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dimanche, 04 mars 2018

MON PRINTEMPS DE LA POÉSIE 1/7

LIVRE TRADUIT D'UN PUR DE LANGUE I

Je ne suis pas poète. J'avais pourtant donné quelques courts extraits d'un ouvrage que, faute de mieux, j'avais appelé "poétique". Cet ouvrage, achevé en 2003, était le distillat d'une épreuve morale qui a creusé en moi des ravines et labouré le champ de ce que j'étais pour y semer un grain que j'ignorais alors. Enracinée dans la mort de quelqu'un, cette écriture a vu naître celui que je suis devenu. Son caractère expérimental n'échappera, je pense, à personne (sachant ce que je pense, en matière d'art, de tout ce qui ressemble à de l'expérimental : on n'est pas à une contradiction près). Elle a eu l'honneur d'assez "déconcerter" (c'est le terme qu'il avait employé dans la lettre qu'il avait pris la peine de m'envoyer) le défunt Paul Otchakovsky-Laurens pour que ce grand éditeur de poésie s'abstienne avec courtoisie de la publier. Ce manuscrit, je le donne à partir d'aujourd'hui dans son intégralité. Sans illusion. Sans état d'âme. Comme un état de fait. 

Techniquement, la composition de l'ensemble repose sur un pari sonore : priorité aux consonnes. Et sur le corollaire de ce pari : l'éviction aussi totale que possible des "e" muets. Je précise que cet aspect formel est moins le résultat d'un choix qu'il ne s'est imposé, comme s'il avait fallu donner aux mots la rudesse d'un flot tourmenté, à l'image de mon âme à ce moment. Quant au titre, il s'est donné tel quel, de lui-même. Il en résulte peut-être une musique âpre à l'oreille, mais comme on proteste contre un destin : on sait que c'est en vain et on le fait quand même. Le tout, du moins est-ce ainsi que je me raconte l'histoire, est moins fait pour être lu que pour être parlé.

Le corps du texte se déroule en continu sur soixante-quatorze pages, auxquelles s'ajoutent une dizaine d'autres, pour la "strette", la "coda" et le "postlude". L'ensemble a été ici segmenté – au hasard – en sept (trop) longs tronçons à peu près égaux. 

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Besoin désir ?

Ou bien envie d’envie ?

 

Envie d'ouvrir,

mais c'est compris :

il faut attendre.

 

Une envie faite à réfléchir.

On entend, ça gronde.

On absorbe, en raideur,

le démarré de quoi ?

 

L’autorité, ça sait,

et c’est toujours ailleurs.

C’est déjà dans un ordre.

J'affiche un air,

quelqu'un d’ailleurs saura.

 

Imprimé à contrebande.

Un peu, pas tout à fait.

C’est un peu sincère.

On se garde à point.

 

On calcule avec nombres

(y compris celui des gravats).

Ça fait des plans, des empilements,

des tas de conditions.

Alors, par quoi commencer ?

 

Quand on voulait, c’était ouvrir,

c'est pas le mien, peut-être.

Construit à cause.

Un peu blindé, la pierre à souche.

Du vrai qui sait qu’on meurt.

 

Avec l'envie d'aller,

d'en prendre un autre.

On n'en manque pas.

Mais c'est sans preuve.

Qu'est-ce qu'on a donc ?

 

Envie d'éveil.

Je crois l'avoir.

Alors je pousse encore,

mes tisons font la fièvre,

mais j'ai donné sans preuve,

j’en suis réduit.

 

C'est que s'il faut que oui,

on sort de soi,

ça ne prend pas.

Hors du somnolé, on se confie.

On s'expose en envie.

 

Quelque part, quelqu’un sait ?

Mais quand même il faut.

C'était l'envie. Qui est là ?

Lui aussi, ça doit rester.

Il faut que oui.

 

Tout retenu dans le pli,

perché tout près.

Sans forcer la main,

sans faire esprit.

 

Voilà, ça vient se dire.

Pas trop de peine.

Qui vient symboliser ?

Qui fait priorité ?

C'est l'envie.

Mais du coup, ça fait tout.

Tout vient ensemble.

On a pas mieux.

 

Trier, ça éternise.

Avec le temps,

ça fait du vent.

 

On a voulu savoir,

mais c’est au saut du lit.

Et pour savoir un peu,

on fait du doute.

 

Dans le clair du dessin.

C'est l’attention, avec du mou.

Est-ce que ça rend heureux ?

 

Envie d'ouvrir, allez,

quelqu'un qui fasse.

