dimanche, 05 mai 2013
DE "SILENCE" A "LA BELETTE"
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J’ai fait l’éloge, récemment, de Didier Comès, qui vient de disparaître. Un artiste du noir et blanc, du roman, de la bande dessinée, des Ardennes et de la tragédie réunis. Comme carte de visite, il y a pire. Donc j’ai baratiné en l’honneur du chef d’œuvre paru autrefois dans la revue intitulé Silence. Belle histoire tragique, quoique rurale (ah, la campagne, la vie au grand air, les oiseaux, les fleurs !), superbement construite, découpée et dessinée.
Du coup, j’ai eu envie de remettre le nez dans le bouquin suivant, La Belette, et bien m'en a pris. Sans atteindre le degré « chimiquement pur » de Silence, La Belette reste du bon et du beau, et même du très bon et très beau, grâce au splendide équilibre maintenu entre le propos de l’histoire et les moyens mis en œuvre pour la raconter.
Si je mets un bémol à mon enthousiasme, c’est d’abord qu’on retrouve un « schéma narratif » un peu calqué sur le précédent, quoique différent par plusieurs aspects : le rôle de Silence est tenu par Pierre qui, ici, a deux parents (du bien classique des anciens temps du mariage : un papa et une maman), mais qui est atteint d’autisme.
On retrouve la sorcellerie, par le biais d’un vieil envoûtement qui a conduit Théophile au suicide et qui hante la maison achetée par le couple de Parigots-têtes-de-veau. Mais l’auteur a ajouté à cette « tradition » la très vieille religion de Déméter, représentée par la Belette et son père, qui organisent des cérémonies dans un site préhistorique (un cercle de menhirs) au centre duquel trône une "statue de la déesse" (j'en parlerai mieux demain). Ils se déguisent en cerf et hibou.
On retrouve le curé, mais cette fois, il ne fait pas une minuscule apparition, il occupe la place d’un vrai personnage central, qui figure même « l’Axe du Mal » à lui tout seul. Le Mal incarné par un curé : on aura tout vu. On retrouve évidemment les paysages des Ardennes, entre campagne et forêts, où se baladent toujours en suspension des feuilles mortes, sans doute pour figurer le vent qui souffle, mais qui cette fois font un peu trop « décor ».
On retrouve la paysannerie à travers les figures du père Renard et de son fils, magnifiques têtes d’épouvantails (ci-dessus), celle redoutable du père, et celle du fils, de vrai dégénéré, obsédé par le sexe. Mais Comès innove en inventant le personnage de Hermann, un ancien de la Waffen SS qui, blessé lors de la guerre, a été soigné et sauvé par Théophile : une solide amitié est née, qui s’est cristallisée autour de la pratique du spiritisme (cela rappelle « Le Mage » dans Silence).
Arrive dans ce paysage le couple d’acheteurs parisiens de la maison de feu Théophile, nanti de Pierre, le fils autiste. A l'époque du bouquin, on ne disait pas encore "bobos". Gérald, arrogant, imbu de son importance, travaille pour la télévision, et se fiche éperdument des « locaux » : ici ou ailleurs, il apporte son monde avec lui. C’est un sale con, qui ne sait même pas faire la différence entre une chèvre et un bouc (déjà des problèmes de "genre", v'rendez compte !).
Anne, a priori bonne épouse et enceinte du deuxième, éprouve un vif sentiment de culpabilité pour ne pas s’être assez occupée (pense-t-elle) de son fils quand il aurait fallu et qui se désole qu’il ne parle pas. Pierre est un grand et bel adolescent qui, à table, a un comportement de trois ans : il en met partout, et prend plaisir à plonger un Dupon(dt) dans sa bouillie.
Voilà ce que je dis, moi.
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