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samedi, 03 janvier 2015

CARTES POSTALES DU NORD

 

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« ABOLIR LES TRAITÉS INÉGAUX »

C'est ce que signifient, paraît-il, les idéogrammes affichés au mur dans cette vignette de la page 7 du Lotus bleu. S'agissant de la Chine, tout Le Lotus bleu est comme ça. Pour dire que le rayonnement planétaire de l'œuvre de Hergé n'est pas dû au hasard.

Les "traités inégaux" ont été signés au milieu du 19ème siècle par les puissances occidentales avec la Chine, le Japon et la Corée.

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PAYSAGES NORDIQUES

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jeudi, 17 juillet 2014

DU RIFIFI EN LAPONIE 2/2

Olivier Truc, Le Dernier Lapon, Métailié.

L’histoire est celle d’un grand malheur qui s’est abattu autrefois sur un village lapon, du fait même du « trésor » indiqué. Une vague légende rapporte qu’il s’agit d’or. Mais il ne s’agit pas d’or, comme le croit le vieil Olsen, un paysan, petit politicien véreux du coin, impatient de déposer une demande de licence, dans le seul but de s’approprier cette richesse démesurée.

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Autant le savoir : les frontières, ici, n'ont aucun sens. Elles n'ont d'ailleurs commencé à exister que lorsque les industriels ont trouvé des ressources pour s'enrichir. Le territoire des Sami transcende les frontières, au point que les trois pays concernés ont créé un corps de police transfrontalier.

J'ai un peu traîné mes guêtres par là-haut, de Tromsø à Kirkenes (à deux pas de Mourmansk, en Russie), et de Narvik à Rovaniemi.

(La carte ci-dessus est celle qui figure dans le livre.)

C’est le géologue Racagnal, un Français, qui révèlera qu’il s’agit d’uranium. La roche est même d'une teneur proprement inouïe. Racagnal est une ordure sans scrupule en même temps qu’un géologue exceptionnel, qui travaille « à l’ancienne » et à l’instinct : il rigole bien quand Kallaway (qu’il surnomme Mickey) arrive en renfort et débarque de l'hélicoptère envoyé en urgence tout un matériel sophistiqué pour ne faire que confirmer ses conclusions.

Mais ce qu’il préfère (et qu'il ne perd jamais de vue), Racagnal, ce sont les filles de quinze ans environ. C'est plus fort que lui. C’est ce qu’a vite compris Brattsen le flic pourri, qui demande à la très jeune et jolie Ulrika d’être gentille avec le monsieur, histoire d’avoir barre sur lui (mais le vieil Olsen garde aussi une coupure de journal relatant un fait divers compromettant arrivé à Alta, où il est question du bonhomme).

 

L’histoire ? Le tambour lapon (rarissime) a été volé avant que qui que ce soit ait eu le temps de l’étudier, et même de le photographier. C’est un vieux Français qui voulait en faire don au musée local avant de casser sa pipe. Il était très jeune quand il a accompagné Paul-Emile Victor, en 1939, dans une mission d’exploration. Un chaman lapon lui avait fait cadeau de l’instrument.

 

On apprendra qu’un certain Flüger, géologue de son état, avait trouvé la mort au cours de l’expédition, soi-disant du fait d’une mauvaise chute, en réalité tué par le propre père du vieil Olsen, le paysan-politicien, qui a conservé dans son coffre secret la vieille carte géologique dressée autrefois par Flüger, où figurent les indications permettant de retrouver l’emplacement de l’ancienne mine. 

Le problème, c’est que vient s’ajouter à l’histoire le meurtre de Mattis Labba, et que le vieil Olsen et le policier Brattsen font tout pour éloigner les enquêteurs de la piste de la mine, allant même jusqu’à faire destituer par des amis politiques « le Shérif », Tor Jensen, au profit de cet adjoint peu scrupuleux. Heureusement, la patrouille P9, qui comprend Klemet et Nina, garde (secrètement) le nez sur les traces, aidée (secrètement) par l’ancien commissaire. Ils reconstituent patiemment la chaîne en agençant les maillons l’un après l’autre. 

La fin a d’autant plus à voir avec l’apocalypse que tous ceux qui participent à l’action convergent vers un point où va bientôt se déchaîner une tempête polaire. Disons que la folie des hommes rejoint la rage de la nature. Disons aussi que la mine n’ouvrira pas. Et que l’auteur ne clôt pas son livre sur un épilogue dressant un bilan général des différents destins croisés au cours du récit : Aslak s’enfonce pour ne pas en revenir dans les solitudes glacées, pendant que Klemet sanglote sur sa motoneige. Les autres, il n'en est plus question. On imagine que tout est rentré dans l'ordre.

Aslak, c'est lui "le dernier Lapon". Considéré par la vieille Berit Kutsi (qui en fut autrefois amoureuse) comme un saint, parce qu’il a épousé Aila malgré le viol subi à l’âge de quinze ans par un prospecteur étranger, qui aimait les filles très jeunes (tiens donc). Enceinte, elle n'a pas pu avorter, alors elle a tué son enfant à la naissance. Elle en est devenue folle, et sa folie consiste à pousser des cris effrayants, et à être dans l'incapacité d'assumer son existence.

