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dimanche, 24 février 2013

BRASSENS ET "GIBRALTAR"

 

 

L'EPICERIE-COMPTOIR

(qui ne vaudra jamais la charcuterie-comptoir des vieilles filles alsaciennes Woehrlé, 185 rue Duguesclin, qui vendirent en leur temps la plus sublime choucroute crue de Lyon tant qu'elles furent de ce monde, et qui offraient - aux seuls "bons" acheteurs -, en plus de tous leurs secrets de cuisson (un plat de côtes au fond de la gamelle, par exemple), un verre de merveilleux Gewürtz ou de Riesling formidable)

 

Le titre exact du livre est Brassens, le regard de "Gibraltar". Les éditions Fayard / Chorus ont publié en 2006 ce livre de Jacques Vassal. Pour dire vrai, je n’avais jamais lu de livre sur Brassens, et cela pour une raison simple : Brassens, il fait partie de l’air que je respire, non pas par ce que je sais sur lui, mais à cause de ce qu’il a mis de musique en moi. Les pores de ma peau intérieure transpirent du Brassens à la moindre occasion, et il n’est pas rare que je me réveille le matin avec en tête « Le Grand chêne », « Grand-père » ou « Un 22 septembre ».

BRASSENS & GIBRALTAR LIVRE.jpg 

C’était comme s’il courait en moi une « ligne de vie » signée Brassens. Ce n’est pas la seule. Celle-ci côtoie celles de Jean-Sébastien Bach, de Thelonious Monk, des Beatles ou de Beethoven, pour ne parler que de musique. On dira ce qu’on voudra : je n’ai pas tellement besoin, en fait, de savoir des choses sur Brassens. C’est tout le problème de mon rapport au savoir, j’en suis d’accord : je suis persuadé que le savoir n’apporte pas le plus petit atome de richesse à la vie. Il faut d’abord vivre.

 

 

Brassens, avec l’intégralité de ses chansons enregistrées, se suffit, je crois, à lui-même. En même temps qu’il me suffit à moi-même. Comment dire ? Je ne suis pas un « fan » de Brassens, je ne le porte pas aux nues, mais son œuvre vit en moi, de façon permanente et indélébile. Une chanson s’y est même gravée plus récemment, puisque je l’ai découverte quand j'ai acheté les CD : « A mon frère revenant d’Italie », qui est la parfaite mise en musique de plusieurs strophes d’un beau poème de Musset. C'est la plage 16 dans le CD Mourir pour des idées. La chanson, qui ne figurait pas sur les microsillons, finit ainsi :

 

                            « Frère, ne t’en va plus si loin.

D’un peu d’aide j’ai grand besoin,

Quoi qu’il m’advienne.

Je ne sais où va mon chemin,

Mais je me sens mieux quand ta main

Serre la mienne ».

 

Inutile de dire que cette strophe sublime résonne aujourd’hui en moi comme jamais auparavant. Des paroles qui m’atteignent au cœur.

D MOURIR POUR DES IDEES.jpg

Alors le livre, me direz-vous ? C’est un livre sérieux, posé, où, surtout, le baratin n’a pas sa place. Un livre exposant des faits, et pas de sentiments. Ce serait déplacé. Certains pourront penser que, vu le personnage de Brassens, le propos manque de chaleur. Mais l’absence de lyrisme et d’expression des sentiments convient parfaitement : les faits se suffisent à eux-mêmes, et les laissent transparaître éloquemment.

 

 

Jacques Vassal a opté pour un exposé chronologique. Il a eu des entretiens avec Pierre Onteniente, dit « Gibraltar », fidèle entre les fidèles. Gibraltar (j’imagine que c’est parce qu’il était, auprès du chanteur, solide comme le rocher du même nom, je ne retrouve pas le passage où c’est expliqué) connaît Brassens au camp STO de Basdorf, et de retour à Paris, ne cesse de rendre des services au chanteur encore inconnu, pour devenir son factotum au moment où sa renommée s’étend.

 

 

L’auteur, à partir de ces entretiens, se contente modestement de faire le lien entre les différents moments du propos de Gibraltar, mais ce lien, il l’établit à merveille, gardant une trajectoire rectiligne sur la crête qui sépare une objectivité trop distante et les ragots à sensation.

 

 

Ce qu’apporte principalement Gibraltar, c’est évidemment la proximité du témoignage. Il est de toutes les aventures du chanteur, il est de ceux qui le connaissent le mieux, dans le moindre recoin, évoquant par exemple, sans s’appesantir, la double vie sentimentale de Brassens, pris entre la Jeanne (jalouse) de l’impasse Florimont et Püppchen.

 

 

Dernièrement, Charb, de la feuille hebdomadaire Charlie Hebdo, a proprement dézingué Brassens, dont il ne peut pas supporter, dit-il, d’entendre parler. Visiblement, il en a marre. Cela le regarde. Dans le tissage complexe dont je suis fait – la chaîne comme la trame –, je vois la solidité et la couleur vive des fils nommés Brassens. Je n'y peux rien, c'est comme ça. Qui pourrait me l'enlever ? Charb, certainement pas.

 

 

Le livre de Jacques Vassal est un bon livre.

 

 

Voilà ce que je dis, moi.

 

 

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