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mardi, 27 décembre 2011

PARLONS ENCORE DU GENERAL CHAMBE

Résumé : René Chambe, en compagnie de Pelletier-Doisy, a abattu en combat aérien le quatrième avion allemand de la guerre de 1914-1918. Mais celle-là, il la raconte aussi dans des livres.

 

Je ne sais plus dans lequel de ces livres se trouve la très délicieuse histoire suivante, qui concerne Jean Navarre, un as de la « chasse » aérienne, mais un peu particulière pour cette fois, comme on va le voir. Pilotant je ne sais plus quel appareil de cette époque épique, Navarre, qui vole tout près du sol, aperçoit des canards. Qu’est-ce qui lui prend alors ? Eh bien tout le monde à sa place aurait fait ça, il se met à leur poursuite. 

 

Soudain, les canards opèrent un brusque virage à angle droit, que le pilote se met en devoir d’imiter. Sauf que les ailes de l’avion sont rigides et ont une autre envergure. L’une d’elles, comme vous l’avez deviné, se plante dans le sol, et NAVARRE va « aux patates ». Sans trop de mal, si je me souviens bien. Je pense à la vitesse des avions de l’époque. C’est quoi, la vitesse d’un canard qui fuit ? 

 

L’Escadron de Gironde raconte ce qu’on appelle, en langage militaire, un « fait d’armes », c’est-à-dire un « acte de bravoure ». Plus largement, c’est un livre écrit à la gloire de la cavalerie française au cours de la bataille de la Marne. On n’en est pas au sacrifice de la cavalerie polonaise, chargeant en 1940 les blindés allemands. C’est le début de la guerre, et la technique n’a pas encore tout emporté. Il reste du possible.

 

 

Je ne vais pas résumer ce tout petit livre de 160 pages très aérées: il s’agit de la charge exécutée par l’escadron du lieutenant De Gironde contre une escadrille allemande qu’il veut détruire, opération dans laquelle il laisse la vie. De l’héroïsme si l’on veut, de la sottise aussi. Indémêlables. 

 

On charge René Chambe, en 1916, d’organiser les forces aériennes roumaines. Il rejoint son poste en faisant un joli tour par les pays nordiques. Il met sur pied, vaille que vaille, une escadrille de combat, est blessé en combat aérien, obligé de revenir en France (avec le grade de capitaine).

 

Après le 11 novembre 1918, il fait partie des tout premiers militaires français à entrer en Alsace. Un monsieur Jacques Granier, dans son ouvrage Novembre 18 en Alsace, paru à l’occasion du cinquantenaire de l’événement, a consacré un chapitre à cet épisode en s’appuyant sur le « journal de guerre du capitaine Chambe ». 

 

Mais je préfère un autre document, qui évoque le même moment, car je le trouve vraiment émouvant (même si le récit fait la part belle aux effets et à l’émotion). C’est une plaquette d’une vingtaine de pages, où le signataire (R. C. Capitaine-Aviateur) raconte son arrivée dans le village de Niedernai, l’accueil chaleureux des habitants, de XAVIER et STANISLAS MULLER, aubergiste et maire de l’endroit. Elle est intitulée Pour que des Cloches Françaises chantent dans un Clocher d’Alsace. 

 

René Chambe avait reçu pour mission d’inspecter (« reconnaître ») le terrain d’aviation de Niedernai, en compagnie de deux camarades, au cas où les Allemands l’auraient piégé ou saboté avant de partir. Ils ont revêtu le pantalon rouge, "celui de la Marne". Ayant accompli leur mission, ils pénètrent dans le village, prenant tout le monde par surprise, car les troupes ne sont attendues que le surlendemain. Accueillis triomphalement à l’auberge, les trois aviateurs sont retenus quelques minutes, le temps pour les habitants de pavoiser tout le village aux couleurs de la France. C’est du délire. On est le 17 novembre.

 

Dans la rue, le curé Joseph Zimmer s’approche. Il avait 13 ans en 1870. Il est heureux que l’Alsace soit rendue à la France. Une chose le chagrine : les Allemands ont emporté en 1917 les cloches de l’église pour les fondre, et l’on n’a pas pu célébrer ce jour en les faisant carillonner. Qu’à cela ne tienne, réplique le capitaine Chambe, nous vous rendrons vos cloches. C’est ainsi qu’en 1922, il rédige la plaquette dont il s’agit ici, et qui renferme un bulletin de souscription et une adresse : Abbé Joseph Zimmer, Niedernai près Obernai, Alsace (Bas-Rhin).  

 

Sans aller jusqu’à financer les trois cloches, la souscription lancée par René Chambe produit assez d’argent pour faire fondre, par la société Causard à Colmar, la « grosse » cloche de 550 kg, note sol dièse (« Paroisse de Niedernai », « Don du Capitaine aviateur René Chambe de Lyon », et autres inscriptions), et une partie de la « moyenne », de 285 kg, note do (« Suzanne Odile Jacqueline Chambe »). Suzanne est l’épouse de René. Le nom est donc doublement inscrit sur les cloches de Niedernai. 

