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jeudi, 13 juin 2013

LA NOUILLE ET LE RUTABAGA

 

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LIBERATION, POUR MIEUX EMANCIPER LA FEMME, ERIGE LA PIPEUSE EN MODELE

(MAIS "je vois tes dents")

LE PROGRESSISME NOUVEAU EST ARRIVÉ

 

***

J’en étais resté à la logique de notre monde en ruine (Hermann Broch, Logique d’un monde en ruine, éditions de l’Eclat, 2005), qui peut se résumer dans cette forte formule : « Moi d’abord ». J’avançais (avec prudence mais fermeté d'âme) que la norme, c’est d’abord, à l’inverse de cette logique individualiste, la logique majoritaire de modes de vie, de règles, de coutumes, de pratiques sur lesquelles il se fait un consentement général. Le problème du consentement général, c’est qu'il est horriblement compliqué d'en inventorier et énumérer les éléments. Il est plus facile de dire ce qu'il exclut.

 

Tout simplement parce que la norme repose sur un ensemble de choses non dites. Et non dites parce qu’évidentes : c’est le mode de vie, qui peut se résumer dans cette forte formule : « C’est comme ça ». Certes, le consentement général, quand on est français, se visualise dans un drapeau bleu-blanc-rouge, un béret, une baguette, des charentaises . Bidochon, quoi.

 

Bidochon, c’est-à-dire stéréotype. Caricature. Comme on sait, le stéréotype est faux et mensonger. Mais il condense. Il condense peut-être des choses qui ne sont plus, mais il perdure. Il est loin, le temps où Gotlib pouvait faire rire quelques générations autour du personnage de Superdupont, sorte de Superbidochon, mais enfin, il reste une référence. Peut-être même qu'il y a de la vérité là-dedans.

 

C’est cette formule qui permet de faire un départ assez net (mais pas trop) entre le normal et l'anormal. En forçant le trait, on pourrait s’inspirer de ce programme de vie dessiné par des jeunes quand on leur demande comment ils envisagent l’avenir : fonder une famille, avoir un travail, faire des enfants, avoir une voiture, … (authentique, évidemment). On ne se doute pas combien les jeunes sont effroyablement conformistes.

 

Rendez-vous compte : ils veulent faire comme les autres. Ils veulent faire comme tout le monde. Être dans la norme. Il est là, le consentement général. Ensuite, on voit que la mise en œuvre de ce programme revêt l’infinité des formes que revêtent les individus, avec leur histoire personnelle, qui sert de centre à leur univers, comme c’est le cas pour chacun de nous autres, occidentaux.

 

Chez nous, donc, les gens vont sur deux jambes et deux pieds en état de marche, dans leur immense majorité. Chez nous, peu de gens se promènent avec une crête de cheveux verts ou violets dressée, héroïque, au  milieu du crâne rasé. Chez nous, dans leur immense majorité, les gens convolent en justes noces  avec un partenaire « du sexe opposé » (variante : « d’un genre qu’on n’a pas », c’est Guy Béart qui chantait ça, déjà le « genre », on n’en sort pas !). Sinon, ils « cohabitent ». Ah ce verbe qui commence par une question (« quoi ? ») et qui finit par une réponse.

 

On a compris, l’immense majorité de la population est formée de gens dont la vie, dans ses infinies variétés individuelles, est relativement homogène. Appelons cet ensemble « Population Majoritaire ». C'est un animal qui pond un œuf, plein de jaune et de blanc à la fois homogène et divers. Un oeuf baptisé « La Norme ». Comme tout œuf, celui-ci a une coquille, mais un peu spéciale, parce que, ni trop dure ni trop molle, elle est, en fait, plastique.

 

La coquille est faite pour signaler le poste frontière qui signale qu'on va sortir du territoire de la norme. En-deçà, on peut voisiner en bonne entente entre voisins, même quand on ne s’apprécie guère. Au-delà, certains envisagent, par exemple, de marier du masculin avec du masculin. Au-dedans, la forme de tout ça est un peu indéterminée. Au-dehors, les formes se découpent beaucoup plus nettement. Il est plus facile de dire ce qui n'est pas normal que ce qui est normal.

 

Le consentement général forme donc une réalité molle, difficile à saisir. Un exemple : le voisin, on ne le connaît pas bien, mais ça ne viendrait pas à l’esprit de ne pas le saluer dans l’escalier. Ce salut peut être qualifié de normal. Le problème, aujourd’hui, c’est qu’il est de plus en plus introuvable, le « consentement général ». L’œuf majoritaire semble avoir perdu sa coquille. Le blanc et le jaune se sont répandus sur le sol. On patauge dans le glaireux.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

Note : Ben non, pas de nouille, pas de rutabaga. Comme dans Le Parapluie de l'escouade, d'Alphonse Allais, où il n'est question ni de parapluie, ni d'escouade.

 

 

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