dimanche, 12 mai 2013
LA BANALITE DU MAL
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On ne sait plus à quel saint ni à quel diable se vouer. Les gens ne portent plus le fond de leur âme sur la figure ! Les gens enfouissent désormais les turpitudes qu’ils mijotent derrière un masque de respectabilité ou de courtoisie ! On ne peut plus se fier à personne, je vous dis !
Autrefois, au moins, on savait à qui on avait à faire : le cow boy justicier avait la tête de Gary Cooper. Le chevalier était blanc, blond et ses yeux étaient bleus. La petite bergère mignonne comme un cœur pouvait prétendre séduire le prince au cœur pur, l’épouser et « ils eurent beaucoup d’enfants ». Le méchant était laid, tordu, l’œil torve.
Maintenant, n’importe qui peut être n’importe quoi. Regardez le Monsieur Propre du Parti « Socialiste », Jérôme Cahuzac ! Le bon dieu sans confession ! Pas la gueule du Paradis sur Terre, il ne faut pas exagérer, mais on n’hésitait pas à lui confier ses économies. Patatras ! C’était lui, le loup dans la bergerie ! Comment voulez-vous vous faire une idée ?
Et puis voilà-t-il pas que, de l’autre côté, les spécialistes du dépistage du Mal sont incapables d’identifier les mauvais quand ils les ont sous les yeux ! Invraisemblable ! La preuve ? Prenez les frères Castro, par exemple. Ils s’appellent Ariel, Onil et Pedro. Franchement, même sans être flic dans la charmante cité de Cleveland, Ohio, on voit leur gueule et on sait aussitôt à quoi s’en tenir.
Eh bien non ! Les voisins, les services sociaux signalent quelques anomalies, les flics arrivent, font trois petits tours et puis repartent comme ils étaient venus. RAS, comme écrit l’adjudant dans son cahier de surveillance à la fin de sa permanence de nuit. Il ne s’est rien passé, il ne se passe rien, circulez.
Et puis voilà, un jour, ça éclate : l’une des prisonnières décide que ça suffit, et arrive à s’échapper. Et tout d’un coup, le monde s’écroule en tombant de haut. Dix ans que ça durait ! Stupéfait, le monde découvre le calvaire de quelques esclaves sexuelles enlevées une décennie auparavant ! Stupéfait, le monde découvre les gueules patibulaires des trois tortionnaires, dont on se dit qu’elles auraient fait sans problème des gueules d’assassins ! Je passe sur les questions qui se posent, sur tout ce qui a permis qu’une telle situation perdure à ce point.
ARIEL ONIL PEDRO
UNE BELLE BROCHETTE
(Ariel se vantait ouvertement, paraît-il, d'être un "prédateur sexuel")
Maintenant, regardez, plus près de chez nous. Cette fois, ça se passe en Allemagne. Regardez-la, cette gueule d’ange. Elle s’appelle Beate Zschäpe. On lui impute une dizaine de meurtres. Enfin, ce n’est peut-être pas elle directement, mais ses deux complices masculins se sont suicidés, la laissant toute seule pour porter le chapeau.
Enfin, peut-être pas toute seule, s’il s’avère que certains membres de la police ont laissé la bride sur le cou à la bande, au motif que les cibles de celle-ci étaient des Turcs (après une policière qui leur a légué son arme de service). Ce qui est sûr, c’est que la chose a duré assez longtemps. Alors on me dira qu’il ne faut pas confondre des situations qui ne sauraient être le calque l’une de l’autre.
Je note cependant, d’une part que, dans les deux cas, il s’agit de trios de criminels. Ce ne sont pas des individus isolés, et leur « surface » sociale est donc forcément plus importante, ne serait-ce qu’à cause des interactions que la vie quotidienne implique nécessairement (faire ses courses, se déplacer, échanger avec les voisins, etc.).
Je note aussi que dans les deux cas, l’attitude de la police ne laisse pas que d’interroger. Je note surtout que, quoi qu’il arrive, le Mal se dissimule sous des apparences acceptables, si l’on excepte les têtes de truands du trio américain. Comme le résume la formule extraordinaire de Hannah Arendt en sous-titre de son ouvrage sur le procès du nazi Eichmann à Jérusalem, le Mal a pris le masque de la Banalité.
Que le Mal ait une gueule patibulaire ou une frimousse angélique, impossible de l'identifier. C'est sûr : il est partout.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans UNE EPOQUE FORMIDABLE | Lien permanent | Commentaires (0)
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