 

Le 2 décembre 1918 qui suit ces retrouvailles, on entre dans de l’officiel pur jus pur sucre : les premiers avions français atterrissent à Niedernai. Albert Brunissen, frère de l’évêque de Sainte-Odile, en quelques jours, a même appris à monter à cheval pour « accueillir dignement les libérateurs ». Le capitaine Chambe est en grand uniforme. 

 

Toute la société est sur son trente et un. Une photo rassemble tout ce beau monde : au premier rang au centre, le curé Joseph Zimmer, à sa gauche Xavier Muller, le maire (alors, est-ce le maire ou l’aubergiste ?). Tout à fait à droite, Michel Wintz, instituteur et secrétaire de mairie. Les deux filles (ou nièces ?) de celui-ci encadrent René Chambe, debout au deuxième rang. Beaucoup de costumes d’Alsaciennes, plusieurs uniformes, dont certains chargés de médailles, beaucoup d’hommes en manteau solennel et haut-de-forme. 

 

Le dernier épisode en date se produit en 2009. François Kieffer, présenté comme « historien local », correspondant des D. N. A. par ailleurs, reçoit un coup de fil. C’est un appel de Montpellier, où un collectionneur de « militaria » a acquis un drapeau (2,25 x 1,02 m.). 

 

Ce drapeau a quelque chose de spécial. Il porte une broderie, pas un travail professionnel, visiblement, mais très touchant, dont on ignore à ce jour le nom de celle qui tenait l’aiguille. En lettres capitales : Niedernai, embrassé par deux branches de laurier nouées d’un beau nœud d’or, le tout soutenu par la mention de la date en caractères cursifs très lisibles : 2 décembre 1918. L'ensemble est en excellent état. Deux décembre 1918 ! Quelle trouvaille !  

 

Patrick Douniau, maire du village, ne fait ni une ni deux pour se porter acquéreur du symbole, et le faire figurer en bonne place dans l’exposition organisée lors du 11 novembre 2009. « Ce drapeau retrouvé serait celui qui fut remis aux aviateurs en ce jour historique » (D. N. A., 30 juin 2009). Beau retour au bercail. Finalement, le monde est petit. Je me suis appuyé, pour résumer (à la serpe, il faut bien le dire) l’épisode, sur les documents qu’ont bien voulu me transmettre messieurs François Kieffer et Patrick Douniau, et madame Jacqueline Koch. Qu’ils soient ici remerciés.

 

Voilà ce que je dis, moi !

 

Il y aura sans doute encore à dire.

PARLONS ENCORE DU GENERAL CHAMBE

Résumé : René Chambe, en compagnie de Pelletier-Doisy, a abattu en combat aérien le quatrième avion allemand de la guerre de 1914-1918. Mais celle-là, il la raconte aussi dans des livres.

 

Je ne sais plus dans lequel de ces livres se trouve la très délicieuse histoire suivante, qui concerne Jean Navarre, un as de la « chasse » aérienne, mais un peu particulière pour cette fois, comme on va le voir. Pilotant je ne sais plus quel appareil de cette époque épique, Navarre, qui vole tout près du sol, aperçoit des canards. Qu’est-ce qui lui prend alors ? Eh bien tout le monde à sa place aurait fait ça, il se met à leur poursuite. 

 

Soudain, les canards opèrent un brusque virage à angle droit, que le pilote se met en devoir d’imiter. Sauf que les ailes de l’avion sont rigides et ont une autre envergure. L’une d’elles, comme vous l’avez deviné, se plante dans le sol, et NAVARRE va « aux patates ». Sans trop de mal, si je me souviens bien. Je pense à la vitesse des avions de l’époque. C’est quoi, la vitesse d’un canard qui fuit ? 

 

L’Escadron de Gironde raconte ce qu’on appelle, en langage militaire, un « fait d’armes », c’est-à-dire un « acte de bravoure ». Plus largement, c’est un livre écrit à la gloire de la cavalerie française au cours de la bataille de la Marne. On n’en est pas au sacrifice de la cavalerie polonaise, chargeant en 1940 les blindés allemands. C’est le début de la guerre, et la technique n’a pas encore tout emporté. Il reste du possible.

 

 

Je ne vais pas résumer ce tout petit livre de 160 pages très aérées: il s’agit de la charge exécutée par l’escadron du lieutenant De Gironde contre une escadrille allemande qu’il veut détruire, opération dans laquelle il laisse la vie. De l’héroïsme si l’on veut, de la sottise aussi. Indémêlables. 

 

On charge René Chambe, en 1916, d’organiser les forces aériennes roumaines. Il rejoint son poste en faisant un joli tour par les pays nordiques. Il met sur pied, vaille que vaille, une escadrille de combat, est blessé en combat aérien, obligé de revenir en France (avec le grade de capitaine).

 

Après le 11 novembre 1918, il fait partie des tout premiers militaires français à entrer en Alsace. Un monsieur Jacques Granier, dans son ouvrage Novembre 18 en Alsace, paru à l’occasion du cinquantenaire de l’événement, a consacré un chapitre à cet épisode en s’appuyant sur le « journal de guerre du capitaine Chambe ». 

