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jeudi, 31 octobre 2013

BOSCO : M. CARRE-BENOÎT

MONSIEUR CARRE-BENOÎT A LA CAMPAGNE

 

Monsieur Carre-Benoît à la campagne, livre de Henri Bosco, raconte l’histoire d’une vengeance. Et c’est un livre ironique. M. Carre-Benoît est une caricature de gratte-papier, qui ne considère l’existence qu’à travers sa gestion administrative et l’infinité des formulaires à remplir pour en venir à bout. Il ne pense que par registres, classements et formules protocolaires. Sous-Chef retraité d’une administration jamais précisée, il n’a d’ailleurs rien de plus pressé que d’ouvrir un bureau dans la petite ville des Aversols, située à l’écart des voies de circulation et, comme telle, vivant repliée sur elle-même.

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LA RELIURE EST EVIDEMMENT DE BONET

Un bureau pour quoi faire, demanderont les curieux ? Eh bien M. Carre-Benoît tient à ouvrir un « Bureau » pour le principe. M. Carre-Benoît porte en lui la quintessence même du bureau : le bureau en soi. Il ne conçoit pas la vie sans le vaste quadrilatère en bois devant lequel il convient de s’asseoir le matin, sans le volumineux et alphabétique classeur à tiroirs (tous vides, comme le constatera M. Bourmadier), et surtout sans l’inscription peinte à l’envers sur la vitrine, pour que le bon peuple qui passe tous les jours devant celle-ci sache bien que, derrière, ne se déroulent que des activités indispensables, surtout si on ne sait pas à quoi le bureau sert.

 

Fulgence Carre-Benoît avait épousé Hermeline, petite nièce d’Hortense, veuve Chobinet, qui avait survécu cinquante ans à son époux, mort noyé. Avant de mourir, il avait tout de même eu le temps de flamber l’intégralité de la petite fortune possédé par sa femme, et même de la faire passer intégralement entre les mains du notaire, Me Ratou, par hypothèques successives.

 

Ça tombe bien, Me Ratou est, depuis toujours, amoureux d’Hortense. Certes, quand Hortense est devenue Madame Chobinet, il a fini par se faire une raison, mais quand Chobinet est mort, il a repris espoir. En vain. Alors tous deux se sont contentés d’une amitié tendre, quotidiennement cultivée au pied de l’énorme peuplier Timoléon.

 

Hermeline a donc hérité de sa tante une maison dans la ville des Aversols, et M. Carre-Benoît vient logiquement en prendre possession. Le couple sera servi par Zéphyrine, la propre servante d’Hortense, dévouée corps et âme à sa vieille maîtresse. Son antipathie (quasiment sa haine) pour M. Carre-Benoît est aussi immédiate et entière que sa sympathie pour Hermeline.

 

Troupignan est le maire, surtout peu soucieux de faire quoi que ce soit, ce dont les habitants lui sont tellement reconnaissants qu’ils le réélisent constamment depuis vingt ans. La Mairie n’est d’ailleurs ouverte qu’à l’occasion des élections. Le commerce de Mme Ancelin est le seul endroit trépidant de la ville, puisque c’est là que s’échangent la plupart des informations, autant dire des cancans, ragots, commérages et autres rumeurs, qui sont le sang circulant dans les veines de la ville et le sel qu’on met dans le civet de tous les jours pour en relever le goût.

 

Parlons encore de la Poste, mollement tenue par le flegmatique et nonchalant Séraphin Chicouras, qui vit entouré de ses parents, mais surtout de son ardente et ambitieuse sœur Léontine, qui ne tarde pas à jeter les yeux sur Fulgence Carre-Benoît et à escompter tout le profit qu’il y aurait à tirer en favorisant son ascension sociale. Elle est oblligée, pour conduire ses intrigues, de réprimer le feu intérieur dont elle brûle en permanence, et qui d’ailleurs la perdra.

 

Toute la première partie du livre est consacrée à l’établissement progressif de la majesté de M. Carre-Benoît : il impressionne quelques habitants, qui en parlent dans le magasin de Mme Ancelin, qui se charge de répandre dans la population un sentiment d’admiration pour le personnage, dont le prestige imaginaire, gagnant en ampleur, finit par faire de l’ombre au maire en place, qui ne s’en remettra pas.

 

La deuxième partie raconte la séquence classique qu’on peut intituler « grandeur et décadence ». Depuis le passage aux Aversols de Bourmadier, fondateur de « La Récupératrice », industriel et brasseur d’affaires, la ville explose d’activité. Il a inventé et fait breveter une liqueur, à moins que ce ne soit un élixir ou un apéritif : le « Cuq ». Il voit grand, et fait construire séance tenante une usine de fabrication. La ville se met aussitôt à bruire de mille mouvements.

 

Mais ce n’est pas pour longtemps.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

A noter que l'auteur prend soin de préciser dans une "note phonétique" précédant le récit qu'il faut prononcer « Carre-Benoît », et non « Carré-Benoît », tout comme on prononce un « bécarre ». A noter aussi que le nom apparaît (fugitivement en passager de diligence, et l'apparition est loin d'y être flatteuse) dans Barboche.

 

 

 

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