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jeudi, 22 novembre 2018

LES BEAUTÉS CACHÉES ...

... DU CAPITALISME.

Ou : "QUAND L'ACTIONNAIRE GOUVERNE LE MONDE".

Dans la série : "Des nouvelles de l'état du monde" (n°69).

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On a tout dit de Donald Trump, Docteur Folamour du capitalisme américain, éléphant dans le magasin de porcelaine de la géopolitique mondiale. Je ne vais donc pas l'invectiver, d'abord parce qu'il adore ça et que ça le fait rire, que ça le renforce et que ça confirme ses électeurs dans leur choix ("si on nous attaque, c'est qu'on nous en veut de réussir, ça veut dire qu'on a raison contre tout le monde"), ensuite et par conséquent que je n'ai pas envie de perdre mon temps. Je préfère me contenter d'évoquer la réforme fiscale qu'il a mise en place depuis son arrivée spectaculaire au pouvoir.

Je ne suis pas fiscaliste, je ne peux que m'informer de choses et d'autres, et de temps en temps par la lecture du journal Le Monde, (eh oui, je sais, je ne devrais pas, mais c'est entre plusieurs autres sources, car je m'efforce de "recouper"). Et je suis tombé dernièrement sur une "chronique" lumineuse à force de pédagogie et de clarté. Une chronique signée Stéphane Lauer, dans le numéro daté du 20 novembre. Je savais déjà un peu tout ça, mais là, j'ai vraiment eu l'impression de comprendre ce qui se passe dans le panier de crabes de la nouvelle économie, je veux dire celle qui fait de la satisfaction de l'actionnaire une priorité quasi-totalitaire. J'avais déjà évoqué cette "beauté cachée" du capitalisme actuel le 20 mai de cette année ("L'actionnaire gouverne le monde", à lire ici, où l'on verra qu'il est déjà question de Carlos Ghosn).

Alors la réforme fiscale de l'Oncle Picsou américain (bien réel, hélas : pique-sous, et il ne se trompe pas de poche, il aime seulement les plus que riches) ? Très simple : vous diminuez les impôts. Mais attention, vous ne la jouez pas "petits bras", vous n'y allez pas à la petite cuillère : au char d'assaut. On ne fait pas dans l'étriqué : le programme, c'est une réduction de 1.500 milliards de dollars sur 10 ans. Autant de moins dans le sac du budget de l'Etat américain. J'avoue que j'ai du mal avec les grands nombres, mais ça m'impressionne quand même. 

Bon, c'est vrai, ce n'est pas complètement irrationnel dans le principe, et l'intention peut sembler louable. Mais c'est aussi très hypothétique, car ça revient à placer son espoir de réussite dans les bonnes intentions de tout un tas d'acteurs économiques, puisqu'on attend d'eux qu'ils développent l'investissement, qu'ils augmentent les salaires et qu'ils favorisent assez la croissance pour qu'à l'arrivée le budget trouve un nouvel équilibre grâce aux « recettes fiscales additionnelles », « les multinationales acceptant de rapatrier leur trésorerie sur le sol américain ». Limpide, mon cher Watson !

Mais à l'arrivée qu'est-ce qu'on trouve, en réalité ? Stéphane Lauer appelle ça un "sugar rush", injection du genre "qui-donne-un-coup-de-fouet-momentané", mais dont l'effet ne dure pas. En français, je propose de traduire par "effet d'aubaine". Car ce qui se passe, c'est que les entreprises, n'ayant pas des perspectives de rentabilité assez "attrayantes" (j'imagine qu'au-dessous de 15%, le taux de profit – "résultat net" – est jugé insuffisant), n'ont pas construit les usines attendues, modernisé leurs machines, ou embauché du monde.

Alors qu'est-ce qu'elles ont fait de cette trésorerie "améliorée" ? Je cite Stéphane Lauer : « les entreprises préfèrent utiliser leurs ressources financières pour rémunérer leurs actionnaires ». Vous avez bien lu : "rémunérer leurs actionnaires". Et comment cela se passe-t-il ? Elles rachètent en Bourse leurs propres actions et, sitôt rachetées, les détruisent (Lauer dit "annulent"), ce qui diminue évidemment leur nombre et fait automatiquement monter la valeur de chaque action restante (« le profit étant réparti sur un périmètre plus restreint » ; traduction : "le gâteau est toujours le même, mais on a éliminé pas mal de convives"). C'est de l'arithmétique. Demandez-vous pourquoi Wall Street s'est rarement aussi bien porté que depuis l'avènement de Donald Trump.

L'actionnaire, lui, en redemande. Pensez, 28% d'augmentation de ses revenus attendus cette année (1.300 milliards, selon les calculs de Goldman Sachs) : « Apple, Microsoft, Cisco, Alphabet (Google) et Oracle ont ainsi consacré 115 milliards de dollars pour racheter leurs propres actions depuis le 1er janvier ». L'auteur ajoute que Bush (George W.) avait fait la même chose en 2004, avec le même résultat. 

En face de l'actionnaire, il y a tous les autres (ceux qui n'ont pas, ou si peu). Selon une officine (Tax Policy Center), la classe moyenne y gagne royalement 76 dollars par mois du fait de la baisse d'impôt. Attention, c'est une moyenne. Quant au travailleur, réjouissons-nous : les entreprises ont consenti (mais sous forme de prime) à orienter vers sa poche un "pactole" correspondant à  « 7% de ce qu'elles ont empoché ». Pendant ce temps, l'actionnaire, ce mal-aimé, ce malmené, a dû se contenter de 57% (cinquante-sept pour cent). Une misère ! On lui fait confiance pour clamer à l'injustice qui lui est faite : être obligé de partager ! Et avec des petits, des malpropres !