 

Mais je préfère un autre document, qui évoque le même moment, car je le trouve vraiment émouvant (même si le récit fait la part belle aux effets et à l’émotion). C’est une plaquette d’une vingtaine de pages, où le signataire (R. C. Capitaine-Aviateur) raconte son arrivée dans le village de Niedernai, l’accueil chaleureux des habitants, de XAVIER et STANISLAS MULLER, aubergiste et maire de l’endroit. Elle est intitulée Pour que des Cloches Françaises chantent dans un Clocher d’Alsace. 

 

René Chambe avait reçu pour mission d’inspecter (« reconnaître ») le terrain d’aviation de Niedernai, en compagnie de deux camarades, au cas où les Allemands l’auraient piégé ou saboté avant de partir. Ils ont revêtu le pantalon rouge, "celui de la Marne". Ayant accompli leur mission, ils pénètrent dans le village, prenant tout le monde par surprise, car les troupes ne sont attendues que le surlendemain. Accueillis triomphalement à l’auberge, les trois aviateurs sont retenus quelques minutes, le temps pour les habitants de pavoiser tout le village aux couleurs de la France. C’est du délire. On est le 17 novembre.

 

Dans la rue, le curé Joseph Zimmer s’approche. Il avait 13 ans en 1870. Il est heureux que l’Alsace soit rendue à la France. Une chose le chagrine : les Allemands ont emporté en 1917 les cloches de l’église pour les fondre, et l’on n’a pas pu célébrer ce jour en les faisant carillonner. Qu’à cela ne tienne, réplique le capitaine Chambe, nous vous rendrons vos cloches. C’est ainsi qu’en 1922, il rédige la plaquette dont il s’agit ici, et qui renferme un bulletin de souscription et une adresse : Abbé Joseph Zimmer, Niedernai près Obernai, Alsace (Bas-Rhin).  

 

Sans aller jusqu’à financer les trois cloches, la souscription lancée par René Chambe produit assez d’argent pour faire fondre, par la société Causard à Colmar, la « grosse » cloche de 550 kg, note sol dièse (« Paroisse de Niedernai », « Don du Capitaine aviateur René Chambe de Lyon », et autres inscriptions), et une partie de la « moyenne », de 285 kg, note do (« Suzanne Odile Jacqueline Chambe »). Suzanne est l’épouse de René. Le nom est donc doublement inscrit sur les cloches de Niedernai. 

 

Le 2 décembre 1918 qui suit ces retrouvailles, on entre dans de l’officiel pur jus pur sucre : les premiers avions français atterrissent à Niedernai. Albert Brunissen, frère de l’évêque de Sainte-Odile, en quelques jours, a même appris à monter à cheval pour « accueillir dignement les libérateurs ». Le capitaine Chambe est en grand uniforme. 

 

Toute la société est sur son trente et un. Une photo rassemble tout ce beau monde : au premier rang au centre, le curé Joseph Zimmer, à sa gauche Xavier Muller, le maire (alors, est-ce le maire ou l’aubergiste ?). Tout à fait à droite, Michel Wintz, instituteur et secrétaire de mairie. Les deux filles (ou nièces ?) de celui-ci encadrent René Chambe, debout au deuxième rang. Beaucoup de costumes d’Alsaciennes, plusieurs uniformes, dont certains chargés de médailles, beaucoup d’hommes en manteau solennel et haut-de-forme. 

 

Le dernier épisode en date se produit en 2009. François Kieffer, présenté comme « historien local », correspondant des D. N. A. par ailleurs, reçoit un coup de fil. C’est un appel de Montpellier, où un collectionneur de « militaria » a acquis un drapeau (2,25 x 1,02 m.). 

 

Ce drapeau a quelque chose de spécial. Il porte une broderie, pas un travail professionnel, visiblement, mais très touchant, dont on ignore à ce jour le nom de celle qui tenait l’aiguille. En lettres capitales : Niedernai, embrassé par deux branches de laurier nouées d’un beau nœud d’or, le tout soutenu par la mention de la date en caractères cursifs très lisibles : 2 décembre 1918. L'ensemble est en excellent état. Deux décembre 1918 ! Quelle trouvaille !  

 

Patrick Douniau, maire du village, ne fait ni une ni deux pour se porter acquéreur du symbole, et le faire figurer en bonne place dans l’exposition organisée lors du 11 novembre 2009. « Ce drapeau retrouvé serait celui qui fut remis aux aviateurs en ce jour historique » (D. N. A., 30 juin 2009). Beau retour au bercail. Finalement, le monde est petit. Je me suis appuyé, pour résumer (à la serpe, il faut bien le dire) l’épisode, sur les documents qu’ont bien voulu me transmettre messieurs François Kieffer et Patrick Douniau, et madame Jacqueline Koch. Qu’ils soient ici remerciés.

 

Voilà ce que je dis, moi !

 

Il y aura sans doute encore à dire.