Et non seulement Aslak lui est resté fidèle, mais il a tout fait pour préserver, en ce qui le concernait, le mode de vie traditionnel des Lapons, refusant toutes les facilités offertes par la technique moderne, à commencer par le scooter des neiges. Il accepte les hurlements sauvages qu'Aila pousse régulièrement, parfois pendant une journée entière. Mieux : il est aux petits soins pour elle, et l'entoure avec dévotion. 

Il lui prépare du feu et des vivres pour huit jours quand il accepte de servir de guide au prospecteur Racagnal. S'il accepte, c'est parce que quand il l’a fait entrer sous sa tente, Aila a reconnu à son poignet la gourmette de l'homme qui l’avait violée jeune fille (avec l'inscription MOSO, pour MinO SolO, l'entreprise qui avait envoyé Racagnal). Mais même sans cela, quand l’autre est arrivé sur son scooter, la première chose qu’Aslak s’est dite, c’est que le Mal en personne venait de faire son apparition. Inutile de dire que les jours de Racagnal sont comptés. Et sa fin, je peux vous dire qu'elle n'est pas piquée des hannetons.

 Au total, un livre agencé de main de maître, que le lecteur aurait tort de délaisser à cause de son volet ethnographique. Car l’auteur l’a construit en virtuose : techniquement, le puzzle est irréprochable. C'est du grand art. Il faut cependant surmonter sa répugnance à avaler l’épais documentaire qui alourdit indéniablement le récit. Y avait-il moyen de rendre l’exposé plus fluide, mieux intégré à l’action proprement dite ? Franchement, je ne sais pas.

 Olivier Truc frappe très juste en nous emmenant sur la frontière qui nous sépare du monde ancien. Un monde quasiment disparu sous les chenilles d'acier du char de la "modernité" et des artifices de la technique. Si Klemet est le personnage principal, Aslak est un personnage absolument magnifique. Il n'occupe pourtant dans le récit qu'une place assez marginale, mais qui se révèlera cruciale au bout du compte.

 

Que se passe-t-il dans un individu (Klemet) quand l'acculturation est passée par là, le coupant radicalement du peuple dont il est issu ? Quand il est sans cesse confronté à la présence d'un homme intègre (Aslak), qui lui fait peur parce qu'il n'a jamais transigé sur ses principes, au prix de lourds sacrifices touchant les facilités de la vie offertes par le "progrès" ? Klemet est Lapon, mais il travaille dans la police norvégienne. Il ne vient pas d'une famille d'éleveurs. Il ne connaît pas les vieilles traditions de son peuple. Aslak, contre vents et marées, est resté petit éleveur de rennes, et éleveur « à l'ancienne ». Pénétré de l'esprit de ses racines.

 

Racines dont Klemet est coupé. D'ailleurs il s'en veut de sa lâcheté. Il s'en veut d'avoir trahi la promesse faite autrefois à Aslak de s'évader en sa compagnie de l'orphelinat. Au dernier moment, il a flanché : « Tu sais quoi ? hurla Klemet, dont les yeux s'emplissaient de larmes qui lui faisaient mal. On avait sept ans ! Bon Dieu, sept ans ». Mais ce n'est pas une raison pour que le remords ne le ronge pas, même cinquante ans après : « Mais nous devions le faire ensemble, Klemet. C'était notre promesse », répond Aslak. Rien de pire qu'une promesse non tenue pour foutre en l'air un homme normal.

 

Aslak s'enfonce alors et disparaît dans la nuit polaire, tandis que Klemet sanglote comme un enfant sur son scooter des neiges, sous le regard éberlué et impuissant de Nina.

 

Une enquête policière, un documentaire sur les mœurs actuelles et traditionnelles des Lapons, des rudiments de prospection géologique, un aperçu des mœurs politiques dans les pays nordiques, une critique en règle de la "civilisation", non, je ne regrette pas d'être entré là-dedans, ce qui n’est déjà pas si mal. Et le dénouement est d'une grande force. Ce qui est mieux.

 

Voilà ce que je dis, moi. 

 

dimanche, 26 février 2012

PÊLE-MÊLE D'UN CARNET DE LECTURE (6)

JEUX POUR ACTEURS ET NON ACTEURS, Augusto Boal.

 

Je ne suis pas homme de théâtre, ça commence à se savoir, je me fais une raison. Mais enfin, il m’est arrivé de mettre le nez dans la question. Je retiens de ce bouquin deux anecdotes. Ou : « Comment se mettre dans la peau du personnage ? ». L’auteur est un metteur en scène brésilien.

 

 

Une jeune actrice n’y arrive pas, mais alors pas du tout. Elle est censée avoir passé une nuit à jouir sexuellement avec son amant, elle est dans le plaisir absolu et absolument assouvi. Le metteur en scène lui demande ce qui ne va pas. Elle est embarrassée, puis finit par avouer qu’elle est encore vierge. L’auteur lui suggère alors de se souvenir de quelque chose qui lui a donné un immense bonheur. Elle joue la scène à la perfection. L’auteur lui demande comment elle y est arrivée : « Je me suis souvenue du moment où, sur la plage d’Itapuan, j’ai mangé trois glaces à la suite, sous un cocotier ».