Et pendant ce temps, qu'est-ce qu'il fait, le budget de l'Etat américain ? Rassurons-nous, ne nous dit pas Stéphane Lauer : « Alors que l'économie américaine est en quasi-surchauffe, les comptes publics se dégradent à une vitesse vertigineuse ». Résultat : les USA, qui avaient emprunté 546 milliards de dollars en 2017, emprunteront en 2018 la modeste somme de 1.300 milliards. Après avoir constaté un peu plus haut que : « Une telle dérive est totalement inédite en période de prospérité », l'auteur ajoute, avec une sorte d'effarement inquiet : « Du jamais vu depuis la crise financière de 2008 ».

"Totalement inédite", "Du jamais vu"... « Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau ! », disait Baudelaire. Il est pas beau, le "monde meilleur" ?

Voilà ce que je dis, moi.

vendredi, 09 octobre 2015

LA LAÏCITÉ ? ELLE EST MORTE !

Ah, la loi de 1905 ! Ah, la séparation des Eglises et de l’Etat ! C’était le bon temps ! « Il est toujours joli, le temps passé, une fois qu’ils ont cassé leur pipe », chante Georges Brassens. Il a bien raison. 

Ça a commencé en 1989, dans je ne sais plus quel collège de la région parisienne, quand deux collégiennes ont prétendu assister aux cours coiffées de ce qui est devenu par la suite « le voile islamique », et que le principal le leur a interdit. 

Certains diront que la remise en question de la laïcité « à la française » remonte à 1947, c’est-à-dire à la création de l’Etat d’Israël dans un territoire qui, depuis, n’a plus connu la paix. C’était d’une part un conflit entre juifs et musulmans, et à l’époque de la traction avant, la France était uniquement peuplée de gens à la peau blanche. 

Cela a bien changé. D’une part, la guerre continue en Palestine et n’est pas près de finir, et d’autre part la peau moyenne de la population dite française a commencé à tirer vers le bistre et, dans certains endroits (Gagny, 93), l’usager du métro croirait débarquer à Bamako. Par le fait même, la France a importé des gens habités d’une religion étrangère à l’Europe, si l’on excepte quelques ilots balkaniques (et encore : en matière d'islam "modéré", les Bosniaques s'y connaissent mieux que personne).

 Résultat de toutes les évolutions, la France n’est plus un pays laïc. Je n’exagère pas : jamais les religions n’ont occupé autant de surface dans les journaux et de temps sur toutes les antennes. L’espace public subit objectivement une occupation dont la France déchristianisée n’a plus rien à faire depuis 1905. 

En 1883, c’est bien ainsi qu’Ernest Renan envisageait la question. Ainsi, il écrit, dans ses Souvenirs d’enfance et de jeunesse : « La croyance ou l’opinion des uns ne saurait être une chaîne pour les autres. Tant qu’il y a eu des masses croyantes, c’est-à-dire des opinions presque universellement professées dans une nation, la liberté de recherche et de discussion n’a pas été possible. Un poids colossal de stupidité a écrasé l’esprit humain. L’effroyable aventure du moyen âge, cette interruption de mille ans dans l’histoire de la civilisation, vient moins des barbares que du triomphe de l’esprit dogmatique chez les masses.

         Or c’est là un état de choses qui prend fin de notre temps, et on ne doit pas s’étonner qu’il en résulte quelque ébranlement. Il n’y a plus de masses croyantes ; une très grande partie du peuple n’admet plus le surnaturel, et on entrevoit le jour où les croyances de ce genre disparaîtront dans les foules, de la même manière que la croyance aux farfadets et aux revenants a disparu. Même, si nous devons traverser, comme cela est très probable, une réaction catholique momentanée, on ne verra pas le peuple retourner à l’église. La religion est irrévocablement devenue une affaire de goût personnel. Or les croyances ne sont dangereuses que quand elles se présentent avec une sorte d’unanimité ou comme le fait d’une majorité indéniable. Devenues individuelles, elles sont la chose du monde la plus légitime, et l’on n’a dès lors qu’à pratiquer envers elles le respect qu’elles n’ont pas toujours eu pour leurs adversaires, quand elles se sentaient appuyées ». 

Je passe sur l’ « interruption de mille ans » : Renan n’avait pas lu Pour en finir avec le moyen âge, de Régine Pernoud (1977). 

Pour le reste, le fait que les médias ne cessent de nous harceler de questions religieuses et en particulier, de façon obsessionnelle, de refrains musulmans, rend l’air ambiant tout à fait irrespirable. Cette omniprésence du débat autour de la place de l’islam en France, pour un esprit imprégné de laïcité, est carrément insupportable. La concurrence victimaire que juifs et musulmans se livrent sur le territoire national (islamophobes contre antisémites) est carrément obscène. 

Et les Edwy Plenel (auteur de Pour les musulmans) qui jouent les Docteur Folamour de l’idéologie dominante aveuglent tout simplement l’opinion publique sur ce qui est en train de se passer : l’enterrement honteux et en toute petite pompe de la loi de 1905. Ce qui se passe n’est pas une évolution : c’est une révolution. Un bouleversement de l’identité française et européenne.

Tant que la croyance des musulmans qui vivent en France ne se réduira pas à la sphère purement individuelle, tant que les musulmans, en tant que tels, ne se seront pas rendus complètement invisibles dans le paysage, comme le sont les catholiques et les protestants (et les juifs à un moindre degré) la France devrait se considérer comme agressée. 

Voilà ce que je dis, moi.