samedi, 21 avril 2012
LA CHASSE ET LA LITTERATURE
PIERRE MOINOT est un très bon écrivain. J’ai beaucoup apprécié deux romans de lui, deux romans de chasse, La Chasse royale, dont je vais parler ici, et Le Guetteur d’ombre, beaucoup plus crépusculaire et symbolique, aussi majestueux que le cerf que le héros poursuit est pour lui une sorte de Moby Dick, d’idéal métaphysique inaccessible, sauf qu’à la fin, il accepte la défaite. Il est même obligé d’accepter que l’animal soit tué, très injustement, par la jeune femme totalement néophyte, innocente et ignorante.
CELA NE L'EMPÊCHE PAS D'ECRIRE TRES BIEN
Je dédie ce billet à tous ceux qui ne comprendront jamais rien à la beauté de la chasse. Je ne parle pas du « tir aux pipes », en quoi consiste aujourd’hui, en général, une « ouverture » de la chasse. Je parle de la vraie, évidemment. Celle qu’on appelle la (ou le, je ne sais plus) « pirsch ». Qui consiste d’abord à connaître la bête, son lieu de vie, ses habitudes, ses voies. Et ça, ça s’apprend. C’est une sacrée école. D’accord, ce genre de chasse est plutôt l’exception que la règle. Pour une raisons simple : il faut avoir les moyens.
Sur un sentier des Vosges, en montagne, la jeune Hélène Servance suit, en se cachant, Henri Guifred et Philippe Lussac, armés de fusils, qui rejoignent le garde-chasse Charles Metzer, qui les emmène plus loin dans la montagne en se tenant sans cesse sur ses gardes, jusqu’à la Bestmiss, où ils découvrent tout un dispositif de braconniers.
Plus tard, au Schweissel, Philippe prend l’affût, voit une chevrette qu’il ne tire pas, puis une jeune fille, qu’il observe intensément. Il redescend bredouille, rencontre Studer, qui se méfie. Au retour chez Metzer, c’est le repas en compagnie de la vieille et charmante Germaine. Ensuite Metzer raconte aux deux jeunes gens tout ce qu’il sait des braconniers qui déciment le gibier de la région.
Après des recherches vaines, Metzer organise une traque où le petit Zeppi rabat le gibier et où Philippe montre un « joli coup de fusil », redécouvrant la joie d’être là, voyeur et chasseur. Deuxième traque, infructueuse. Henri et Philippe voient la jeune fille au moment où elle bat sa chienne, puis la suivent jusque chez elle. Henri raconte l’histoire de la famille Servance, où il n’y a plus que des femmes, Céline, Marthe et Hélène, sa fille.
Arrivés à Haudrenne (Oderen ?), ils déposent le chevreuil qu’ils ont tué devant la porte des Servance, comme le stipule le bail de chasse. Au retour, Philippe manque de se faire pendre à un collet de braconnier. Marthe Servance est aliénée au souvenir de son mari René, dont elle refuse la mort. Apparaît Céline, la vraie maîtresse de maison. A la découverte du chevreuil, elle annonce un repas de chasse, comme autrefois. Hélène réagit et, avec sa tante Céline, évoque le passé : à son contraire, elle aime le changement.
Zeppi aiguille les recherches de Metzer sur Ludovic Rambert. Le garde monte à Wolfrain, coupe de bûcheronnage, et apprend de Ludovic que c’est Grieb qui lui a fourni un sanglier pour un repas de chasse. Metzer, Studer et Zeppi descendent chez Grieb. Un faux client sort de son restaurant « L’homme vert », et Studer lui emboîte le pas. Metzer entre chez Grieb, et arrive à lui faire signer une reconnaissance de dette, aux termes de laquelle il promet de ne plus vendre de gibier braconné. Metzer retrouve ensuite le malicieux Zeppi.
Le repas de chasse à Haudrenne. Céline, auparavant, se souvient, à l’arrivée des chasseurs, devine comment il faut leur parler. Le repas se déroule agréablement. Les caractères se dessinent. Philippe regarde Marthe, dont il comprend les malheurs. Céline se comporte en vraie maîtresse de maison. La soirée est douce. Hélène et Philippe ont un long dialogue empreint de la plus grande sincérité. Puis Metzer sonne joyeusement dans sa trompe les grandes sonneries traditionnelles. Henri et Philippe rentrent chez eux.