 

 

Un acteur  fait pleurer tout le monde en jouant un personnage qui est sur le point de se tirer une balle dans la tête. Il explique qu’il se souvient de son enfance, vécue dans une banlieue excessivement pauvre. Chaque fois qu’il prenait une douche, celle-ci était tellement froide, voire glacée, qu’il fixait avec une horrible angoisse la pomme de douche.

 

 

KAPUTT, Curzio Malaparte.

 

Un livre sur la guerre. L’auteur est correspondant pour un journal italien, quelque part entre Pologne et Finlande. Il côtoie les Allemands de près.  Un ton de tristesse noble, de compassion pour l’humanité. L’auteur montre, par sa façon de décrire les Allemands, pourquoi ils ne pouvaient que perdre la guerre.

 

 

Histoire du Général qui pêche le saumon dans une rivière, mais tombe sur un poisson qui ne se laisse pas faire, et qui dicte même sa loi. Sur les deux rives, son escorte militaire. Lui, au milieu de la rivière, est irrésistiblement entraîné par la force de l’animal. Et le combat dure, dure. Au bout du compte, il ordonne à son aide de camp d’abattre le saumon à coups de pistolet : « Hermann, erschiess ihn ! ». Belle image de l’Allemand en guerre, bientôt défait.

 

 

De même, la scène du banquet auquel participent des dignitaires nazis (dont HIMMLER, je crois bien) qui finissent, complètement ivres, par sombrer dans le ridicule en se conduisant ni plus ni moins que comme des porcs.

 

 

LA PEAU, Curzio Malaparte.

 

Souvent baroque et excessif, mais le sens certain de la création littéraire (la littérature est plus forte que la réalité). Est littérature ce que je dis et fais être littérature. Par rapport à Kaputt, le livre est plus centré sur quelques scènes magistrales, particulièrement travaillées.

 

A Naples, la grande dame qui, dans son palais, se déshabille pour parer de ses vêtements une jeune fille morte. La scène de la « sirène » dans un aquarium, lors d’un repas plus ou moins protocolaire, avec une Américaine puritaine étriquée.

 

 

Et puis la scène de la peau du Juif, qui donnes son titre au livre : sur une route d’Ukraine, où des juifs en pagaille ont été mis en crois, un juif a été écrasé par un char. Les habitants du village viennent, la nuit, décoller la peau de l’homme, et retournent au village en la portant, toute sèche, au bout d’une fourche, comme un drapeau (drap-peau).

 

 

Sur le champ de bataille de Monte Cassino, repas des officiers : cet homme qui montre, dans son assiette, les os d’une main qu’il vient de manger. Ce sont des os de poulet. Mais, en les disposant de manière très particulière, il fait croire aux autres que c’est la main d’un zouave qui vient d’être arrachée par un éclat d’obus, et que la déflagration a projetée dans la marmite ou mijotait le repas, et qu’il a consciencieusement dépiautée et dégustée.

 

 

LA CHANSON DES GUEUX, Naguib Mahfouz.

 

Une narration « à l’arabe », peu soucieuse de cartésianisme. Une recherche de symbole assez simple : 10 chapitres, 10 générations d’une lignée familiale. Un fondateur, bâtard sublime, qui disparaît mystérieusement, inaugurant la légende. L’hésitation entre le bien (vertu, pauvreté, droiture) et le mal (pouvoir, argent, concupiscence). Lutte où le mal triomphe souvent. Versatilité de l’opinion, vénalité des uns, cruauté des autres. La vie livrée au vent et aux humeurs. La main de la fatalité. Le cycle de la vie et de la mort. L’auteur réussit à faire d’un petit quartier d’une ville le centre d’un microcosme entier de la société humaine. Livre qui surprend, déroute et surprend nos habitudes de lecture.

 

 

LA MORT ME VIENT DE CES YEUX-LÁ, Rexhep Qossia (Redjep Tchossia). 1974

 

Livre déroutant et fort, structuré en 13 « contes » (chapitres). L’auteur a cherché à placer son récit à la lisière de l’individu et de la collectivité. Le Kossovo apparaît en tant qu’entité, et entité niée. La narration met en scène des individus, mais jamais ils ne sont qu’individus, et portent toujours avec eux l’idée de nation.

 

 

LES TAMBOURS DE LA PLUIE, Ismaïl Kadaré.

 

Admirable, l’art avec lequel Kadaré, en parlant du 15ème siècle, et de la tentative de conquête de l’Albanie par les Ottomans, évoque de façon nette le 20ème siècle. Peut-être les communistes. Il évoque en effet la lutte de l’Ouest contre l’Est : Skanderberg détruit les caravanes d’approvisionnement de Venise ; en face, le but est de pervertir l’identité nationale. Cette armée turque qui se fait littéralement « manger » par la ville ! Jeu entre l’intérieur et l’extérieur (défense et attaque). 

 

 

Je ne comprends pas que l'on n'aime pas la littérature.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.