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dimanche, 29 septembre 2019

AUJOURD'HUI, LA CROIX-ROUSSE

Pour dire ce que c'était que le "village" de la Croix-Rousse il y a bien longtemps, il faut aujourd'hui un gros effort d'imagination. Je ne dis pas que "c'était mieux avant" (vous savez, cette antienne – dire ɑ̃tjɛn, seuls les ignorants prononcent comme "ancienne" – dont se gaussait le "philosophe" Michel Serres avant d'avaler son bulletin de naissance) : l'urbanisation de la "colline qui travaille" ne date pas d'hier.

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Vu du satellite, au nord la rue Hénon, au sud le Boulevard de la Croix-Rousse. A l'est la rue Belfort, à l'ouest la rue Philippe de Lassalle. Un beau quadrilatère.

Je ne ferai que survoler l'histoire à très haute altitude, mais enfin, c'était une urbanisation que je ne qualifierais pas de galopante, où dominait la maison individuelle, qui occupait les anciens champs, prés et cultures. On a donné à quelques rues les noms des propriétaires des terrains grignotés (Célu, Dumenge, Savaron, Pelletier, etc.).

En dehors des "immeubles de canuts", rares étaient les immeubles de grande hauteur : la Grande-rue de la Croix-Rousse, parmi d'autres, en témoigne.

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Grande rue de la Croix-Rousse, vue vers l'ouest. Franchement, est-ce que vous avez l'impression d'être dans une grande ville ?

Rares aussi étaient les immeubles "bourgeois" en classique pierre de taille : en dehors du boulevard, j'en vois bien un au début de la rue Chariot d'Or, peut-être quelques autres ici ou là, mais c'est tout.

Une bonne partie de la rue du Mail a été construite en pisé, comme l'a montré la mésaventure arrivée au "petit Casino" qui jouxtait un immeuble qui a failli s'effondrer, par négligence du propriétaire voisin, qui n'avait fini par faire le nécessaire pour empêcher le pisé de "fondre" aux intempéries que lorsque la mairie avait pris un arrêté de péril. Le "petit Casino" a décampé, remplacé par des vélos électriques après consolidation, mais l'immeuble amoché ne ressemble toujours à rien.

Tout ça pour dire qu'il existe encore aujourd'hui un grand nombre de maisons individuelles sur le plateau de la Croix-Rousse, et bien souvent sans que quiconque s'en doute s'il n'habite pas le quartier et s'il ne s'intéresse pas à la question. Il suffit de survoler celui-ci en satellite, muni d'un bon appareil photo, pour s'en rendre compte. On voit en effet, au sein même des îlots d'habitation, bien protégé des regards indiscrets par les immeubles sur rue, un enchevêtrement invraisemblable de petites constructions.

Le plus caractéristique de ces îlots est formé par le quadrilatère dessiné par les rues Pailleron, du Mail, du Chariot d'Or et de la Croix-Rousse.

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Vue vers l'est, le sud est à droite. Sur la rue, des rez-de-chaussée et deux étages : les dimensions restent humaines. 

A cause du rectangle excessivement long et étroit de l'îlot, j'ai retranché la partie nord jusqu'à la rue Pailleron (vers la gauche ici), mais je trouve que le salmigondis de petites maisons imbriquées les unes dans les autres est assez parlant par rapport au fond d'immeubles de plus grande hauteur qui donnent, de l'autre côté, sur la rue du Mail. J'imagine la complexité de certains accès et le lacis bien serré des « servitudes de passage » légales. Je signale en passant que c'est à peu près sur ce modèle qu'était bâtie la montée de la Grande-Côte, impitoyablement rasée en je ne sais plus quelle année ténébreuse.

D'autres îlots caractéristiques : le rectangle vaguement trapézoïdal dessiné par les rues de la Croix-Rousse, Calas, de Cuire et Rosset.

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Le nord est en haut, et la verdure est bien cachée, sauf dans les deux créneaux sur la rue Calas, en bas.

Ou bien, plus au sud, celui que cernent les rues Croix-Rousse, Dumont, de Cuire et le clos Carret au nord.

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Là, qu'on m'excuse, j'ai mis le nord en bas pour avoir les immeubles hauts de la rue Dumont (voir aussi photo ci-dessous) bien au fond, pour faire apparaître d'abord la verdure, et puis le morcellement du terrain et la petite taille des maisons. J'attire l'attention sur la grosse maison isolée en haut à droite de l'image (voir plus bas).

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L'étrange rue Dumont, avec ses hauts immeubles à gauche et ce drôle d'alignement de maisons basses à droite.

Trois exemples (ce ne sont pas les seuls) qui montrent l'absolue spécificité de ce quartier, qui amène les Lyonnais de la Croix-Rousse à dire : « Je descends à Lyon » quand ils vont faire des courses dans la presqu'île, comme les gens de la campagne disent : « Je vais en ville » quand ils montent dans leur voiture pour se rendre à l'hypermarché. Je pense qu'on trouve peu de grandes villes en France où les choses se passent ainsi.

Un détail cependant me chagrine et me fait douter que l'avenir préservera cette particularité : on voit distinctement, en haut à droite de la photo du troisième îlot, une maison de belle taille qui ouvre sur la rue de Cuire par un espace vert et trois bâtisses de petite taille.

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La photo, ici, est orientée vers l'est (rue de Cuire en bas, sud à droite). Il semble que les trois bâtisses, mais aussi la maison, mais aussi le terrain, étaient inoccupés depuis lurette. Je ne sais quel conflit a peut-être fait durer les choses.

Cette photo ne rend absolument pas compte de ce qui s'y passe depuis plus d'un an : la société Gogol ne dit pas de quand date l'image satellite, mais elle est visiblement très en retard sur la réalité, visible ci-dessous.

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De quoi colmater, sinon l'horizon, du moins une belle dent creuse. On aperçoit sur une autre photo un pignon de la grosse maison profondément modifiée. L'immeuble n'est pas tout à fait fini, mais il est là et bien là.

Autre dent creuse bientôt bouchée : juste en face de l'église Saint-Denis. Ci-dessous, la photo satellite, suivie d'une photo non ambiguë, photos captée (1) et prise (2) le 28 septembre à 16 h 41.

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J'aimerais bien que tout ça ne préfigure pas d'autres opérations immobilières destructrices. Je ne me fais cependant aucune illusion : s'il n'y a pas un plan de destruction d'ensemble, on assiste bien à un grignotage, sinon systématique, du moins attentif et opportuniste, pour aboutir avec le temps, je le crains, à un habitat enfin uniformisé, homogénéisé, standardisé et, dans le pire des cas, à la façon de "La Confluence". J'imagine fort bien les gourmandises aiguisées qui se penchent sur les photos satellite et le cadastre pour se partager le gâteau.

Je les imagine fort bien, impatients et voraces, en train de se dire que, quoi qu'il arrive, le temps travaille pour les "bâtisseurs".

La Croix-Rousse : un avenir lucratif.

Voilà ce que je dis, moi.

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