On cherche vainement les braconniers. Lors d’un nouvel affût, Philippe, de nouveau, ne tire pas. C’était le « grand brocard ». Il pense à Hélène. Henri lui lit un passage d’un livre de chasse, dans lequel il se retrouve. Nouvel affût : Philippe tente de résister à son amour pour Hélène. Puis on entend les appels de la trompe de Metzer.
Cette fois, c’est sérieux : Zeppi les a repérés. Il descend prévenir Henri et Philippe, après être allé chercher le fusil de Metzer, malgré l’opposition d’Hélène, qui était au courant des braconnages. Les hommes, accompagnés du chien de Metzer, César, tendent l’embuscade à la Bestmiss. Dans l’obscurité compacte, on entend brusquement Metzer crier à son chien : « Au braco ! Tue ! Tue ! ».
Suit un moment d’anthologie, passage haletant, superbement écrit. C’est la bataille : les braconniers sont mis en déroute, mais Philippe est blessé, de même que César, auquel le braconnier sur lequel il sautait a ouvert le ventre au couteau : les intestins sortent. Après le retour au Herrenberg, c’est la séance de soins. Hélène est là.
Metzer s’occupe de son chien, dont il lave soigneusement les intestins, avant de laisser couler dans la blessure du beurre qu’il a fondu en le malaxant, puis de recoudre le tout. Quand Metzer ôte à Philippe les plombs reçus, Hélène le laisse lui mordre la main. Henri et Philippe raccompagnent Hélène à Haudrenne. Elle avoue son amour à Philippe, qui hésite encore. Une fois rentrée, elle raconte tout ce qu’elle a sur le cœur à Céline, qui se sent bien seule.
Tout le monde se repose. Henri et Philippe montent à la « fontaine aux coqs », puis déjeunent à Wolfrain. Henri trouve que Philippe a « quelque chose de brisé ». Celui-ci pense qu’avec Hélène, c’est fini. Mais Céline monte avec effort, et vient pour le convaincre d’accepter cet amour. En montant elle a réfléchi au moyen de le persuader.
Pendant la chasse au grand brocard, Philippe ne peut « s’échapper » d’Hélène. Puis c’est la traque d’un « grand vieux sanglier », dont Studer a repéré les « routes ». Il indique à Metzer, Henri et Philippe, le poste qu’ils devront occuper. Les « traqueurs » Studer et Zeppi chasse le sanglier devant eux, Philippe le blesse, et c’est Henri qui l’achève. Ils apportent ‘animal pendu à une perche, que les quatre portent alternativement.
Philippe, après avoir préparé dans les moindres détails leur départ pour le lendemain, vient dire à Hélène qu’il la prend. En quittant Haudrenne, il monte dans la pente pour se calmer, arrive jusqu’à la clairière où le grand bocard « dansait dans le dernier soleil autour de sa femelle ». Il le « cloue » d’une balle à la base du cou, le vide et le bourre de fougère, le prenant sur son dos. En bas, Henri lui jette : « Ah ! Je te pardonne tout, mon vieux Philippe, mon chasseur ! ».
CE N'EST PAS UN BROCARD, MAIS QU'EST-CE QUE C'EST BEAU !
Metzer sonne alors toutes ses fanfares, pendant que César se traîne jusqu’au chevreuil et lèche son pelage. Metzer a appris que les braconniers le cherchent pour lui faire un mauvais sort, alors il décide de passer à l’action : cela se passera chez Grieb. Ils seront assez de trois, et n’ont donc pas besoin de Philippe, à qui ils cacheront cette dernière expédition, avant son départ définitif avec Hélène. Il laisse à Henri sa carabine et son fusil. Et pendant que tous deux s’éloignent, ils entendent retentir le calibre douze de Metzer.
Puissant éloge de la belle, de la grande chasse. Bon, c'est vrai, l'histoire d'amour, on y croit ou on n'y croit pas. Il faut bien reconnaître que c'est un prétexte. L'essentiel se passe dans les pentes de la fôrêt vosgienne. Je me demande même si la forêt vosgienne n'est pas le sujet principal du livre. Non, j'exagère.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : littérature, chasse, pierre moinot, la chasse royale, le guetteur d'ombre, académie française, vosges, braconnier, garde-chasse, pirsch
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