle se sent obligée d'entourer son apparence de toutes sortes de soins et de précautions, l'humanité femelle ! Des soins et précautions devant son miroir, précisément.
CETTE PHOTO, IL M'A FALLU REGARDER ATTENTIVEMENT, POUR LA VOIR
Certains reflets me sont même apparus comme des puits de poésie et de rêverie sans fond, éminemment composites, pour ne pas dire incompréhensibles, car faits d’une tranche de vue directe entre deux tranches de vue reflétée (ci-dessus). Comme si le reflet avait un effet multiplicateur sur la réalité banale, en étendant le champ de ses possibles, en ouvrant dans son dos des lignes de fuite insoupçonnées.
Ce qui m’a bien intéressé dans tout ça, c’est que ça m’a fourni l’occasion de me poser la question, non pas abstraite et philosophique, mais tout à fait concrète : « Qu’est-ce qui est réel ? ». Je me suis bien gardé, vous pensez bien, de répondre à la question. Pour la simple raison que le reflet duplique le réel. Mais il ne fait pas que le dupliquer : il l'inverse, il le modifie, il le virtualise. Il le bouleverse. Il le fausse. Il brouille les pistes. Le reflet poétise, voire déréalise le monde réel.
LE FANTÔME DE L'OPERA ? NON, UNE VITRINE CARDIN
Qu'est-ce qui arrive du réel dans notre conscience ? Je suis sûr que, quelque part en-deçà de la conscience, pas très loin dans la mémoire, cette énigme visuelle que constitue, finalement, le reflet, s’installe comme chez elle et, en plus de ses bagages, pose ses conditions après avoir posé ses paysages complexes dans lesquels le passant, parfois jusqu’au désespoir, cherche la trace de sa présence dans ce monde (trace de présence qu'il n'est pas près d'y trouver). Dites-moi, ce ne serait pas philosophique, par hasard, tout ça ?
C'EST DOMMAGE : JE NE SAIS PLUS A QUELLE ADRESSE HABITE CE REFLET
Ces images, forcément imprimées quelque part, ne façonnent-elles pas la conscience hors de tout contrôle de celle-ci ? A son insu ? A peine a-t-on parfois une chance d'entrapercevoir le fantôme du photographe (ci-dessous).
AUTOPORTRAIT DU FANTÔME EN EPISODE DE VISIBILITÉ
Pour l'anecdote, je l'avoue, j'ai fait développer et tirer mes photos par l'intermédiaire de la FNAC, qui fait dans l'industriel. Mais qui avait aussi, à l'époque, un code d'honneur : un photo ratée n'était pas facturée (c'était le bon temps), et portait une pastille auto-collante ainsi libellée : "photo non facturée".
Qu'est-ce que j'en ai fait, des photos ratées !!! J'en étais venu à me rengorger quand, venant chercher mes clichés dans le service compétent, je voyais que 32 photos sur 36 portaient la dite pastille qui me dispensait 32 fois de payer les tirages. Mine de rien, j'en ai fait, des économies ! Surtout que les pastilles étaient devenues aisément détachables.
Voilà ce que je dis, moi.
09:01 | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : photographie, photographe, photo, vatican, pensée, rêverie, poésie, lyon, fourvière, saint jean, opéra, reflet