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vendredi, 23 août 2013

HENRI BOSCO, LA NUIT

L’essentiel d’Un Rameau de la nuit, livre de Henri Bosco, n’est donc pas là. Le premier chapitre est un préambule, qui nous fait découvrir le petit village de Géneval. Village désolé, que ses habitants ont désormais à peu près tous déserté. Le narrateur (Frédéric Meyrel), qui aime marcher dans la campagne provençale, y fait connaissance, à travers l'obligatoire rideau de perles de verre, de Rose Manet, l’aubergiste, et de son neveu, Marcellin, qui a des problèmes avec la réalité prosaïque. On verra qu'il ne l'aime vraiment pas. Jusqu'à se laisser mourir.

 

Une curieuse allégorie (« un vaste paysage qui s’étendait sur toute la paroi »), représentant un pays imaginaire, a été peinte sur un des murs de l’auberge, cent ans auparavant, par un homme de passage qui est reparti en emmenant une fille du pays. Ce fut le début de la désertion, de l’abandon du village par ses habitants. Mais il reste habité d’un charme indéfinissable et persistant, avec sa fontaine à quatre tuyaux de cuivre, son « Café du Souvenir », ses gros platanes, son église, où ne viennent plus que deux vieilles pour assister à  la messe dite par le très vieux (et souffrant) curé Bourguel.

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L'EGLISE DE VAUGINES, BELLE CARTE EDITEE PAR L'AMITIÉ HENRI BOSCO

(PHOTO J.-P. BAREA)

Le deuxième chapitre nous transporte à Marseille, où le narrateur, dans un appartement agréable, vit de travaux savants et de traductions (« Je travaille pour des Sociétés savantes et pour des Universités, la plupart étrangères ») de textes en grec ancien, souvent très difficiles. Meyrel nous parle de son réseau d’amis (les Jumerand, les Hautard, les Labartelade, auxquels il faut ajouter Alleluia, un vieux loup de mer, Travellini, le douanier et Drot, qui a navigué dans le temps), et hop ! le voilà embarqué dans une aventure rocambolesque, qui manque de lui coûter la vie.

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L'AMITIÉ HENRI BOSCO PUBLIAIT DANS LE TEMPS DE BELLES SERIES DE CARTES : ICI, LA "COMMANDERIE", SUR FOND DE LUBERON, DONT LA TOUR FAIT PENSER A CELLE OÙ SE REFUGIE, TRAQUÉ, LE HEROS DE L'ANTIQUAIRE.

(PHOTO J.-P. BAREA)

Trois des amis suivent un soir un Alleluia très mystérieux, qui grimpe à bord de l’Altaïr, vieux navire promis à la démolition. De nuit, évidemment. Après s’être livré à une petite cérémonie bizarre en souvenir d’une certaine Marie-Josépha de Jésus, immergée en mer au larges des Maldives, Alleluia se rend dans la salle des machines et, tout bonnement, ouvre les vannes. Meyrel est sauvé in extremis d’une noyade ignominieuse et tragique par ses amis Labartelade et Travellini.

 

Après un chapitre de rétablissement et de préparation, nous arrivons aux deux clefs de voûte de l’ouvrage. Drot, pour une raison qu’on découvrira, conseille au narrateur de se retirer pour un temps à la campagne. Tiens, par chance, un notaire de ses amis, Me Seigue, loue, pour un prix très accessible, pour ne pas dire bradé, « Une grande maison toute meublée, en bon état ; un parc de quatre hectares, clos ; eau de source, lumière, dépendances, site admirable, contre une colline, vue sur les lointains à travers les chênes, oratoire privé, vaste volière ». Comme par hasard, la maison est sise à Géneval. Le lecteur que je suis est particulièrement sensible à la description d'un cadre assez proche de ce qu’il a lui-même connu.

 

Mais le sortilège (car c’en est un) ne naît pas de la pauvre expérience particulière de ce lecteur, qui est plutôt une coïncidence, n’en doutons pas. La description, non, la visite attentive, au chapitre suivant, de cet immense parc (4 hectares), vous emmène dans une ambiance de perte des repères, d’obscurité : l’auteur a beau nommer (une fois pour toutes) les points cardinaux, comment voulez-vous mémoriser les détails ?

 

Une seule certitude, le parc est trop vaste pour devenir un espace auquel l'individu avide de solitude saurait imposer sa maîtrise. C'est un parc, semble-t-il, prévu pour qu'il s'y perde. Le parc de la propriété « Loselée » existe à part entière, comme un personnage, presque comme une personne.

 

Ce qu’on apprend, c’est l’existence de gigantesques volières, où le narrateur, au tout début de son séjour, voit l’étrange jardinier Mus (qui porte bien son nom, puisqu’il ne profère que très peu de mots) siffler doucement en pleine nuit. Et puis, derrière le haut mur, il y a Fontanelle, vaste bâtisse elle aussi, où la propriétaire ne met plus les pieds depuis son départ il y a trois ans.

 

La maison elle-même semble opulente comme une matrone aux formes fortes, mais obscure comme une volonté mystérieuse. On n’en fera pas le tour (« Ma première pensée fut de la visiter. Mais la lampe était trop lourde, mal commode. L’heure tardive, ma fatigue m’invitaient au repos. J’allai vers la porte-fenêtre pour tirer les volets ») : la terrasse, vaste comme il se doit, le salon de l’entrée, l’escalier, la chambre avec son coffre menaçant comme un grand rapace, heureusement couvert d’un drap.

 

C’est tout ce qu’on en saura, si ce n’est que le ménage et la cuisine sont assurés par Valérie, une fille de dix-sept ans d’abord présentée comme muette, puis comme sourde et muette. Décidément, les gens parlent fort peu, dans Un Rameau de la nuit.

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

C'est vrai, je n'ai pas beaucoup parlé de la nuit. Mais je n'ai pas dit mon dernier mot.

 

 

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