Si on peut pas, alors quoi ?

 

Etrange et bas, le sûr se tait.

Je dis les bribes.

Mais l’entier ne cesse pas.

Le temps vient après tout ça.

 

J’entends l’existence.

C'est en forme de fin,

dans le conflit, on entre en parole.

On n’est peut-être pas.

 

Ecrit à l’endroit fort,

transparent sur l’opaque.

Sans repentir, entre la forme et la fin.

 

En action pure de langue,

forme à tout prendre.

On fait de la personne,

en vie, du foisonné.

 

C'est le cœur contre,

on doit s’y rendre.

La formule est en presque.

 

Ce n’est pas là, le diverti.

Qu'est-ce qu’on a ?

Ce n’est pas net.

Pourtant c’est fort aimé.

Mais dans ce cœur,

on se repasse le plat d’idée.

 

Qui veut ouvrir ?

Qui se fait en dedans,

avec des trous de formes ?

Il faudra bien nommer.

 Laisser partir.

D’après moi, ça se fait.

 

Quand j'ouvrirai, ça servira ?

Qui a voulu, en conscience ?

Ce qu’on laisse à deviner,

ça se donne en peur enivrée.

 

Visage en roue voilée,

en vérité sur quoi ?

C’est rapiécé,

comme un visage.

 

Pas de mais.

Rien que la glace.

Pour la galerie,

ça se rassemble,

le coup de pouce est à la peine.

C’est à la source. Ca brille.

On s’incline.

Un avenir ou deux.

Il faudra, tu devras.

 

A peine entré, c’est là qu’on va.

On a repris le cours,

ceux qui prétextaient.

On dévide.

 

Quand on aura vu, on rejoindra.

Dans deux temps, ça peut jouer.

Tout dépendra des comédiens.

 

On appuie à peine.

C’est lent.

On attend, pour l’exprimer,

les témoins oculaires.

On attend, pour agir,

la nécessité, les analyses.

 

Il ne faut pas dormir.

On entrevoit : ça mûrit,

beaucoup à la fois.

Il n’est pas en secret.

On essaie d’apercevoir :

qui se dérobe ?

 

Tout le monde accroché.

Au cœur du lieu, ce serait pur.

Au lieu du coeur, ce serait dur.

Qu’est-ce qu’on refuse ?

 

Si on demande un délai,

l'angoisse aura changé,

la fermeture est annoncée.

Il faudra défaire et laisser.

 

Si ça décompose,

on comprend quoi ?

Un visage à montrer.

 

Un seul en apparence ?

C'est la vie grosse,

un tour de soif.

 

Qui ravitaille en apparences ?

On sent la durée suspendue.

On est pour la joie.

 

Tout tombe,

tout se redresse,

les mots, les attirails.

Et puis, avec superbe,

on choisit son métier.

Parce qu’il faut gagner,

ce serait ça, la vertu.

 

Les prémices de vieux.

Les frissons qui vont avec.

On se libère de rien,

rapport à tout ce qui précède.

Qui a tout donné ?

C’est quoi le sacrifice ?

Mouture fine.

 

      Voilà qu’il s’éveille en cuir.

Il ouvre les placards.

Il verse un peu de conscience

dans son cadavre de nuit.  

Il entre en souvenir.

Ce qui tombe en premier,

ça joue dans le courant.

Mais ça se tient.

Tout n’est pas rose :

c’est la lisière.

Mais ça sent clair.

 

Il est vêtu.

Cela prouve, évident.

Il faudra bien sortir.

Il a fait des enfants.

Il se délivre avec les yeux :

quand il les ferme,

il n’est pas dans l’obscur,

c’est la vie profonde.

 

C’est du sommeil intense.

En habit de surmenage,

il a mis son visage en gravité.

Le visage est brisé.

Il a plaisir en grimace,

il a fontaine de traits.

Il renouvelle son identité.

 

Tu es gâté,

soyeux.

Tu creuses,

tu photographies.

Tu jettes les cris par la fenêtre.

Tu ne fais pas la guerre.

Tu fais des tartines.

 

Tu ne sais pas quoi devenir.

Un voyage, un visage, un ordre ?

Dire par quel moyen :

mais on risque un racontar,

tu seras aveugle ou saoul.

 

Pas de chef de physionomie.

Tu vois l’avenir se remplir de ça.

Tu retournes à l’entrée, au salon,

où boivent les enterrés.

Tu ne sais pas comment finir.

 

Pour trois quarts d’humanité,

l’amertume.

