jeudi, 19 janvier 2012
ÊTES-VOUS PLUTÔT GORGON OU PLUTÔT ZOLA ?
EPISODE 1
Je le dis d’entrée : ceci n’est pas un pamphlet (remarquez, MAGRITTE disait bien : « Ceci n’est pas une pipe »). EMILE ZOLA, j’aime bien. Le problème, c’est que ce n’est pas partout et pas tout le temps. Loin de là. Je dirai même que, chez ZOLA, beaucoup de choses m’insupportent carrément. Mais il faut encourager les jeunes auteurs : il ira peut-être loin, ce petit, on ne sait jamais.
Par exemple, le Claude Lantier de La Bête humaine, programmé en héritier d’alcoolique, qui sent monter en lui, en même temps que le désir sexuel, l’envie de tuer la femme qu’il tient dans ses bras, me semble une caricature de « cas psychiatrique », même si, à la réflexion, le cas de Moosbrugger, dans L’Homme sans qualités de ROBERT MUSIL, quoique différent, fait penser rétrospectivement au cas de Lantier.
Le parti-pris « scientifique » par lequel ZOLA fait de l’hérédité une sorte d’agent de la malédiction divine est, selon moi, à chier, parce que ça donne à ses romans, de façon différente dans chacun des Rougon-Macquart, un aspect plaqué, artificiel, théorique qui tue la vie propre du livre. L’effort de démonstration est tout sauf romanesque. Finalement, ce qui m’embête chez ZOLA, c’est l’idée.
Et puis, il y a le parti-pris « scolaire », je veux dire didactique, on pourrait dire la tentation documentaire. Je me rappelle avoir lu Le Théorème du perroquet, du mathématicien DENIS GUEDJ. Il paraît que c’est un roman. Moi, je veux bien, mais quand la partie romanesque est bouffée à ce point par l’intention didactique (découverte des mathématiques), on n’est pas loin de l’escroquerie. Il n’y a même plus d’intrigue.
Dans le même genre, Le Monde de Sophie, de JOSTEIN GAARDER, sur la philosophie, est bien mieux réussi. ZOLA est encore plus loin de cette caricature, mais c’est un aspect qui transparaît toujours de façon gênante.
Prenez Au Bonheur des dames, par exemple. Le petit Octave Mouret, qu’on voit, dans Pot-Bouille, changer d’étage au gré de ses changements de maîtresse, possède assez d’esprit d’entreprise pour, devenu adulte, construire en trois temps l’industrie de la grande distribution. Eh bien, pourquoi ZOLA se croit-il obligé d’infliger au lecteur trois visites exhaustives de l’hypermarché : un – éclosion, deux – développement, trois – triomphe ? Exhaustives, les visites ! Faut rien oublier !
Entrez dans Le Ventre de Paris, et vous étoufferez littéralement sous les tonnes, les variétés, les couleurs et les odeurs des victuailles, présentées dans des avalanches oppressantes. Il paraît qu’il faut considérer ces descriptions comme de « colossales natures mortes ». Moi, je veux bien, je ne suis pas contrariant.
Allez voir La Faute de l’abbé Mouret, où ZOLA nous inflige l’énumération lyrique du Bottin de toutes les plantes de la Création. L’action se passe dans le « Paradou » (ce nom !), quand le curé découvre, dans une amnésie brutale de tous ses devoirs de prêtre, le cataclysme des plaisirs de la chair en compagnie d’Albine. Le lecteur est brutalement assommé à coups de traités de botanique et de catalogues de pépiniéristes, tous épais comme un dictionnaire français / sanskrit en douze volumes.
Si le poids des péchés du monde est comparable à celui de ces énumérations, je comprends aussitôt l’horrible horreur du chrétien pour l’enfer. Et je suis prêt à considérer dès maintenant le haggis, la fondue au chester et le christmas pudding (spécialement conçus pour estomacs britanniques surentraînés) comme de tout légers amuse-gueule.
Voici à présent quelques exemples, non dénués d’humeurs diverses et de considérations arbitraires et injustes. Le monument national s’en remettra.
Voilà ce que je dis, moi.
Exemples et considérations à suivre.
09:00 Publié dans LITTERATURE | Lien permanent | Commentaires (3) | Tags : littérature, naturalisme, émile zola, magritte, la bête humaine, l'homme sans qualités, robert musil, psychiatrie, denis guedj, mathématiques, le théorème du perroquet, le monde de sophie, jostein gaarder, au bonheur des dames, pot-bouille, le ventre de parie, les rougon-macquart, la faute de l'abbé mouret
Commentaires
Zola n'étai-il pas payé à la ligne, ce qui expliquerait ce trop plein de descriptions ?
Écrit par : clch | jeudi, 19 janvier 2012
Je ne suis pas sûr de ça. Les Rougon-Macquart ont-ils été publiés en feuilleton dans la presse ? Cela répondrait à votre question. Dans le cas contraire, c'est qu'il a le vice dans le sang.
Écrit par : CHAMBE | jeudi, 19 janvier 2012
d'après ce que je lis en cherchant sur internet, oui, il a publié ces romans en feuilleton, comme par exemple Nana
http://www.alalettre.com/zola-oeuvres-nana.php
où il est écrit que "Ce neuvième roman de la série des Rougon Macquart a été publié à Paris en feuilleton dans le Voltaire d’octobre 1879 à février 1880". Ca peut expliquer les longueurs. C'est aussi peut être un de ses défauts et ils seraient nombreux, les auteurs, à le partager. Je me demande si cela ne serait pas du au fait que les romanciers s'imprègneraient tant des personnages et décors qu'ils imaginent -ou décors réels qu'ils adaptent à leur fiction-, qu'ils ont absolument besoin d'en coucher tous les aspects d'abord dans leur tête, puis par écrit, pour que ça prenne bien vie. Ils attachent tant d'importance ensuite à cette vie créée avec force détails, qu'ils en deviennent lassants. Ca me fait penser -dans un autre style et autre thème - à Tolkien qui s'était créé un vrai monde imaginaire à partir de ces romans jusqu'à inventer une langue.
Écrit par : clch | jeudi, 19 janvier 2012
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