samedi, 25 juillet 2015
BANDE DESSINÉE : PHILIPPE BERTRAND
Ce billet est suite et conséquence de ceux que j'ai commis aux dépens des pages "Sommaire" de Charlie mensuel (voir billets 19-20 juillet). Parmi les dessinateurs qui ont dessiné cette page 1 de la revue, deux ont attiré mon attention : Nicoulaud et Philippe Bertrand. Le premier a fourni à Wolinski onze dessins entre les numéros 66 et 132, le second sept entre le 72 et le 147 (au total, de juillet 1974, couverture Guido Crepax, à novembre 1981, couverture Roland Topor). En les comparant dans la durée, on constate une différence intéressante.
Autant le style de Nicoulaud (ci-contre, n° 71), qui a de l'invention, des idées marrantes au demeurant, n'évolue guère (il se contente de rester lui-même ; on pourrait dire aussi qu'il n'a pas attendu Charlie pour arriver à maturité), autant on assiste, dans le cas de Philippe Bertrand, de planche en planche, à l'émergence d'une vraie personnalité picturale. L'émergence du style identifiable d'un artiste.
N° 72, janvier 1975. Le vulgum pecus du dessinateur branché : c'est bien fait, c'est même minutieux, mais beaucoup de gens faisaient ce genre de chose.
Je veux donc parler de l'évolution du style de Philippe Bertrand, dont j’avais adoré l’album Linda aime l’art (en fait, il y en eut deux), sophistiqué, subtil et vaguement pervers, un album au style et à la technique superbement maîtrisés.
N° 84, janvier 1976. Ici, une "patte" commence à s'affirmer, même si c'est toujours le joyeux bazar baroque dans l'organisation.
La première planche (N° 72, janvier 1975) que Philippe Bertrand propose à Wolinski pour habiller le Sommaire de la revue Charlie mensuel (voir plus haut), pour parler franchement, appartient à la piétaille des petits soldats du courant psychédélique. Résumons : moyennement intéressant. Il sait faire, mais dans l'ensemble, pas de quoi grimper au rideau.
N° 109, février 1978. Vient le découpage en vignettes. Un cadre, pourrait-on dire.
Son dernier "Sommaire" (enfin, d'après ce que je sais) orne le N° 147 d’avril 1981 (ce Charlie s'arrête cette année-là, au n° 152). On voit tout de suite le chemin parcouru en six ans. Ou : comment passer du chemin de tout le monde à sa voie à lui.
N° 118, novembre 1978. Les personnages esquissent leur aspect définitif. Ils sont schématisés ("typés"), mais deviennent des individus.
Entre les deux, en six ans, Philippe Bertrand a trouvé le style de Philippe Bertrand.
N° 134, mars 1980. La figure humaine, en mouvement, échevelée et gominée.
Philippe Bertrand s'installe en auteur. Le genre de découverte qui fait, en musique, qu’après trois secondes, vous savez que c'est du Chopin.
N° 136, mai 1980. Une situation complexe, mais Bertrand a trouvé son visage.
J’enrage de ne pas savoir ce que j’ai fait de Linda aime l’art. Avant d'y arriver, Philippe Bertrand a fait sept planches du "Sommaire" de Charlie mensuel. Il a visiblement beaucoup travaillé. On peut même dire : beaucoup avancé. Une histoire personnelle, dont les pages que je montre aujourd'hui permettent de rendre compte, au moins partiellement.
N° 147, avril 1981. Là, on est installé dans la façon de faire de Linda aime l'art.
L'histoire de l’évolution d’un artiste qui chemine vers lui-même et qui finit par y arriver, pour signer un travail entre tous reconnaissable.
Charlie mensuel 2ème série, n° 15 (juin 1983) : Philippe Bertrand a vraiment trouvé sa manière. Je n'y peux rien : c'est juste beau. Il y a tout : le dessin, la surface, les couleurs. Accessoirement, l'allusion à L'Affaire Tournesol ou à L'Oreille cassée.
Alors chapeau ! Merci Philippe Bertrand. Merci Wolinski. Merci Charlie mensuel.
Voilà ce que je dis, moi.
09:00 Publié dans BANDE DESSINEE, LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0) | Tags : dessin, bande dessinée, charlie mensuel, nicoulaud, philippe bertrand, roland topor, guido crepax, linda aime l'art, wolinski
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