Tu regardes.

Tu ne sais pas comment t’en tirer.

 

Je vois le cœur.

J’ai la césarienne.

J'envie les désirs des mort-nés.

Il y a une sorte de poésie.

 

On pénètre en rétro,

c’est le propre corps.

On est sonneur de quoi,

le corps dehors ?

Un peu de monticule,

un petit bord :

on mourra propre.

Je suis né sans effets,

pourquoi il est fait, ce ventre ?

 

J'envie les désirs des mort-nés.

Impuissant par la mère,

quoi remuer ?

Avec un peu sa honte,

sous la surface en chair.

 

Entre deux, de très loin,

les corps s’assemblent,

mais sans virer au gai.

Entre deux, j'ai vécu à cent francs.

Avouer, décider, se tromper :

comment se fabriquer ?

Comment s’extraire ?

 

J’envie les désirs des mort-nés.

J'enterre ma honte.

J’ai décidé de me tromper.

Je n’ai pas trop de honte.

Je ne suis pas forçat.

Je ne suis pas sourd.

 

J’envie les désirs des mort-nés.

Complots d’opérette,

parturitions d’opérette.

Je nais de force.

Je peux fabuler.

C’est une sorte de poésie.

Je fabrique en vie propre.

 

Avec la frontière du corps,

dire adieu au corps maternel.

Est-ce qu’on est sûr ?

Qui fabrique la vivante,

l’entrée dans la matière ?

 

On se trompe en espoir ?

Alors c’est l’obstruction ?

Qu’est-ce qui est vivant,

hors du corps maternel ?

 

Les envies des mort-nés.

La fuite, l’utérus des pensées.

On se force à fabriquer.

C’est vraiment du désir ?

On s’extrait de la matière,

malgré la parturiente ?

Rien de plus obstiné.

Tout un effort,

la vie faite à l’extrusion.

 

Il y eut une pensée,

il y eut un problème.

Ce fut le jour du temps,

le sourd consume.

Avec sens et joyeux d’avoir,

le monde adonne.

Un jour loin.

 

L'exception éphémère

(on a compris dedans,

c'est l'effet-mère).

Elle a pu s'oublier

(la vraie qui se renonce,

avec la clé de la semence).

La poésie des profondeurs.

On accepte seulement.

 

Qui se prend pour ?

Où ça s'installe ?

L’éternité pouvait.

On a douté.

Un écroulement.

Alors c'est la vie-vite.

 

Il fallait un ventre.

On fait du refus,

mais à moitié.

En-four-né cuit à point.

On ouvre les dents.

On comprend comment c’est,

avec le face-à-face.

 

La porte claque,

on refait l’auparavant,

la vie profonde,

vite organique.

La vie-vite,

en-four-née.

Oh qui dira les torts,

si la vie-vite ?

On reprend tout,

mais à la diable.

Rien ne ressemble.

 

Quelle est la poésie ?

L’infirmité en sursaut ?

La matière en tort ?

L’instinctif insu ?

 

Une âme extraite animale

n’a plus à penser.

Forme des dents,

le vent du centre.

On fait complet

avec le sang du ventre.

 

Avant la profondeur,

on doutait du sérieux.

L’infirmé s’use en silex

à chercher son âme.

La poésie semble au refus.

Et s’il fallait assouvir ?

 

Devenu l’urne-mère,

cendre à transmettre,

dorure incomprise.

La poésie, après l’impossible,

c’est quand on creuse en trop,

ça lave en souterrain l’enfance.

 

Il fallait un ventre.

On eut le refus.

En-four-né, la vie s’ouvre.

L’homoncule cuit à point.

On fera semblant de comprendre.

On ressemble à la photo,

qui n’est pas l’âme.

 

On l’a pris ailleurs,

l’air de la profondeur.

On l’a trouvé avant naître,

on transmet en vie-vite.

 

La poésie de reproduction

fabrique sa honte.

On opercule, et c’est trop tard.

Reste l’infirmité,

le sursaut de la matière.

 

Il n’y a pas à penser,

ni à savoir.

Le ventre ne s’ouvre pas,

quand on ne prend pas part.

Dans l’urne-mère,

ça brûle.

Les dents claquent,

on se transmet les torts.

 

A qui revient la profondeur ?

L’âme instinctive a mal.

Qui s’est moqué de l’utérus ?

Avant la naissance,

le doute a ratissé,

pas à pas, un pas vide.

On a trouvé l’organique,

mais c’est ailleurs.

Le lieu de poésie

reste en photo.

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