lundi, 16 septembre 2019
DIX CONVERSATIONS A RETENIR
7
A la maison, avenue du Châter, un matin d’hiver très rigoureux (dans les - 20°C).
P. et moi regardons par la fenêtre notre voisine, Mme L. qui, la veille au soir, a couvert le pare-brise de sa Renault R6 blanche d’une couverture de laine en la passant sous les essuie-glaces et en coinçant le bas dans le capot qu’elle a claqué dessus. P. me dit : « Oh ça, c’est une chouette bonne idée. Tu devrais faire pareil ». Mme L. va pour ouvrir le capot. Rien à faire, le capot résiste, le verrou est sans doute trop tendu, et ça ne veut vraiment pas. Elle tire sur la couverture, sans succès. Elle prend la gamine dans ses bras, remonte chez elle, redescend avec la gamine et un outil pour faire levier. Toujours rien. Elle remonte avec la gamine qui pleure. Nouvel outil, nouvel échec. Elle remonte chez elle avec la gamine qui hurle. Enfin, nous la voyons redescendre avec la gamine dans les bras et partir en courant vers l'avenue, laissant la couverture en bataille sur le capot.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (2) | Tags : littérature, lyon, francheville, hiver
jeudi, 12 septembre 2019
DIX CONVERSATIONS A RETENIR
3
La salle d’attente du docteur L. à Francheville (banlieue SO de Lyon). Il est 19h.30.
Quand j'ouvre la porte, deux personnes sont assises. Il y a beaucoup de retard. L’homme a une cinquantaine d’années, le visage humble et bon, peut-être pas tant que ça après tout. La femme est énorme et sans âge, ses jambes trop courtes pour toucher le sol se balancent. Vêtue d’une jupe-culotte vert bouteille, son ventre déborde sur ses cuisses. Je crois tout d'abord qu’elle connaît le monsieur, parce qu’elle lui parle sans discontinuer. Quelques sujets, dont je m’aperçois qu’ils reviennent, cycliques, toutes les deux ou trois minutes, avec un silence de vingt secondes entre deux sujets : le retard du médecin, la tambouille du soir, l’heure du bus qu’elle va prendre pour rentrer, l’heure du départ au boulot le lendemain matin, le repas de fin d’année de l’entreprise. Sa vulgarité est totale, désarmante et inattaquable, sympathique mais gênante, car en réalité elle ne connaît pas du tout l’homme à côté d’elle qui, pendant toute la demi-heure que dure la scène, n’a cessé de feuilleter les revues de la salle d’attente en marmonnant « hum » régulièrement, par politesse ou pour être tranquille. Elle ne se gêne pas pour lui tirer la revue quand le titre l’intéresse. Elle me demande : « Et vous, c’est pour quelle heure ? ».
En sortant à l'appel de son nom, elle dit bien fort : « Au revoir, messieurs ! ». Impossible de ne pas lui rendre son salut.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : francheville, littérature, salle d'attente du médecin