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lundi, 13 mars 2017

PORTRAIT BIEN MAZARINÉ

Le cardinal de Retz vient d’achever le portrait de Richelieu. Ci-dessous, il attaque – c’est peu dire ! – celui de Mazarin.

« Le cardinal Mazarin était d’un caractère tout contraire. Sa naissance était basse et son enfance honteuse. Au sortir du Colisée, il apprit à piper, ce qui lui attira des coups de bâtons d’un orfèvre de Rome appelé Moreto. Il fut capitaine d’infanterie en Valteline ; et Bagni, qui était son général, m’a dit qu’il ne passa dans sa guerre, qui ne fut que de trois mois, que pour un escroc. Il eut la nonciature extraordinaire en France, par la faveur du cardinal Antoine, qui ne s’acquérait pas, en ce temps-là, par de bons moyens. Il plut à Chavigni par ses contes libertins d’Italie, et par Chavigni à Richelieu, qui le fit cardinal, par le même esprit, à ce que l’on a cru, qui obligea Auguste à laisser à Tibère la succession de l’Empire. La pourpre ne l’empêcha pas de rester valet sous Richelieu. La reine l’ayant choisi faute d’autre, ce qui est vrai quoi qu’on en dise, il parut d’abord l’original de "Trivelino Principe" [l'acteur Trivelin jouait les valets et les aventuriers]. La fortune l’ayant ébloui et tous les autres, il s’érigea et l’on l’érigea en Richelieu ; mais il n’en eut que l’impudence de l’imitation. Il se fit de la honte de tout ce que l’autre s’était fait de l’honneur. Il se moqua de la religion. Il promit tout parce qu’il ne voulut rien tenir. Il ne fut ni doux ni cruel, parce qu’il ne se ressouvenait ni des bienfaits ni des injures. Il s’aimait trop, ce qui est le naturel des âmes lâches ; il se craignait trop peu, ce qui est le caractère de ceux qui n’ont pas de soin de leur réputation. Il prévoyait assez bien le mal, parce qu’il avait souvent peur ; mais il n’y remédiait pas à proportion, parce qu’il n’avait pas tant de prudence que de peur. Il avait de l’esprit, de l’insinuation, de l’enjouement, des manières ; mais le vilain cœur paraissait toujours au travers, et au point que ces qualités eurent, dans l’adversité, tout l’air du ridicule, et ne perdirent pas, dans la plus grande prospérité, celui de fourberie. Il porta le filoutage dans le ministère, ce qui n’est jamais arrivé qu’à lui ; et ce filoutage faisait que le ministère, même heureux et absolu, ne lui seyait pas bien, et que le mépris s’y glissa, qui est la maladie la plus dangereuse d’un Etat, et dont la contagion se répand le plus aisément et le plus promptement du chef dans les membres. »

Littérature, conscience historique, connaissance de l'homme, rien ne manque. 

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