mercredi, 20 février 2013
EUGENE SAVITZKAYA
EN FACE DE LA PHARMACIE
Bison percé de flèches.
La flèche décochée l’attei-
gnit au talon. Bison recouvert
d’un linceul, d’un drap humide
et maculé qu’il faudra inciné-
rer et teindre après sa mort,
détruire avec divers objets
de métal. La blessure au front
est très longue et fine.
Tige froide pénètre sans
secousse le sachet du grain fort
et macule l’intérieur si bruta-
lement que le bison crie, monu-
ment de craie, mammouth presque
fou.
Atteint la région de semen-
ces et brûle. S’humecte l’os
principal, le rasoir, les bran-
ches et brûle la partie blême
du torse. Mouille le champ et
ses tissus. Flèche accède, de
biais, au poumon, à la housse
des flammes, et fléchit au mi-
lieu des serpents. Bisons châ-
tiés de tiges, de massues ar-
dentes manipulées dans la soie
ou dans le mica des étuis. Et
constriction à mi-corps. Héros
dévoré. Et le sperme macule le
bras armé.
EUGÈNE SAVITZKAYA, Les Couleurs de boucherie.
C’est une vaste cour rectangulaire cernée par de longs bâtiments de genre militaire. De longues tables et de longs bancs, en bois sommaire, y sont alignés. Sur les bancs, sont assis des rangées d’hommes à casquettes d’ouvrier, habillés comme pour un dimanche. Peut-être est-ce une cérémonie religieuse. Peut-être est-ce dimanche. Tout le monde est très propre, avec une mine sérieuse. J’essaie d’apercevoir le podium, dressé tout au fond, où doit être situé l’autel, mais le bord du toit m’empêche de voir plus que le pied d’une construction que je n’arrive pas à identifier. La cour se remplit d’eau. Les hommes restent assis, l’air sérieux. L’eau leur monte jusqu’aux épaules. De la main, plongée verticalement, je vérifie que l’eau continue d’arriver, je sens un courant. Personne ne s’affole. Tout le monde a l’air de trouver ça tout naturel. J’entends alors une phrase en allemand : « Zakur kui ». Je me penche vers H. : « T’as entendu ? Ils prononcent "Zakur kui" » (en zézeyant le z). Il paraît qu'on appelle ça un rêve.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (0)
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