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mardi, 14 novembre 2023

L'HOMME DE VIALATTE 1

L'homme est devenu cosmique. Il se sent entraîné par la giration des étoiles. Il tourne autour d'axes invisibles. Toutes les douze heures, à cheval sur l'équateur, il se retrouve à vol d'oiseau à plus de 12.500 kilomètres de lui-même. Le grabataire, le paralytique, ne font pas moins de 40.000 kilomètres par jour. 

L'homme tel qu'on peut le voir de nos jours, nettoyant son auto avec un chiffon jaune, ou mordu à la fesse dans un jardin de banlieue par le "chien méchant" d'un cousin riche, cet homme remonte à la plus haute Antiquité.

L'homme est de la race des œufs dont on fait les omelettes.

L'homme, quoi qu'il fasse, finit toujours par se trouver en caleçon au fond d'un placard.

L'homme est devenu environnaire. Il a été remplacé par un trou.

L'homme reste le roi de la création. Il est debout sur la terre, qui tourne au milieu de toutes les choses qui tombent. Il est très beau à voir ainsi, parce qu'il a des souliers qui brillent. Il les fait luire avec un velours de coton.

L'homme assaille l'homme de ses questions : "Comment puis-je connaître le bonheur ?", "Que faire pour atteindre la paix ?", "Où se trouve la vérité ?", "Où sont les lavabos ?". Autant de questions qui prouvent son ignorance.

L'homme se compose essentiellement d'un chapeau mou et d'un pardessus demi-saison. Mais il n'y a là qu'une vérité moyenne. Aux courses, par exemple, il porte un melon gris.

L'homme a grand besoin du serpent de mer et de l'éléphant. L'homme ne saurait se passer des monstres. Comment connaîtrait-il sa taille sans la girafe et l'arteron ?

L'homme n'est réellement beau que sur les monuments, entouré de tous ses accessoires : le télégraphe optique, la boîte de la marmotte, le hérisson du petit Savoyard.

Alexandre Vialatte

Antiquité du grand chosier (Julliard, 1984).

 

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