jeudi, 20 septembre 2012
LA DOMESTICATION PAR LA MUSIQUE
Pensée du jour : « On range le corail et autres vernis flashy pour faire place aux "bonnes vieilles" couleurs sombres de l'hiver. Pour ne pas commettre d'impaire [sic !], voilà [sic !] les grandes tendances de vernis pour l'hiver 2012. Dès cet automne, on trouve au rayon vernis à ongles trois grandes familles de couleurs : les nudes (tendance fond de teint), les irisés (déclinés sur des bases plutôt foncées) et les outsiders (vert sapin, bleu électrique, ébène) ».
(non signé - ci-contre, sauf erreur, c'est de l'irisé)
Au fait, qu'est-ce qu'il a fait, LES PAUL (voir hier) ? Il a popularisé, sinon inventé (entre autres), l'amplification de la guitare (certains disent que c'est EDDIE DURHAM l'inventeur). La guitare électrique à corps plein (solidbody). Voilà. CHARLIE CHRISTIAN, mort trop jeune en 1942, fut le premier virtuose à faire de la guitare amplifiée un instrument solo (Gibson ES-150). Ecoutez donc ses enregistrements avec BENNY GOODMAN (dont la très agréable improvisation, un début de "jam session" (13 mars 1941) de studio Waiting for Benny). L'amplification électrique des sons ne date pas d'hier, comme on voit.
Tiens, à propos d’électricité, je me souviens d’un concert de SISTER ROSETTA THARPE, au TNP de Villeurbanne. Sa guitare était évidemment électrifiée. Pas de chance, le branchement est tombé en carafe. Elle allait sans doute engueuler le technicien. Tancer l’organisateur. Pester contre l’incompétence ambiante. Pour le moins arrêter le concert. Mais que nenni, brother !
La SISTER, vous l’auriez vue. Elle a hésité quelques secondes, et puis, sur un rire merveilleux du bras et du visage qui voulait dire "basta !", elle s’est jetée à l’eau avec son instrument réduit à ses sons naturels. Tout le concert comme ça ! Du feu de dieu ! On ne peut pas oublier un instant pareil. Un geste impensable aujourd’hui. Ben oui, qu'est-ce qu'ils ont, aujourd'hui, les gars, comme réserves personnelles, pour y aller aussi crânement ? Pour se passer de la nandrolone (vous savez, ce qui fait gonfler les muscles des haltérophiles et des culturistes) électrique ?
J’aimerais donc qu’on m’explique en quoi l’électricité est la condition sine qua non de la production de sons musicaux. Eh bien si : en dehors du binaire amplifié boum-boum, point de salut ! Il paraît. En tout cas, c'est la conviction de la plupart. Moi je dis : rien que du gringalet. Et j'ajoute : jus de poulet dans les veines ! La preuve ? Eh bien écoutez le violon de NEMANJA RADULOVIC, en direct, vous verrez s'il a besoin d'une prise de courant pour vous en mettre plein les oreilles.
Tenez, un soir de « Fête » (?) de la « Musique » (?), je me baladais Boulevard Saint-Germain à Paris. Un « groupe » (guitare, guitare basse, batterie) tous les cinquante mètres, à peu près. Tous amplifiés, évidemment. Devinez la bouse infernale, la symphonie caqueuse et satanique, l'excrément du diable que ça faisait, comme si ça sortait d’un seul démesuré, pharaonique, éléphantesque ANUS SONORE. Des chiottes partout. A ciel ouvert ! Avec la bénédiction des autorités et des familles !
Saint Décibel, ô tout puissant ! Avons-nous mérité ce châtiment ? L'électricité appliquée à l'instrument de musique est une malédiction.
Alors c’est ça, la musique ? Même le Roumain qui joue de la guitare et chante place de la Croix-Rousse s’est acheté un amplificateur. Et ses collègues roumains qui jouent clarinette et baritone (instrument du pays, comme le taragott) dans le quartier ont leur section rythmique enregistrée (dopée au décibel depuis avant-hier). Peut-être que ça rapporte mieux qu'un golden retriever ?
C’est vrai, combien il récolte, l’Américain de la rue Victor Fort, avec juste sa voix et sa guitare sèche ? Et la jeune harpiste (celtique) qui accompagne son chant avec son art juste vocal et digital ? Et le courageux violoncelliste qui, l’autre jour, en bout de marché, offrait les Suites de JEAN-SEBASTIEN B. ?
Le jour prochain de la grande panne électrique mondiale, il n’y a pas que les congélateurs, les ascenseurs, les ordinateurs et les télévisions qui vont pleurer, c’est moi qui vous le dis ! On retrouvera peut-être le goût des plaisirs simples ?
Car il est clair que plus aucun de nos moindres gestes ne saurait s’accomplir sans un potentiel électrique à proximité immédiate. Sans électricité, c’est toute notre civilisation qui s’effondre brutalement. Ne cherchez pas ailleurs le motif de la course effrénée aux sources d’énergie. La musique électriquement amplifiée n’est qu’un corollaire du théorème général.
Si nous étions cohérents et sincères, nous appellerions cela L'ESCLAVAGE : asservis au compteur électrique et à la prise de courant, nous sommes. C'est un nouveau LA BOETIE qu'il faudrait : De la Servitude volontaire, écrivait-il au XVIème siècle. C'est tout à refaire. Pas bien beau, non ?
Car si on réfléchit un peu, notre déni tous azimuts de la « Nature » (un déni qui ne nous empêche pas de la mythifier et de l'adorer en paroles, conformément à la doxa écologiste, qui n’est au fond qu’un bourre-mou), à quoi il tient ? A ce que tous les groupes électrogènes de la planète (centrales nucléaires comprises) continuent à jamais à alimenter nos machines, sans s'arrêter un seul instant. A notre angoisse épouvantable à l'idée que les tuyaux qui acheminent le courant jusqu'à nos couvertures chauffantes puissent un jour être coupés.
Voilà ce que je dis, moi.
09:16 Publié dans BOURRAGE DE CRÂNE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : vernis à ongles, guitare gibson, guitare les paul, gibson es 150, nemanja radulovic, eddie durham, charlie christian, benny goodman, sister rosetta tharpe, jazz, blues, gospel, negro spiritual, fête de la musique, amplificateur, jean-sébastien bach, croix-rousse, la boétie, servitude volontaire
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